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Une troisième lettre de Rome !
par Justin Petipeu 2019-10-13 22:31:17
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Cher cousin,

C’est vraiment une grande chance que nous avons eue au matin de cette nouvelle journée de synode, de rencontrer le cardinal Baldisseri qui se rendait à pied, comme nous, vers la salle de Congregatio. Mon oncle a pu discuter quelques instants avec lui et je n’en ai pas perdu une miette ; tout ce que je vais vous dire est donc pour vos yeux seulement...Notre bon pape François a trop d’ennemis pour que ces choses soient diffusées. On ne sait jamais…
Pour dire vrai, les sentiments du cardinal semblaient mélangés. Il nous dit qu’il était très satisfait que toutes les avancées que l’Église en marche vers un avenir plus humain et plus fraternel espérait, aient été mises sur la table. Là-dessus, il n’y avait aucun doute. C’était plutôt la manière qui le dérangeait. C’était lui, après tout, le grand ordonnateur du synode et il lui semblait que les choses lui échappaient quelque peu. Il faut reconnaître qu’au bout de quatre jours de synode, on avait tout vu et tout entendu, comme si depuis des années, le parti du progrès attendait qu’on le libère et qu’il puisse tout envahir ; liturgie, doctrine, pastorale, etc...Le pape François, à ses dires, en était content. Mais s’il voulait bien qu’on mette « le bordel », comme il le disait si élégamment, il voulait aussi garder la main et certains à la Curie, se demandaient maintenant ce qu’on allait bien pouvoir raconter jusqu’au 27 octobre.
Le cardinal était particulièrement remonté contre un certain Werin Traükler, Autrichien de naissance, évêque de 80 ans dont 50 de ministère en Amazonie. Le brave homme se répandait dans la presse en brûlant toutes les cartouches du pape sur la liturgie, le célibat sacerdotal, l’ordination des femmes, etc...Il manquait de prudence, selon le cardinal, et passait aussi souvent pour quelque peu farfelu. Alors que le principe des diaconesses n’était même pas voté, il disait à qui voulait l’entendre qu’on ne tarderait pas ordonner des femmes à la prêtrise. Le cardinal pensait que cela allait inquiéter les modérés. De plus, il se susurrait que son ministère en Amazonie s’était plus déroulé aux « beach-bars » des grands hôtels pour Européens qu’au fin fond de l’Amazonie...de telle sorte que le pape lui-même l’appelait en ricanant « notre Docteur Schweitzer es mojitos ». Une autre chose étonnante était son comportement sur le célibat sacerdotal. L’évêque prétendait que les Amazoniens ne pouvaient concevoir le célibat et lorsqu’on lui faisait remarquer que de nombreux peuples à travers l’espace et l’Histoire étaient ou furent dans la même situation, y compris en Europe au moment des invasions barbares, il répondait avec morgue qu’il ne connaissait pas ces tribus des IIème, IIIème et IVème siècles mais qu’il connaissait les Indiens d’Amazonie. Reconnaissons, mon cousin, que l’argument est spécieux. Encore plus étrange : cet homme ne voulait en rien renoncer à son célibat qu’il avait promis de vivre le jour de son ordination et dans le même temps, il n’envisageait pas de se faire passer pour un célibataire auprès des Indiens qu’il visitait de temps à autre. Il avait donc trouvé le stratagème suivant : il affirmait à toutes les tribus qu’il était marié à sa mère, qui avait 105 ans et qui vivait à 10 000 kilomètres, en Autriche. Il pensait ainsi ménager la chèvre et le chou, si j’ose dire ! Le propos est évidemment absurde et sur les millions de km² que compte l’Amazonie, il avait gagné auprès des Indigènes le surnom de « Tok-Tok », qu’on pourrait traduire trivialement dans notre langue par « le Toqué ».

« Heureusement, soupira le cardinal, il y a eu cette très bonne nouvelle : le prix Nobel de la Paix n’a pas été attribué à Gerta Buntherg ! » Mon oncle lui demanda en quoi cela était une bonne nouvelle. Le cardinal s’expliqua : « Cette petite conne n’arrête pas de voler la vedette au pape François, alors qu’ils disent exactement la même chose. Elle occupe l’espace médiatique ; elle est partout ; à l’ONU ; à l’UNESCO ; à Davos ; elle nous gonfle avec ses 16 ans...Elle fait passer le bon pape François pour un vieux schnock. Heureusement qu’elle passe très mal à la télé ; vous avez remarqué, Monseigneur ? Dès que 3 ou 4 micros se tendent vers elle, on se croirait dans « Mars attacks ». Certains rigides et ensoutanés dans l’Église racontent que le pape a volé les discours de Gerta alors que c’est exactement le contraire...Bien fait pour elle ! » Conscient d’en avoir trop dit, il se tut jusqu’à notre arrivée.

La séance de cette matinée fut passionnante ! En effet, il y fut question de péché écologique qui devait être mis en lumière à l’occasion du synode (« ecological sin » en anglais, dont on parle partout). Quelle séance, mon cousin ! On y discuta âprement des méchants gouvernements fascistes qui opprimaient les pauvres indigènes et aussi des sociétés multinationales dévoreuses de l’espace vital des communautés primitives mais de manière inattendue, le cardinal Marx, poids lourd du synode – sans jeu de mot – proclama audacieusement que le synode devait toucher l’humanité tout entière, qu’il devait rejoindre le bio-système des Indiens d’Amazonie et qu’ainsi, il devait être proposé qu’un fumeur, partout sur la surface de Mère la Terre, jetant son mégot, serait passible de péché mortel !Oui ! Vous m’avez bien lu, mon cousin : péché mortel ! Cela fait des décennies que le clergé et les laïcs rassemblés ici ne croient plus à ce genre de billevesées ! La proposition du cardinal Marx était d’autant plus fulgurante ! Et la réaction ne s’est pas fait attendre : ce fut un hourvari, une communion, une ferveur, une harmonie fabuleux ! De partout on l’acclama et le bon pape François était prêt à inscrire cela dans le marbre quand le Chef Curupira, simple observateur mais impressionnant grâce au disque Caoba qu’il portait à la lèvre inférieure, et aussi parce qu’il est l’un des chefs les plus puissants d’Amazonie (sa tribu compte plus de 1000 membres), brandit sa lance et demanda la parole. On lui tendit aussitôt le micro et l’oreillette...  « Toi ! Homme blanc ! Sais-tu que ma tribu fume le tabac depuis 3 millions d’années ? Sais-tu que si les cuisses de nos femmes et de nos filles sont aussi brunes, c’est parce qu’on y roule nos cigares depuis la nuit des temps ? Quel crime imagines-tu d’amputer nos traditions vivifiques données par nos sœurs les Plantes ? » Quel brouhaha ! Les Pères synodaux se déchaînèrent !
Les uns se rangeaient à l’avis du cardinal, les autres prétendirent que le tabac d’Amazonie était naturel et ne polluait en rien ; les premiers rétorquaient que le vice était dans le geste et non dans la matière et que l’Amazonie, c’était l’Univers ! On était prêt à se frapper et j’eus peur. Certains proposèrent de larguer par avion au-dessus de la forêt amazonienne des milliers de cendriers ; on leur opposa qu’il y aurait une méchante empreinte carbone et que de plus, les Indigènes risquaient de se faire assommer. Pour finir, ceux qui faisaient cette proposition ne se rendaient même pas compte qu’ils étaient en plein « colonialisme idéologique » !
On fit appel aux plus grands théologiens qui dissertèrent longuement sur le sens de la Création et pourquoi le tabac existait. D’autres dirent que l’humidité était trop importante dans la jungle pour qu’un incendie se déclare à cause d’un jeté de mégot mais les uns répliquèrent que le drame de l’Amazonie était les feux de forêt...On en appela aux religieux. Les Franciscains proposèrent de danser nus, juste vêtus de feuilles de tabac ; les Dominicains étaient prêts à distribuer des pétards de marijuana afin d’aider à la réflexion ; le supérieur des Jésuites se moqua d’eux en racontant que son ordre était passé depuis bien longtemps à des substances plus puissantes et que cela n’avait eu aucun résultat probant...On faillit même appeler le cardinal Kasper pour faire de la théologie à genoux...Le service de sécurité avait entre-temps retiré sa lance au Chef Curupira qui devenait menaçant. Bref ! Tout à coup, le pape François prit la parole et décida solennellement de ne rien décider : ainsi il créa 3 commissions, secondées chacune de 6 sous-commissions, et chacune de 9 secrétariats afin de définir une fois pour toutes la place du jeté de mégot dans l’ordre du péché écologique nouvellement créé. Tout le monde se leva pour acclamer le pape. Cela dura des minutes et des minutes ; on savait que la séance était filmée et chaque Père regardait son voisin, de peur d’être le premier à cesser d’applaudir. Enfin, François donna le signal du déjeuner et tous les Pères synodaux, chacun dans sa langue, allèrent au réfectoire en louant la grande sagesse du pape !

Quelle ne fut pas notre surprise en arrivant à notre place, de constater que nous avions devant nous des pizzas pour déjeuner ! Des pizzas, vous dis-je ! Où étaient donc passés les délicieux plats exotiques, la gastronomie amazonienne, où étaient donc les jambu, tucupi, macaxeira et tucuma ? Je pris quelques éclaircissements discrètement alors que le chef des cuisines passait par là vers la fin du repas et celui-ci me répondit tout aussi discrètement que la cuisine amazonienne ne convenait pas à tout le monde, que l’on avait constaté une forte affluence aux toilettes vaticanes ces derniers temps et que même les Indigènes trouvaient que cela commençait à ressembler au Maroni, « le fleuve marron ». Par ailleurs, de hauts prélats avaient déclaré que l’inculturation, c’était très bien mais qu’elle avait aussi ses limites naturelles…

Avant la séance synodale de l’après-midi, juste après le déjeuner, il s’est passé un événement tout-à-fait extraordinaire dans le hall que je ne peux passer sous silence…

Vous connaissez sûrement ce prélat africain de haute stature qu’est le cardinal Sarah. On m’a dit de m’en méfier à cause de ses idées rétrogrades et de son scepticisme vis-à-vis de l’actuel pontificat. Peu importe. Il se tenait non loin de moi vers 13h30, dans le hall, quand soudain, un Indien, habillé à l’européenne (ou presque), c’est-à-dire accoutré de sandales « Jésus», d’un short beige, d’un T-shirt jaune crasseux et coiffé d’un bob « RICARD » se mit à tourner tout autour du prélat en sautillant et en lui jetant des grains de manioc, du tapioca, du guarana et aussi des pignons de pin. Il faisait cela en chantant à voix basse des mélopées inintelligibles, où l’on pouvait entendre des « Pacha Mamma », des « Tatachina » et des « Ñandesy »….Vous savez comment est le cardinal ; rien ne peut le déparer de sa dignité et au début, il craignit surtout pour la propreté de sa soutane. Mais l’instant de surprise passé, il voulut engager le dialogue avec le drôle et fit quelques pas vers lui. L’autre se recula d’autant et continua son manège, toujours en grommelant ses formules et lançant sur le cardinal toute ces sortes de choses. Il y avait au moins cent personnes qui assistaient à ce spectacle et qui n’en croyaient pas leurs yeux. Finalement, au bout d’ 1 mn 30s, un service de sécurité musclé souleva l’Indien et le conduisit manu militari au-dehors.

Intrigué, je me rapprochais du groupe d’Indigènes avec qui il discutait peu de temps avant et leur demandai ce que tout cela signifiait. Ils me dirent qu’en Amazonie, le cardinal Sarah passait pour un sorcier, non pas à cause de sa couleur, contrairement à ce que vous auriez pu penser, cousin, mais parce qu’après toutes ces années de pontificat bergoglien, il était toujours préfet de la Congrégation du Culte divin ! Pour eux, il était clair qu’il y avait de la magie et des esprits là-dessous. Ce petit groupe d’Amazoniens s’était donc concerté pour faire sur le cardinal une sorte d’exorcisme ou de guérison, si vous préférez, et c’est l’homme au bob, Poncho, qui avait été désigné pour ce faire. Je remarquai parmi eux un homme avec un gros téléphone satellitaire qui ne cessait d’expliquer je ne sais quoi à je ne sais qui. On me dit qu’il était en liaison avec le chaman du village, car ce genre de rite exigeait que dans le même temps, une jeune fille soit sacrifiée par le chaman qui devait lui arracher le cœur avec ses seules mains. C’était ce que les esprits des morts avaient réclamé au chaman...On termina en me disant que c’était la fille du même Poncho qui avait été désignée et était partie rejoindre les esprits. En entendant ces atrocités, je fus pris de nausées et de convulsions et partit aussitôt du synode en sanglotant ; je n’étais pas en état de suivre les débats de l’après-midi.

Comme je rentrais chez moi, je pensais qu’il était tout de même étrange que le pape fit reposer toute la Sagesse du Monde sur ces pauvres Indigènes et j’eus le sentiment que quelque chose n’allait pas. Je résolus de dire de suite, en marchant, un « Je vous salue, Marie... »à l’intention du Pontife. « Je vous salue, Marie... » je me rendis compte en même temps que depuis mon arrivée à Rome, je n’en avais jamais entendu un seul et j’en fus très troublé.

Je vous laisse, mon cousin. Je suis très très fatigué. Depuis plusieurs nuits, je suis réveillé par d’horribles crises de panique. Je ne comprends pas pourquoi. Peut-être à bientôt...

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