Personnellement, la question de savoir si la FSSPX dispose d'une juridiction me paraît complexe. Par juridiction, on entend ce pouvoir "de prolonger le témoignage rendu par le Christ à la vérité, en proposant ouvertement à travers les âges la plénitude de la vérité chrétienne, tant spéculative que pratique" (JOURNET).
Apparemment, elle n'en dispose pas de la part de l'Eglise: ni le pape, ni les évêques approuvés par le pape ne lui ont donné de juridiction. La FSSPX invoque, pour sa part, une juridiction de suppléance. Mais cette question reste délicate, car la juridiction est ou n'est pas.
Or, la juridiction est une question capitale, car certains actes ne peuvent être accomplis sans juridiction (cas des confessions). Elle est donc nécessaire.
Alors, quelle solution pratique adopter ?
Pour ma part, je pense que la FSSPX dispose implicitement d'une juridiction, même si son institution est délicate. JOURNET admet, concernant les communautés séparées, du moins celles qui disposent d'un épiscopat, que le Siège romain a peu leur en conférer une. Dans son Eglise du Verbe incarné (T. 1), le cardinal visait les orthodoxes, mais rien ne pourrait empêcher de d'étendre cette attribution à la FSSPX et aux communautés qui lui sont unis.
En effet, si l'on examine tous les textes romains relatifs à la situation de la FSSPX, et même la pratique de la part des autorités, on peut dire qu'il y a une certaine indulgence: JEAN-PAUL II n'a jamais qualifié l'attitude et la situation de la FSSPX de schisme; les dicastères romains n'ont jamais qualifié la FSSPX de communauté séparée, etc. Donc, on peut admettre que l'Eglise romaine n'a jamais refusé à la FSSPX une juridiction, non en l'affirmant explicitement, mais de manière implicite en évitant de qualifier la FSSPX de manière grave. Plus généralement, Rome tolère la FSSPX, quoi qu'on en dise. Au pire, la FSSPX n'est pas dans une situation régulière, mais les autorités ecclésiales evitent toute qualification injurieuse ; au pire, la FSSPX est tolérée, avec plus ou moins de réticence, mais tolérée quand même, ce qui en dit long sur une voie que les autorités refusent d'emprunter.
La FSSPX a pu avoir été désapprouvée, mais on n'est jamais allé jusqu'à tirer les conséquences de ce désaveu. Si les autorités utilisaient le terme "schisme" concernant la situation de la FSSPX, cela n'aurait guère de sens: des catholiques, en situation régulière profèrent des énormités, nient une partie substantielle de la doctrine catholique, désobéissent ouvertement au pape et à la hiérarchie, etc.
Au fond, si les autorités on refusé d'appliquer des sanctions dures à l'égard de la FSSPX, c'est surtout parce que la crise de l'Eglise l'en empêche. Elles savent qu'il y aurait injustice. On peut aussi dire que c'est en vue d'une réconciliation (certes hypothétique) que les autorités romaines ont évité des expressions dures, laissant la place à une certaine souplesse.