Une traduction d'un article de Crux:

Pousser pour réhabiliter un pape du passé illustre une grande vérité sur le présent

par John L. Allen Jr. le 12/02/2019

''(…) une association privée espagnole demande au Vatican de réhabiliter la figure de Benoît XIII, élu à la papauté en 1394 à l’époque d’Avignon et traditionnellement considéré comme un anti-pape.

Selon le texte soumis, le groupe souhaite que le Vatican reconnaisse "sa dignité morale, universitaire et culturelle en abrogeant son excommunication et en l'intégrant en tant que fils légitime et fidèle de l'Église".

Les événements en question se sont peut-être produits il y a six siècles, mais si le Vatican acceptait cette demande, cela aurait une pertinence évidente pour l'ici et maintenant.

L'association en question s'appelle «Les Amis de Papa Luna», du nom de famille de Benoît XIII, Pedro Martinez de Luna. Le 21 décembre, elle a remis un important fichier à la Congrégation pour la doctrine de la foi du Vatican, dirigée par leur compatriote espagnol le Cardinal Luis Francisco Ladaria, en tentant de faire valoir le bien-fondé de la reconnaissance de Benoît XIII, en tant que pontife légitime.

Selon le mémoire du groupe, saint Jean XXIII a déjà établi un précédent, car il portait le nom d'un anti-pape qui avait été déclaré anathème pour avoir défié le concile de Constance en 1414-1418, le même délit pour lequel Benoît XIII a été excommunié.

Né en 1328 dans le royaume d'Aragon en Espagne, de Luna est issu d'une famille noble. Il a étudié le droit et est devenu reconnu pour son esprit juridique aiguisé ainsi que pour son mode de vie austère. Il a été élu à la papauté en 1394 à une époque où il y avait deux (éventuellement trois) prétendants au trône, à condition qu'il travaille à remédier au schisme et à démissionner de la charge lorsque l'évêque de Rome et les cardinaux sont d'accord.

En 1417, le concile de Constance élit un nouveau pape pour mettre fin au schisme, mais Benoît refusa de se retirer au motif qu'il était le seul cardinal nommé par le dernier pape incontestablement légitime, Grégoire XI. Il s'installe à Peñíscola en Espagne, prétendant toujours être pape, où il restera jusqu'à sa mort en 1423. À la fin, il avait promulgué près de 25 000 bulles papales, témoignant du sérieux avec lequel il considérait son statut.

Selon l’association «Les amis de Papa Luna», il existe essentiellement quatre arguments en faveur du retour de Benoît XIII aux bonnes grâces de l’Église.

Premièrement, insistent-ils, il était sans équivoque orthodoxe et défendait la doctrine de l'Église, en particulier en ce qui concerne la primauté papale. Dans une interview accordée aux médias espagnols, Juan Bautista Simó, président de l'association, a déclaré que Benoît XIII avait en fait anticipé l'enseignement du Premier concile du Vatican contre le conciliarisme reflété dans le concile de Constance qui cherchait à placer l'autorité papale à l'intérieur d'un système quasi parlementaire.

Deuxièmement, le groupe soutient que personne n’a jamais mis en doute la validité juridique de l’élection de Pedro de Luna à la papauté - et qu’en conséquence, rien ne devrait faire obstacle à sa reconnaissance parmi les successeurs légitimes de Pierre.

Troisièmement, le groupe soutient que quel que soit le jugement que l’on puisse avoir aujourd’hui sur les actions de Benoît XIII au cours de la période maintenant connue sous le nom de «Grand schisme d'Occident», il a agi par intégrité personnelle et par volonté de servir l’Église. Selon Simó, Benoît XIII fut un "martyr qui n'a pas renoncé à son obligation sacro-sainte malgré les condamnations du turbulent concile de Constance".

Quatrièmement, le groupe estime également que la manière dont Benoît XIII a vécu ses dernières années, isolée, avec une autorité n'étant plus reconnue par aucune juridiction autre que son propre royaume d'Aragon, tout en restant fidèle, suggère la sainteté.

«À Peñíscola, il a transformé son diadème papal en une véritable couronne d'épines», a déclaré Simó. Il a noté que, alors que Benoît XIII était en exil, il écrivait «un traité philosophico-religieux débordant de spiritualité».

Il est décédé, a déclaré Simó, "dans une solitude épouvantable, mais dans un dialogue permanent et véritable avec Dieu."

Il n'est pas clair si la Congrégation pour la Doctrine de la Foi entendra sérieusement la demande du groupe, bien que Simó ait affirmé que Ladaria avait eu «une bonne impression» de la pétition et fut également frappé par «la vitalité révélatrice d'un groupe doté de force et de conviction."

En tout état de cause, la pertinence contemporaine de l’histoire est la suivante : La manière dont une personne est vue par les instances officielles de l’Église aujourd’hui est rarement suffisant pour évaluer comment cette figure sera vue à long terme.

L’histoire de l’Église regorge de personnalités considérées comme hétérodoxes, renégates ou désobéissantes par le pouvoir de leur époque - on pense à François d’Assise, Jeanne d’Arc, Mary MacKillop et Padro Pio.

Il reste à voir si Benoît XIII rejoindra un jour leur compagnie. Le simple fait qu’il existe, cependant, est un rappel utile que se mettre ''dans l’eau chaude'' avec les autorités de l’Église n’est peut-être pas une idée pour passer du bon temps, mais ce n’est pas nécessairement le dernier mot.''

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