Le système de pensionnats autochtones a été mis en place par le gouvernement fédéral après la création de la Confédération en 1867; l'Etat payait pour ces établissements mais les confiait aux Églises. Il y en eut non seulement de catholiques mais aussi anglicans, presbytériens, etc. Cependant, par la force des choses, les missionnaires catholiques ayant le plus occupé l'apostolat des missions indiennes, c'est surtout eux qui ont hérité de cette tâche. Précisons: même si les francophones sont devenus minoritaires dès la fin du 19ème siècle (excepté au Québec) et même si l'immigration a amené au Canada beaucoup d'immigrants catholiques qui se sont ensuite assimilés aux anglophones (Italiens, Allemands, Ukrainiens), les missions catholiques indiennes sont restées quasi-exclusivement dotées de prêtres canadiens-français, français ou belges jusqu'à la fin des années 1950! Le seul missionnaire oblat qui vit encore dans l'Arctique québécois est belge; et j'ai entendu à la radio, il y a quelques années, un oblat qui disait être arrivé de France au nord de la Saskatchewan à la fin des années 40, et qu'il n'avait pas eu à apprendre l'anglais pendant les 10 premières années de son apostolat, sa langue maternelle lui suffisant pour communiquer avec ses confrères, et les dialectes indiens pour parler à ses paroissiens!

Que le fédéral ait eu l'objectif de détruire les cultures autochtones au moyen des pensionnats pour leur propre bien, cela semble établi. L'apostolat des premiers missionnaires n'allait pas dans ce sens puisque toutes les premières grammaires et les dictionnaires proviennent à l'origine du travail des missionnaires, qui se sont improvisés liguistes. Au Québec, il y un prêtre français qui a travaillé en ce sens jusqu'au début des années 70 pour la langue des Inuit, et dont certains des ouvrages sont encore aujourd'hui utilisés parce qu'il n'y a pas d'équivalent qui soit sorti des universités canadiennes. Ce qui s'est produit à un moment donné, c'est que les missionnaires croyaient quand même à la supériorité "occidentale" et même si leur participation au sytème des pensionnats ne découlait pas intrinsèquement de leur conception de l'apostolat auprès des Amérindiens, ils ont cru que cela participait du progrès ou, du moins, d'une évolution inévitable à partir de l'époque oû il est devenu clair que les Blancs submergeraient l'Ouest canadien.

J'ai expliqué le contexte parce qu'il ne faut pas oublier non plus que les francophones et les catholiques en général n'étaient et ne sont toujours pas nécessairement bien vus par le reste de la population canadienne. C'est plus facile de s'excuser pour ce qu'ont fait "les autres". Exemple: il y a quelques années, un documentaire du réseau anglais de la télévision publique faisait l'histoire de la "guerre culturelle" menée contre les autochtones. À un moment donné, le commentateur, d'une voix sombre, parlait de la destruction des spiritualités traditionnelles; en arrière-plan, on entendait une voix de femme, réciter lugubrement un Ave en français avec l'accent british...