Chère Élise Lucet,
« Pédophilie dans l’Église : le poids du silence ». Tel est l’intitulé du reportage diffusé ce 21 mars dans votre émission, « Cash investigation », sur France 2. À l’heure d’écrire ces lignes, impossible de juger du contenu de cette enquête vu que seuls des médias triés sur le volet ont eu le droit de la visionner au préalable, malgré notre insistance. Il faut donc s’en tenir à ce que vous annonciez avant la diffusion de l’émission, à savoir « une grande enquête internationale » sur « un fléau qui fait aujourd’hui vaciller l’Église catholique : la pédophilie ». Ainsi qu’aux prétendues révélations de votre partenaire, le site Mediapart, qui évoque des cas de prêtres pédophiles « couverts » par cinq évêques encore en poste, mais dont les actes honteux sont déjà connus et traités !
Entendons-nous bien : la pédophilie est une perversion qu’il faut dénoncer avec force et bannir à tout jamais. Parce que des ministres ordonnés ont détruit la dignité d’enfants qui leur étaient confiés, ces actes sont une honte pour l’Église catholique qui a enclenché grâce à Benoît XVI, avec courage et détermination, un processus irréversible afin que plus aucun enfant ne puisse être victime de l’un de ses représentants. Il n’est plus possible qu’un seul de ces crimes soit encore mis sous le tapis.
Il n’est plus possible qu’un seul de ces crimes soit encore mis sous le tapis.
Au-delà des révélations en cascade que vous annoncez, pointant d’ailleurs parmi les coupables présumés des évêques qui, décédés, ont déjà fait face au jugement du Père, ce sont vos méthodes qui sont abjectes. Lors de l’assemblée des évêques de France, en novembre dernier, de grands médias généralistes, absents lors des trois premiers jours de travaux, sont finalement venus relayer la démarche de prière et de pénitence de l’épiscopat et assister au bilan des mesures prises six mois plus tôt dans la lutte contre la pédophilie.
Vous étiez parmi ces journalistes, chère consœur, et vos méthodes n’honorent pas la profession. Je vous ai vue courir après des hommes d’Église et les harceler, suivie par une caméra. J’ai vu votre mise en scène alors que vous interpelliez au loin des évêques qui se rendaient à l’office des vêpres, faisant croire qu’ils fuyaient vos questions et votre caméra. Avec quel mépris, enfin, avez-vous répondu aux responsables de l’épiscopat qui refusaient, devant ces méthodes, d’apparaître en plateau dans une telle émission du service public ! « Vous ferez trois Pater et quatre Ave pour expier vos fautes » (sic), leur avez-vous écrit dans un mail.
Si les médias ont pu jouer un rôle de catalyseur pour que l’Église prenne sérieusement en main cette question douloureuse, votre méthode cherche moins à aider, enquêter et guérir qu’à accuser, pourfendre et condamner. Au risque d’y perdre toute crédibilité et de nourrir, une fois de plus, cet âpre ressentiment anti-médias bien vivant aujourd’hui dans une société française qui, ne vous en déplaise chère Élise, reste attachée à l’Église et à ses pauvres curés !
Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de famille chrétienne
Condamnés pour agressions sexuelles, ils étaient encore en poste il y a quelques mois. Le nouvel évêque les a suspendus
En mai 2016, un nouvel évêque, Mgr Colomb, était ordonné dans le diocèse de La Rochelle – Saintes. En parallèle, fleurissaient dans les médias les affaires de pédophilie dans l’Eglise catholique.
Aujourd’hui, alors que de nombreux scandales de pédophilie continuent de ternir l’image de l’institution catholique, on apprend que le diocèse charentais-maritime n’est pas épargné. Deux prêtres condamnés par le passé pour des agressions sexuelles ont été suspendus il y a quelques mois à la demande de Mgr Colomb. Ces prêtres étaient donc encore récemment en poste. L’un d’eux, en place à Rochefort, avait été jugé en 2011. Il avait été condamné à trois ans de prison avec sursis et à un suivi judiciaire de cinq ans avec injonction de soins. Et avait été interdit d’activité impliquant un contact avec les mineurs.
Aujourd’hui, ces deux prêtres n’exercent plus de ministère au diocèse. Pour la première fois, Mgr Colomb s’exprimera dans nos colonnes ce jeudi.
Deux prêtres ont été renvoyés sur le tard. Ils avaient pourtant été condamnés dans le passé pour agressions sexuelles. Le nouvel évêque les a dessaisis de leurs ministères en 2016
En Charente-Maritime, deux prêtres condamnés pour agressions sexuelles ont continué à exercer leur ministère pendant de nombreuses années. Ils n’ont été dessaisis de leurs charges qu’à l’été 2016 par Mgr Colomb, le nouvel évêque de La Rochelle et de Saintes depuis mai 2016.
Cette information révélée par « Sud Ouest » a été confirmée par Mgr Colomb en personne. « Certains évêques laissent en place. Moi, j’ai pris cette décision. J’ai fait comme ça, c’est tout », a-t-il déclaré, reconnaissant toutefois avoir dû prendre le temps d’une « difficile réflexion ».
« Succombé à la passion »
On ne dispose que de très peu d’informations sur l’un des deux cas cités par l’évêque. L’autre affaire, en revanche, est connue. Elle concerne un prêtre aujourd’hui âgé de 64 ans. Cet homme d’église était en poste en poste à Rochefort et avait été condamné en 2011 à trois ans de prison avec sursis par le tribunal de grande instance de La Rochelle. La peine avait été assortie d’un suivi judiciaire de cinq ans, d’une injonction de soins et d’une interdiction d’entrer en contact avec des mineurs. Il avait été inscrit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (Fijais).