En gros je suis d'accord avec les analyses des "Français" qui se sont exprimés ci-dessus. J'ajouterais comme élément d'explication que la remise en question globale qui a suivi Vatican II en matière religieuse s'est conjuguée avec une remise en question politico-sociale qui avait lieu exactement à la même époque, et dont les effets déstabilisateurs pour les institutions et les valeurs traditionnelles se sont donc amplifiés en raison de cette concordance, alors perçue comme un "signe des temps". Je veux parler ici de la mythique Révolution Tranquille, expression consacrée pour parler d'un vaste mouvement de réformes initié par l'État provincial après 1960 et dont le résultat net a été d'évincer le clergé des positions d'influence qu'il avait détenues jusqu'alors dans l'organisation de l'éducation et des services sociaux. Bon je sais, tout cela est très sociologique et ne touche pas le fond des coeurs, mais je crois que les conséquences de Vatican II ont été plus grandes au Québec à cause de ce contexte. D'autre part, et là je pense qu'on touche un point important (de la part de quelqu'un qui n'a pas connu cette époque ni celle qui l'a précédée), l'Église québécoise a été habituée pendant deux siècles à exercer une autorité sans partage: elle n'a pas connu l'obligation de se battre, n'a pas l'expérience historique de se définir comme une minorité, aussi dirais-je qu'elle a un peu le complexe de la princesse déchue: commander ou se taire. C'est très différent du vécu des catholiques aux États-Unis, longtemps mal tolérés, ou en France, oû les catholiques de conviction ont des références en termes de combat (la Terreur, les lois de séparation, etc.). Les évêques actuels, et nombre de prêtres et de laics engagés au Québec, ne peuvent concevoir qu'ils sont aujourd'hui une minorité qui n'a pas à avoir de scrupules pour s'affirmer. Ils ont l'âge de penser qu'ils doivent encore "expier" pour le triomphalisme passé de l'institution. C'est un complexe que n'éprouvent pas nombre de croyants plus jeunes.