Cela remonte aux années 30 et 50 dans le Québec profond d'un terroir qui s'appelait "Nouvelle-Beauce" entre le 18ème et le 19ème siècle et s'appelle "Beauce" depuis, bien qu'elle ne ressemble pas du tout à la plaine beauceronne d'Europe... Après la mort de ma grand-mère maternelle, mon grand-père, agriculteur, avait dû placer ses six enfants chez des membres de sa parenté dans le village. Ils étaient tous très jeunes à l'époque.

Quelques années plus tard, il rencontrait une veuve elle-même chargée de jeunes enfants et après leur mariage, rapatria les siens dans la maison familiale. Ce qu'on appelle aujourd'hui "famille reconstituée" existait déjà dans le Canada français catholique d'avant-guerre! Et dans le fond, la vie étant ce qu'elle est, ce genre de phénomène n'a certes pas été inventé avec le divorce et les années 70.

Un des fils du premier lit de mon grand-père s'éprit avec le temps d'une des filles issues du premier mariage de sa belle-mère... Et ils se marièrent avec toutes les bénédictions requises dans une société rurale que n'avait pas encore atteinte une "Révolution tranquille" (la libéralisation des années 60) qui n'était même pas encore éclose dans les grandes villes... Ils eurent eux-mêmes six enfants qu'ils élevèrent à la dure dans la maison paternelle, mais aussi, il faut le reconnaître avec le recul du temps, avec amour, et seule la mort de mon oncle les sépara 30 ans plus tard.

J'ai réalisé l'incongruité de cette histoire il y a seulement quelques années, quand une autre de mes tantes par alliance me raconta son étonnement le jour oû son cavalier l'invita pour la première fois dans sa famille... et qu'elle entendit ce couple marié dont les deux époux s'adressaient à l'ancien en l'appelant "papa"! (Ce qui ne se fait pas au Québec quand on s'adresse à un beau-parent)

S'agissait-il d'inceste "technique"? (Apparemment, le mariage n'avait pas été "forcé"... et en tous cas il fut durable) Croyez-vous qu'une dispense fut requise?

Cette anecdote, à mon avis, ne doit pas avoir été si singulière dans les petites communautés d'autrefois dont les membres sortaient peu au cours de leur vie.