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JUILLET 2003 A MARS 2011

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Auteur : Arnold
Sujet : Extrait intégral
Date : 2010-10-05 08:44:53

Autour d’une cassette : Clavel et le concile.
En 1976, le père Avril recevait Michel de Saint Pierre et Maurice Clavel pour une émission radiodiffusée consacrée au concile. Il est étrange d’entendre ce gauchiste affirmer : « Monseigneur Lefebvre nous a révélé que la Tradition était un phénomène de masse. » Il est piquant d’en¬tendre ce chrétien du rang, baroudeur de Dieu, fort de la candeur d’une foi retrouvée et d’une profonde culture profane, confronté à un homme d’Église et à un écrivain qui se pique de la bien connaître.
Or Clavel, avec foi et bonne foi, constate les progrès de la tumeur cancéreuse qui a ravagé le concile, alors que ses interlocuteurs s’acharnent, avec un entêtement parfois émouvant, à sauver le concile en l’expliquant. Et si l’auditeur non pré¬venu donne raison à Clavel, c’est au nom de ce que Maurras – dans La démocratie religieuse – appelait les « doctrines de constatation » : « Les dissidences de l’esprit peuvent porter sur les doctrines d’explication. Les doc¬trines de constatation, qui recensent les faits et en dégagent les lois, refont une véritable unité mentale entre les esprits sensés. »
Le révérend père Chenu, déjà, s’était dit « affligé de ce que Clavel n’ait rien compris au concile ». En effet, Clavel avait accusé les pères conciliaires d’a¬voir offert au marxisme son magnifique chant du cygne, son été de la saint Martin, et il résumait son argumentation, pour les auditeurs, en un syllogisme :
« Majeure : le marxisme est l’horizon indépassable de notre culture.
« Mineure : le concile approuve le dynamisme de notre culture.
« Conclusion : comment s’indigner que, parmi les chrétiens, les « éléments de pointe » soient déjà arrivés à l’horizon indépassable ? »
En bref, dit-il aux pères conciliaires au sujet des chrétiens marxistes : « Pères, voici vos fils. Fils, sinon légitimes, du moins naturels du concile. Vous ne les avez pas voulus ? On ne veut pas toujours faire des enfants quand on fait des enfants. Mes révé¬rends pères, reconnaissez vos fils. Mais vous êtes des scribes et des pharisiens hypocrites. »
Michel de Saint Pierre reproche à Clavel de faire du concile « une critique sévère » : « Ce sont les textes qui valent, non des bouillonnements autour du concile. Vous venez de faire une critique du concile que je veux réexaminer. »
Clavel n’est pas très féru de littérature conciliaire, mais il n’est pas homme à reculer : « Je vous propose de vous appuyer sur des textes précis. » Et de citer Gaudium et spes : « L’Église tient en haute estime les dynamismes de notre temps. L’homme est en marche vers un développement plus large. » Clavel commente : « Si on gratte un peu, c’est un éloge de la culture de notre temps qui depuis deux siècles est la culture même de la mort de Dieu. L’Église félicite ceux-là mêmes qui l’ont détruite. Elle ratifie en profondeur la culture athée. »
Au père Avril : « Le concile s’est trouvé en face d’un monde complexe, l’adaptation aux diverses cultures pose un problème missionnaire », Clavel rétorque : « Saint Paul est allé au monde, mais pour en casser la culture. Les chrétiens, alors, on les appelait « des athées de tous les dieux de Rome, l’exécration du genre humain ». Pour aller au monde, il ne suffit pas de savoir l’adresse. Allons ! Il suffisait d’un peu de philosophie pour savoir que la culture moderne est la culture du blasphème, de l’extermination de toute religion… Ils se sont fait avoir, ils se sont fait baiser : la religion de Dieu fait homme est difficile ; celle de l’homme fait Dieu est facile, naturelle, spontanée ; c’est celle du narcissisme enfantin selon Freud. Il y a deux positions : s’ouvrir le monde par bris et effraction, comme les premiers martyrs ; ou s’ouvrir au monde. »
Le père Avril revient à la charge : « Ce serait une chose grave d’accuser le concile, sur lequel 2.500 évêques ont travaillé. » Clavel : « Et c’est une chose grave : 2.500, est-ce un chiffre d’or ? »
Michel de Saint Pierre apporte du renfort au révérend père « Je n’ai pas repoussé le concile, mais les abus d’interprétation des épiscopats, pas toujours férus de la science de Dieu. Le concile a été trahi ; ses textes n’ont pas de rigueur suffisante pour empêcher les abus. »
Ce dernier aveu, Clavel s’en empare : « Les textes conciliaires font penser à ce noir qui voulait divorcer : « Elle parle, elle parle, elle parle… – De quoi, dit le juge ? – Ah ça, elle ne le dit pas ! » Les textes du concile sont clairs comme est clair un potage. »
Le père Avril et Michel de Saint Pierre tentent encore de sauver le concile de lui-même, l’un en amont, l’autre en aval.
Michel de Saint Pierre : « Ce concile doit se fondre humble¬ment dans la tradition des autres. »
Le père Avril : « Ce sont les gens qui l’appliquent mal. Ce concile manque d’humilité dans ses commentaires. »
Mais Clavel laisse cet accessoire pour aller à l’essentiel : « Voici comment les pères Chenu et Congar résumaient le concile « Pour nous chrétiens, la question, désormais ; c’est l’homme… non pas un homme tenté de prendre la place de Dieu… » « Tu parles ! commente Clavel ; s’il y a une tentation de l’homme, c’est justement de prendre la place de Dieu. Et les bons pères l’avouent : « Le concile, ce fut l’ouverture de l’esprit aux Lumières… ce qui ne veut pas dire au rationalisme. » Cela me rap¬pelle ma tante qui, m’ayant fait faire un sprint par 35 degrés à l’ombre pour poster une lettre urgente, ajouta : « Surtout, ne transpire pas ! » Je n’accuse pas les pères conciliaires d’hérésie, mais d’énorme naïveté. »
« Mais vous ne citez pas les textes conciliaires eux-mêmes », reprochent le père Avril et Michel de Saint Pierre.
Agacé, Clavel cite le pape lui-même : « Paul VI a dit : « La religion du Dieu qui se fait homme a rencontré la religion de l’homme qui se fait Dieu. » Mais la religion de l’homme qui se fait Dieu, c’est le péché mortel absolu, originel. C’est le péché mortel réitéré par toute une culture. »
Michel de Saint Pierre : « Le pape ne parlait pas ex cathedra. » Le père Avril : « Et la parole du pape peut être interprétée de façon honorable… »
Il est à peine utile de souligner d’un commentaire ce dialogue de sourds. Les interlocuteurs de Clavel usent de deux arguments : l’argument d’autorité : les 2.500 pères conciliaires, les 1.000 pages du concile ; le texte et lui seul ; la seule reconnaissance des paroles papales ex cathedra. Et les distinguos : le texte n’a pas été compris, il faut le refondre dans la tradition, le réexaminer, éviter les déviations présentes et à venir.
Clavel, lui, apparaît com¬me le perturbateur innocent. Il voit la parfaite cohérence d’un concile qui rompt avec une tradition millénaire en substituant l’homme à Dieu. Un homme tenté de voir s’ouvrir ses yeux, et d’être comme Dieu. Un homme tenté d’usurper orgueilleusement la ressemblance avec Dieu au lieu de la recevoir humblement de lui.
Mais comme la nature se venge, ainsi le surnaturel : l’homme émancipé ressemble à l’agave. L’agave, quand elle va mourir, pousse une hampe merveilleuse. Mais cet essor magnifique, on ne le sait pas toujours, est le signe de sa mort. Ainsi la mort de Dieu prélude à la mort de l’homme.


La discussion

 Quelques lignes pour notre temps..., de Justin Petipeu [2010-10-04 22:08:01]
      Extrait intégral, de Arnold [2010-10-05 08:44:53]
      Michel de Saint-Pierre était devenu beaucoup plus [...], de Vianney [2010-10-05 10:07:34]
          A travers de semblables posts, le Saint Esprit, de Castille [2010-10-05 10:50:40]
              "Monothéisme", dites vous?, de fidelis [2010-10-05 15:57:20]
      Etrange personnage!, de Gentiloup [2010-10-05 12:22:49]
          Qui êtes-vous Monsieur Clavel ?, de Glycéra [2010-10-05 12:41:45]