Trop jeune pour avoir connu cette période, j'ai demandé à mon père, agé de 58 ans, de me raconter comment il avait vécu ces années de bouleversements de l'immédiat "après-Concile". Voici par exemple, en substance, ce qu'il nous a raconté à propos de la soutane:
"C'était en 1964. Ayant été atteint d'une primo-infection mal soignée, mes parents avaient décidé de m'envoyer dans un préventorium de Haute-Savoie. L'établissement s'adjoignait les services d'un aumônier, lequel réunissait tous les dimanches l'ensemble des jeunes patients comme du personnel pour la participation aux offices (seule exception, un jeune protestant était dispensé de l'assistance à la messe)...Cet abbé, très aimé de tous, portait soutane, naturellement. Mais au cours du printemps, l'abbé fût soudainement remplacé par un nouveau prêtre, plus jeune, un profil de militaire, arborant un strict costume noir avec col romain. Grand émoi dans nos rangs, la première fois que nous voyions un "curé sans soutane"...on nous expliqua alors qu'il s'agissait d'un missionnaire , et que cela lui donnait le droit de s'habiller en civil...!!! Je ne sais pas si nous fûmes rassurés pour autant...Toujours est-il que, dès mon séjour montagnard achevé, je rejoignais ma famille qui habitait alors une grande ville du sud de la France. Mon premier Dimanche me vit courir à notre paroisse pour annoncer mon retour aux prêtres que nous fréquentions . Sitôt arrivé à la sacristie, je cherchais tout joyeux le vicaire que j'avais vénéré presque comme un saint: je ne puis vous décrire la douleur que me causa la vue de cet homme en civil, que j'avais quitté trois mois auparavant en tenue traditionnelle, et que j'aimais filialement avec la sincérité d'un enfant... ce fût pour moi comme une désillusion, une désacralisation du prêtre, en somme de voir le prêtre comme un homme me causait un vrai chagrin, une déception qui fît un instant vasciller mes convictions...il est vrai que la débacle ne faisait que commencer ... Pourtant, je vois dans cette anecdote une des motivations profondes de mon positionnement, bien plus tard, alors que tout semblait sombrer, vers ce catholicisme "engagé" dans lequel je vous ai élevés."
Parmi les liseurs, j'imagine que certains ont du vivre de semblables moments ?