Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More

Le Forum Catholique

Imprimer le Fil Complet

ami de la Miséricorde -  2017-09-01 01:55:07

Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More

XVII. DU DÉMON APPELÉ NEGOTIUM, OU TRAFIC SE MOUVANT DANS LES TÉNÈBRES

(...) Mais on vit bien le contraire lorsqu'il déclara que même quand il aurait donné la moitié de ses biens il pourrait dédommager ses créanciers sans pour cela devenir un mendiant. Plût à Dieu, mon cher neveu, que chaque riche chrétien qui a la réputation d'être honorable fût capable de se comporter comme promit de le faire le petit Zachée, ce publicain, c'est-à-dire avec moins de la moitié de ses biens dédommager au quadruple ceux qu'il avait lésés !

Je vous assure que les créditeurs seraient contents et pardonneraient même s'ils étaient simplement remboursés. Or c'était un des points sur lesquels l'ancienne loi différait de l'enseignement du Christ. Les chrétiens, en effet, ne doivent pas exiger qu'on leur rembourse jusqu'au dernier sou, ils doivent savoir remettre.

Mais revenons à Zachée. Il ne promit ni d'abandonner toute sa fortune, ni de se faire mendiant, ni de quitter son emploi. Il ne le remplissait pas de façon aussi pure que saint Jean-Baptiste l'avait enseigné aux publicains : « N'exigez rien au delà de ce qui vous est fixé » (Lc., 3, 12). Pourtant il a pu employer légalement son bien, qu'il avait l'intention de garder, et pouvait légalement remplir son métier, qui était de percevoir les impôts selon les paroles du Christ : « Rendez à César ce qui est à César » (Mt., 22, 21 ; Mc., 12, 17 ; Lc., 20, 25) et ne se livrer à aucune exaction, à aucune malhonnêteté. Notre-Seigneur, approuvant les bonnes intentions de Zachée, lui dit : « Aujourd'hui, cette maison a reçu le salut. Celui-ci aussi est un fils d'Abraham. »

Mais je n'oublie pas, mon cher neveu, ce que vous m'avez concédé : qu'un homme peut être riche sans être pour cela privé de la grâce ni se voir retirer la faveur de Dieu. Mais en somme, vous ne me faites cette concession qu'à condition de rester dans le vague, mais maintenant, en ce cas précis, vous estimez qu'un riche ne peut en conscience garder ses richesses alors qu'autour de lui, il y a des pauvres.

Vraiment, mon cher neveu, si vous avez raison, j'ose affirmer que le monde ne fut jamais si prospère qu'un riche pût garder quelque bien sans danger d'être damné. Le Christ nous l'a du reste affirmé « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, à qui vous pourrez faire du bien » Mt., 26, 11 ; Mc., 14, 7 ; Jn., 12, 8 Si vous aviez raison, à aucun moment, à aucun endroit un homme ne pourrait être riche sans courir le risque de la damnation éternelle, à cause de ses seules richesses et quels que soient ses mérites.

Mais, mon cher neveu, il faut des riches. Autrement, pardi, il y aurait encore plus de mendiants et personne ne pourrait plus secourir personne. Écoutez bien ceci, cela me paraît être un argument très sûr : si tout l'argent du pays était rassemblé en un tas et divisé en parts égales, demain, ce serait pire encore, car, quand tout aurait été divisé également entre tout le monde, les plus riches ne seraient guère mieux que ne sont actuellement les gueux, et ceux qui étaient des mendiants avant, ne seraient pas devenus beaucoup plus riches. Mais beaucoup de riches dont la fortune ne consistait qu'en biens meubles seraient délivrés de la richesse peut-être pour toute leur vie !

Vous savez très bien, mon cher neveu, que les hommes ne peuvent pas vivre si on ne leur procure un moyen d'existence. Chacun ne peut posséder un navire, un marchand doit avoir des stocks, chacun ne peut avoir une charrue. Et qui ferait vivre le tailleur si personne ne pouvait s'offrir un habit ? Qui voudrait se faire maçon ou charpentier, si personne ne pouvait bâtir une église ou une maison ? Qui ferait tourner les métiers à tisser s'il n'y avait plus de gens aisés ? (...)

Source : livres-mystiques.com

Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=834207