D’un évêque en France au patriarche de Venise
Il porte un drôle de nom, ce nouveau « catéchisme de l’Eglise catholique pour les jeunes » : le saviez-vous, c’est le Youcat. Le nom était déjà pris par Facebook, mais tant pis. La première chose que j’ai sue du Youcat, c’est qu’il a 308 pages. Trois cent huit. Je n’avais pas envie d’en savoir davantage. Trois cent huit pages, ce n’est toujours point le plus urgent, ce n’est donc pas le Petit catéchisme pour enfants baptisés, celui qui manque le plus !
Une trentaine d’années après la suppression, dans les diocèses, de tous les catéchismes pré-conciliaires, on avait eu l’édition typique du Catéchisme de l’Eglise catholique (CEC), un très gros volume pour l’instruction des évêques, et cinq ans plus tard, corrigée, sa seconde édition typique. Puis, en 2005, nous avons eu le Compendium, ou abrégé, qui était moins énorme. Et maintenant voici le Youcat : la cure d’amincissement se poursuit, on est tombé à trois cent huit pages. Il faudra encore un réel effort. Les « Premières notions de catéchisme » de saint Pie X avaient 14 pages. Et son « Petit catéchisme », 60.
Le Youcat actuel existe en une vingtaine de langues. Sa traduction française a été « révisée par Mgr Michel Dubost », l’évêque le plus idoine : il est hautement apprécié, Golias nous l’assure, comme « un responsable avisé et inspiré du renouveau catéchétique », il a déjà « accompli un travail remarquable » en qualité de président de la « commission épiscopale de la catéchèse et du catéchuménat ». Cet éminent spécialiste déclare avoir « beaucoup de respect pour le dogme », mais, ajoute-t-il au sujet du catéchisme, « nous ne sommes pas dans l’expression dogmatique, nous sommes dans la recherche des mots qui traduisent l’expérience ». Voilà sans doute pourquoi, depuis quarante-cinq ans, il n’y a plus le petit livre du catéchisme pour enfants baptisés.
Notez-le : ce qui remplace l’« expression dogmatique », ce sont « les mots qui traduisent l’expérience ». Quelle expérience ? Eh bien, la supposée expérience mystique des petits enfants, qu’il ne faudrait pas devancer, mais seulement suivre, en recherchant « les mots qui la traduisent ». Depuis quarante ans cette pure ânerie prétend s’imposer à la place du catéchisme traditionnel, et c’est ainsi que s’est évaporée dans les diocèses l’instruction religieuse des enfants.
Une « catéchèse » qui, tout en les « respectant », écarte les dogmes, n’a plus rien à voir avec la religion catholique. Sauf peut-être avec la religion du cardinal Ange Scola, actuel patriarche de Venise. Il est « compté parmi les papabili » selon La Croix du 6 mai dernier qui s’empresse dans un tel compte, insolent et prématuré ; et qui nous rapporte la déclaration du Patriarche, elle est importante, elle est grave, lisez-la bien :
« Désormais, le christianisme ne sera plus un fait de naissance, mais le résultat d’un choix conscient. »
Pour l’enfant baptisé, le baptême est pourtant un « fait de naissance », le fait, auquel il ne peut rien, d’être né dans une famille chrétienne. C’est de la part des parents que ce baptême est, non pas d’ailleurs un choix, mais un acte conscient. Pour l’immense majorité des chrétiens, le baptême n’est pas « le résultat d’un choix » personnel, il est un fait de naissance et d’héritage. Et, n’en déplaise à Mgr Dubost, il donne aux enfants baptisés une aptitude à recevoir la parole de Dieu, il crée en eux une soif des dogmes. C’est pourquoi il faut un petit catéchisme pour enfants baptisés, il n’a pas besoin d’être malencontreusement retardé par les patientes lenteurs d’une catéchèse pour adultes n’ayant jamais eu ou ayant étouffé en eux le baptême chrétien.
Nous avons reconnu chez le patriarche de Venise la religion MK, la religion de La Croix, celle que Michel Kubler y a enseignée pendant des années, prônant « le passage d’une foi héritée à une foi choisie » (cf. nos Chroniques, voir « MK » et « Kubler » à l’index alphabétique). Le cardinal Scola n’est pas le seul dans sa rêverie. Cet envahissement de la hiérarchie catholique par la religion MK, nous n’allons pas le laisser passer rien dire.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7376 de Présent du Vendredi 24 juin 2011
Désormais le christianisme ne serait plus le même !
Relisons ensemble l’extraordinaire profession de foi de l’actuel patriarche de Venise que j’ai citée hier. On peut supposer, c’est tellement énorme, qu’il n’avait pas pleinement conscience du sens et de la portée de ce qu’il disait, mais enfin il l’a dit, il l’affirme, il l’enseigne :
« Désormais, le christianisme ne sera plus un fait de naissance, mais le résultat d’un choix conscient. »
La rupture post-conciliaire a bien eu lieu, c’était bien une rupture. Nous en tenons là un aspect saisissant ; un aspect décisif : l’affirmation effrontée que « désormais » la religion chrétienne « ne sera plus » ce qu’elle était ; elle change de nature. Telle est, clairement énoncée, l’assurance idéologique qui a envahi une grande partie du clergé catholique et de sa hiérarchie. La plupart, semble-t-il, ne savent pas ce qu’ils disent. Mais ils le disent.
Ils méconnaissent la nature de la vie humaine, qui commence pour chaque personne par un héritage temporel et spirituel qu’elle n’a pas choisi, et la première démarche de sa conscience sera d’en être émerveillée et d’en éprouver une profonde, une souveraine gratitude. On naît débiteur. On reçoit la vie, une famille, une nation et son langage, une civilisation, une religion. La « conscience », c’est commencer par comprendre cela, puis y rester fidèle. C’est la piété filiale du quatrième commandement, qui préside la seconde table du Décalogue et la vie en société.
Les idéologies subversives, la culture de mort nous ont tellement aveuglés qu’il nous faut maintenant le secours laborieux de la philosophie chrétienne pour retrouver les évidences du plus sûr bon sens. Ecoutons donc le philosophe Charles De Koninck :
« Nous n’avons pas choisi de naître ; nous sommes venus au monde sans nous. On ne nous a pas donné non plus d’opter pour le type ou la combinaison de gênes qui fixèrent la sorte d’individus que nous sommes (…). Nous n’avons choisi ni le lieu de notre naissance, ni la race ni la nation de nos parents ; ni leur état social ni leur religion. Nous n’avons pu exercer de contrôle sur notre première formation, à l’âge où les opinions et les préjugés prenaient un caractère d’indiscutable évidence (…). Et ce que je pense de tout cela peut dépendre à son tour d’un enseignement que j’ai reçu sans le choisir. » (Le scandale de la médiation, Nouvelles Editions Latines 1962, p.12-13.)
La famille où nous sommes nés peut donc nous dire :
— Ce n’est pas vous qui m’avez choisie.
Et notre nation peut nous le répéter :
— Ce n’est pas vous qui m’avez choisie.
Tel est l’ordre naturel. Tel est aussi l’ordre surnaturel. Jésus nous dit :
— Ce n’est pas vous qui m’avez choisi : c’est moi qui vous ai choisis. (Jn 15, 16.)
Il ne s’agit donc pas, cardinal Scola, d’installer à la place d’un « fait de naissance » votre imaginaire « choix conscient » qui par définition supprimerait le baptême des enfants.
Il ne s’agit pas, Michel Kubler, de « passer d’une foi héritée à une foi choisie », ce mépris de l’héritage surnaturel est l’impiété fondamentale de la religion post-conciliaire.
Il ne s’agit pas, évêque Dubost, de « respecter » les dogmes, il s’agit de les « enseigner ».
P.S. – A l’instant, Sandro Magister annonce comme « imminente » la nomination du cardinal Ange Scola à l’archevêché de Milan, son diocèse natal, « le plus grand et le plus prestigieux du monde ». – J.M.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7377 de Présent du Samedi 25 juin 2011