Cinq questions à Anne Bernet
Notre-Dame en France


« Ne craignez pas ! Je suis là et je veille ! », promit la Vierge Marie à saint Rémy, la veille du baptême de Clovis. Depuis plus de quinze siècles, les Français confiants en ce serment n’ont cessé d’élever les plus beaux sanctuaires à Notre-Dame. Dans Notre-Dame en France publié aux éditions de Paris, Anne Bernet rapporte l’histoire et les traditions de cinquante-deux lieux de culte à travers la France. Chaque sanctuaire est traité sur quelques pages, mais ces pages sont denses et riches d’un arrière-fond de lectures, de culture et de prières et l’auteur signifie non seulement sa dévotion à la mère de Jésus mais démontre en quoi sa foi est fervente et belle. Cette œuvre qui est plus qu’un guide peut faire un bien extraordinaire à qui sait l’accueillir. – C.-R.

— Selon quels critères avez-vous choisi les 52 sanctuaires dédiés à Marie répertoriés dans votre ouvrage ?

— A l’origine, j’avais l’ambition, délirante, de recenser tous les sanctuaires marials de France en un seul livre. Je n’avais pas mesuré l’ampleur de la tâche. Alors, même si je n’ai pas renoncé à poursuivre l’inventaire, ce volume restant, dans mon esprit, le premier tome d’une série, j’ai compris qu’il fallait, dans un premier temps, se borner. Je me suis, après maintes tergiversations, arrêtée à cinquante-deux sanctuaires, un pour chaque semaine, parce que je sais que beaucoup de gens n’ont pas le temps de lire plus de quelques pages chaque jour. J’ai choisi l’ordre chronologique, ce qui explique que j’ai dû finalement écarter certains lieux choisis dans un premier temps, surtout médiévaux ou du XIXe siècle, parce qu’ils étaient trop nombreux à couvrir une même période. Je voulais aussi que chaque province française soit représentée par une ou plusieurs églises. Je me suis tenue assez strictement à ces critères. Cependant je mentirais en prétendant qu’il n’y a aucune subjectivité dans mon choix : certains sanctuaires me tenaient particulièrement à cœur, par attachement personnel ou tradition familiale – c’est le cas de Notre-Dame de Lanmeur ou de Notre-Dame du Cap Lihou –, d’autres parce qu’ils étaient chers à des proches disparus ou non. Enfin, j’ai retenu Notre-Dame du Bernet pour une raison évidente : le plaisir d’avoir un pèlerinage qui porte mon nom, même si je sais qu’étymologiquement les racines sont totalement étrangères, ma famille n’étant pas du Sud-Ouest.

— Il y a déjà des livres sur les lieux de pèlerinages consacrés à Notre-Dame, quelle est la particularité du vôtre ?

— Il en existe, en effet, et d’excellents mais tous, me semble-t-il, assez anciens. Beaucoup de choses ont changé en cinquante ou cent ans, ce qui justifiait un autre essai, plus en accord avec les goûts et les préoccupations actuels. Par ailleurs, l’originalité de ma démarche est de chercher à mettre en évidence la continuité de la vigilante protection maternelle de Notre-Dame sur la France à travers les âges, conformément à la promesse faite à saint Rémi la veille du baptême de Clovis, alors que l’évêque de Reims se désolait de l’apostasie annoncée des Francs et des temps lointains où ils failliraient gravement à leur mission : « N’ayez pas peur. Je suis là et je veille. » Elle l’a prouvé. Il me semble qu’il est urgent, eu égard aux temps que nous traversons, d’aller lui rappeler cet engagement et l’implorer de sauver la France, et les Français…

— Ces sanctuaires sont-ils tous le lieu d’une apparition mariale ?

— Non, même si les apparitions mariales en France, depuis celles de Notre-Dame du Puy, ont été extrêmement nombreuses, presque familières, pour ne pas dire ordinaires, familiarité qui a duré jusqu’au XVIIIe siècle, époque où les ricanements philosophiques des Lumières, sans tarir tout à fait la source des grâces, les ont rendues beaucoup plus rares. Tout cela, la grande série des apparitions du XIXe siècle, inaugurée rue du Bac en 1830 et poursuivie jusqu’en 1871 (Pontmain), voire 1876 si l’on se réfère aux événements de Saint-Bauzille de la Silve et de Pellevoisin, l’a un peu fait oublier. La solennité des apparitions les plus célèbres, à Catherine Labouré, à Mélanie Calvat et Maximin Giraud, à Bernadette Soubirous et aux enfants de Pontmain, a fini par occulter cette simplicité maternelle de Notre-Dame qui jadis, appelée à l’aide avec confiance, intervenait pour de très petites choses…

— Marie a toujours répété aux Français : « Ne craignez pas. Je suis là et je veille. » Et vous écrivez : « Pas cessé, non plus, de leur en donner des preuves. (…) Ces preuves sont inscrites dans la pierre, d’un bout à l’autre de notre territoire. » Est-ce la France qui compte le plus grand nombre d’apparitions mariales ?

— Je serais tentée de dire que oui, mais, sincèrement, je n’ai pas vérifié ! Je crois que l’Italie n’est pas mal lotie non plus. En fait, il faudrait vérifier pays par pays avant de s’avancer.

— Quel est votre lieu de pèlerinage préféré et pourquoi ?

— Pontmain, parce que, en bonne Mayennaise, j’y suis sensiblement attachée par toutes mes fibres depuis mon enfance. Et la rue du Bac, parce que j’ai été élevée à Paris et que c’est là qu’en 1970, dans un moment de grande angoisse, Maman, gravement malade, est venue, semaine après semaine, demander, et obtenir, sa guérison. Cela ne s’oublie pas, ne serait-on qu’une petite fille.

Propos recueillis par Catherine Robinson

• Notre-Dame en France, Editions de Paris (13 rue Saint-Honoré, 78000 Versailles. Tél. : 06 79 17 38 08). 29 euros.


Article extrait du n° 7202 de Présent du Samedi 16 octobre 2010

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