Les arguments sont contestables

Le Forum Catholique

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Turlure -  2017-07-26 10:06:02

Les arguments sont contestables

Je ne connais pas suffisamment l'histoire et l'ecclésiologie des églises d'Orient pour répondre avec une grande précision mais ces deux affirmations sont étonnantes.


Primo, l'absence de magistère actif (pas de pape, ni de conciles, ni d'encycliques, etc ...) aurait conduit le clergé orthodoxe a constamment privilégié l'analyse des Pères et de la Tradition sans aucune innovation excluant ainsi toute dérive doctrinale ou liturgique. Avec l'orthodoxie point de réformes !



C'est faux : il y a bien au sein des églises orthodoxes et entre elles des conciles, des réformes (voir par exemple la réforme liturgique de l'église russe et le schisme des vieux-croyants). Leur tradition magistérielle est différente de la notre dans son esprit et n'a pas une source unique mais elle existe.


Secundo, la subordination de l'Eglise orthodoxe au pouvoir politique aurait conduit le clergé à ne pas s'engager sur les chemins du temporel et à limiter son intervention au champ spirituel. Point de message épiscopal sur le syndicalisme ou la pollution !



Je serais plutôt d'accord avec la première partie de cette proposition : on ne retrouve pas en Orient de prétention de l'Eglise à se placer au-dessus des souverains et à défendre une puissance temporelle comme c'est le cas avec le pape en Occident. Mais je ne comprends pas le rapport avec les messages épiscopaux actuels sur "le syndicalisme et la pollution". Vous pensez vraiment que ces messages ont quoi que ce soit à voir dans leur esprit avec les dictatus papae ? On pourrait regarder à l'inverse la complaisance très facile des ecclésiastiques orthodoxes à l'égard des pouvoirs civils. Mais ça passe beaucoup mieux chez les tradis parce que Poutine, il est fort et il en a.

Si je voulais faire un panégyrique de l'Orient par rapport à l'Occident, j'irai plutôt chercher du côté de la façon orientale d'appréhender la doctrine comme la pratique, historiquement beaucoup moins rigide et juridicisante qu'en Occident, qui a permis de mieux conserver nombre d'éléments traditionnels.
Quelques exemples :
- Pour le carême, la "norme" est restée l'observance antique : jeûne rompu après les vêpres et privation de tout aliment d'origine animal pendant quarante jours. Suivre cette observance très exigeante à la lettre n'est pas forcément répandu et l'Eglise renvoie à chaque conscience la décision de ce qu'elle peut faire. Du côté de l'Eglise latine, on a plutôt toujours tenu à mettre les points sur les i en disant que les règles de discipline obligent gravement sauf à en être dispensé par l'autorité. Du coup, on en arrive aujourd'hui à une norme quasi-vide (deux jours de jeûne et six jours d'abstinence de viande seule) en comparaison de ce qu'a été historiquement le carême, la règle contraignante finissant toujours par s'adapter à l'évolution des moeurs. Du coup, le modèle très exigeant a disparu et on ne va plus jeûner que dans les communautés religieuses, et encore.
- Il n'y a à ma connaissance pas d'obligation absolue à la récitation quotidienne de l'office pour le "clergé" en Orient. En revanche, dans toutes les grandes églises, on va chanter l'office dominical entier avec les matines la veille au soir etc. Il m'a déjà été soutenu (et cela a tendu à me convaincre) que l'obligation des clercs au bréviaire en Occident a transformé la prière de l'église, faite pour être chantée en commun, en une prière personnelle sacerdotale, leur solennisation n'étant pas nécessaire. D'où, là encore, le déclin du chant de l'office divin dans les paroisses à l'époque contemporaine. On pourrait parler aussi du chant de la messe, dont il est inenvisageable de se priver pour un chrétien oriental.
- Troisième point (mais ici, comme catholique, je ne peux adhérer par la foi à ce qui suit mais seulement en expliquer la logique) et qui ne concerne pas les églises unies à Rome : l'indissolubilité du mariage, vue comme une très grave obligation mais pas comme une impossibilité absolue pour le lien matrimonial de disparaître. En clair, la tradition orthodoxe ne fait pas de difficultés à affirmer qu'un mariage chrétien, aussi solides puissent être les bases sur lesquelles les futurs époux se sont appuyées, peut être un échec et qu'en conséquence, faute d'avoir pu être sauvé, le lien matrimonial peut mourir. Un second mariage est alors possible même si cela doit être exceptionnel, et que la célébration de ce mariage a une connotation moins joyeuse et plus pénitentielle. A l'inverse, l'Eglise catholique a affirmé haut et fort l'indissolubilité absolue du mariage. En conséquence, la seule possibilité pour une telle "seconde chance" est de faire reconnaître que le premier mariage n'en a pas été un. Les choses se résoudront ici de façon juridique et amorale (je n'ai certainement pas écrit "immorale" !) par le procès en nullité, laquelle nullité, avouons le, est envisagée très largement.

Sur un autre thème, une connaissance de confession orthodoxe m'a déjà soutenu que l'ecclésiologie catholique a détruit la figure apostolique de l'évêque en le transformant en un exécutant local de l'absolu souverain papal. Et il évoquait, comme exemple de court-circuitage du rôle central et antique de l'évêque, les encycliques recommandées à la lecture des fidèles, les JMJ etc.
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