Je suggère "Prier la parole", d'Enzo Bianchi, aux éditions Bellefontaine. E. Bianchi est le prieur du monastère de Bose en Italie, lequel est une communauté oecuménique. Son accent est mis toutefois sur les Pères de l'Église, considérés comme le patrimoine commun des chrétiens. Pour cette raison, je suis à l'aise de vous recommander cet ouvrage. Quand bien même vous ne voudriez pas lire ce qu'il a à dire (un résumé ci-après vous ne donnera une idée), le livre est intéressant parce qu'il inclut en annexe l'"Échelle des moines" de Guigues le Chartreux, un écrit du Moyen Âge qui porte sur la pratique de la lectio divina.
Un autre livre qui n'est pas une introduction à la Lectio Divina, mais que je trouve utile comme initiation biblique: "La Bible et l'Évangile", du père Louis Bouyer. C'est ancien (années 50) mais me semble encore valable.
Résumé du livre d'Enzo Bianchi
Ecoute, tel est le premier mot de la règle de St Benoît. Dans notre société de l'information, l'interpellation à écouter prend une coloration particulière. Elle est invitation au silence et à une réceptivité nouvelle.
Souvent nous dit E. Bianchi, notre usage de la Parole devient dangereux et sectaire, lorsqu'il n'est plus que le choix des thèmes accrocheurs qui vont permettre d'orienter la vie du groupe. Notre écoute est intéressée.
A l'inverse, l'auteur nous invite à lire et méditer longuement, et à prier de sorte que la Parole nous domine, nous décentre.
Comme le dit St Ambroise : "Ecoutez le Christ ! C'est à lui que tu parles quand tu pries, c'est lui que tu écoutes quand tu lis les divines écritures". Des devoirs des ministres sacrés I, 20,28 (PL 16, 50A) 18
A la différence des faiseurs d'exercices, ce qu'E. Bianchi appelle la "devotio moderna" qui est souvent anthropocentrique ou égocentrique et vise les mouvements du coeur, la lecture de la Parole doit chercher une méditation authentique, toujours théocentrique ou christologique. Pour Bianchi, La lectio "n'est jamais centrée sur soi" (cf. p. 20).
Il nous faut lire, relire, mâcher et murmurer, ruminer et réciter, fixer dans l'esprit et conserver dans le coeur la Parole, pour parvenir non à la discussion, aux sensations mais à la prière, à la contemplation et donc à l'action.
La Parole de Dieu n'est pas un livre mais une semence (cf. Mat. 13,19). A nous de la laisser germer dans notre vie pour qu'elle nous grandisse, nous sanctifie, nous alimente, nous illumine et dévoile Dieu (cf. p. 28).
Comme le dit Irénée de Lyon : "Le Christ récapitule en lui-même la longue histoire des hommes, il nous a procuré un raccourci vers le salut" Adv. Her. III, 18, 1 SC 211 p. 342s. 31
Nous nous trouvons face à un seul livre et ce livre unique c'est le Christ. Si nous lisons l'Ecriture avec ce critère unifiant nous sommes de ceux qui enlèvent le voile de la face du Seigneur (II Cor. 3, 12) 31.
Pour cela, il nous faut pratiquer comme dans le Livre de Néhémie (ch. 8) et construire un ambon, se mettre en attitude d'écoute véritable, puis livrer le texte à notre esprit.
Nous devons être ainsi le terreau de la semence du Verbe, le réceptacle vivant de la Parole (cf. p. 41).
Il nous faut pour cela plusieurs qualité comme la docilité, la componction, l'illumination, et le détachement (p. 49).
La rumination de l'Ecriture nous permettra alors de prendre de la distance sur nos vies et nous tourner vers Dieu.
"La prière méditative, pour Guillaume de St Thierry est celle qui monte d'un coeur touché par la Parole divine : prière qui est le vrai fleuve (...) le vrai pleur d'un coeur blessé par l'épée à deux tranchants (...) la prière est ma réponse à Dieu, lui s'étant donné à moi dans la lecture, je me donne à lui dans l'oraison" (cf. p. 70).
La lecture de la Parole est peut-être ce chemin longtemps cherché dans nos réflexions sur le décentrement.
Elle conduit surtout l'homme à agir. Faire tressaillir en lui le Verbe reçu jusqu'à ce qu'il devienne semence véritable, image de Dieu dans le sens d'un coeur aimant et actif.
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