Indifférenciation axiologique, incapacitante face à l'esprit du monde.

Le Forum Catholique

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Scrutator Sapientiæ -  2017-02-20 10:38:40

Indifférenciation axiologique, incapacitante face à l'esprit du monde.

Bonjour à La Porte Latine,

J'entends ici par tendance à l'indifférenciation axiologique la tendance selon laquelle nous ne devons plus avant tout annoncer et confesser Jésus-Christ, au service de la réception et de la transmission de la vérité révélée, mais seulement dialoguer et converger, entre chrétiens, ou entre croyants, au service de la fabrication et de la consommation du "consensus sur les valeurs".

La tendance à l'indifférenciation axiologique, que ce soit dans le cadre du dialogue interconfessionnel entre chrétiens, dans celui du dialogue interreligieux entre croyants, ou dans celui de ce que l'on appelle le dialogue interconvictionnel, entre croyants et non croyants, constitue l'un des principaux "acquis mentaux" du christianisme catholique contemporain.

Il s'agit de l'un de ces "acquis mentaux" sur lesquels il est aussi difficile que nécessaire de revenir, non par nostalgie du passé, ni par angoisse devant l'avenir, mais par confiance et fidélité à l'égard de Jésus-Christ, en tant que Fils unique du seul vrai Dieu, en vue de la sainteté, et non en vue du suivisme.

Cette tendance à l'indifférenciation axiologique n'est pas seulement dissolvante, en ce qu'elle procède à la dissolution des conceptions, convictions, distinctions, doctrines, médiations, objections, précautions, précisions, principes, pratiques, indispensables à la SURVIE du christianisme catholique.

Cela amène au passage à se demander si les évêques d'aujourd'hui tiennent vraiment beaucoup à la SURVIE du christianisme catholique, au-delà de cette décennie, puisqu'ils se comportent exactement comme s'ils ne tenaient pas particulièrement à la poursuite de la réception et de la transmission des argumentaires, des références, du vocabulaire, nécessaires à cette SURVIE.

Cette tendance à l'indifférenciation axiologique est aussi désarmante, désarmante face à l'esprit du monde, face à l'hégémonie de l'anthropocentrisme, de l'individualisme et de l'utilitarisme, du nominalisme et du perspectivisme, du relativisme et du subjectivisme, pour ne pas dire du narcissisme nombriliste poussé jusqu'au nihilisme anomique (Mort aux dogmes chrétiens et aux vertus chrétiennes !), dans l'ordre du croire comme dans celui de l'agir.

Cette indifférenciation axiologique est particulièrement incapacitante, en ce qu'elle est préjudiciable à la conception, puis au déploiement d'une authentique critique chrétienne de telle ou telle mentalité dominante, athéocratique ou théocratique, précisément sous l'angle de la foi et sur le terrain du croire.

Pourquoi en sortir ? Notamment pour que, quand le Fils de l'Homme viendra, il trouve la foi sur la terre, la foi surnaturelle et théologale, bien sûr, et non la "foi en l'homme" ou la "foi en l'autre" qui empêche de rappeler, en plénitude, donc d'une manière clairvoyante, courageuse, dissensuelle, dissonnante, que le monde contemporain fonctionne essentiellement à l'apostasie et à l'idolâtrie, et que Jésus-Christ est le Révélateur de Dieu, le Libérateur de l'homme, et le Provocateur du monde.

Comment en sortir ? Notamment en commençant, ou en continuant, encore mieux et encore plus, à rappeler, d'une manière charitable, aussi aussi explicite, que ceux qui sont objectivement dans l'erreur, en matière religieuse, notamment sur Dieu, sur l'Eglise, sur l'homme et/ou sur le monde... sont objectivement dans l'erreur, ce qui ne signifie pas qu'ils sont toujours dans l'erreur, par ailleurs, et ce qui ne signifie pas que les chrétiens catholiques ne sont jamais dans l'erreur, par ailleurs, ou ne sont pas pécheurs...

Nous sommes en présence de clercs qui ne veulent pas dire à ceux qui sont trompés en matière religieuse qu'ils sont trompés en matière religieuse, par exemple, par adhésion ou par soumission à telle conception erronée (amputée, déformée, imprécise, incomplète, inexacte) sur l'Eglise, la liturgie, les sacrements, et il serait intéressant de savoir quel auteur, ou quelle idée, a bien pu leur mettre dans la tête, pour ainsi dire, que la charité chrétienne proscrit la pratique de la correction fraternelle, au bénéfice et à destination de ceux qui sont trompés, en matière religieuse.

Nous sommes en présence, en définitive, d'une "euthanasie mutagène", que le christianisme catholique contemporain inflige à lui-même : il s'agit incontestablement de la mise à mal, puis de la mise à mort, si possible douce et lente (pour que les fidèles s'y habituent sans s'y opposer), sur bientôt 75 ans, de nombreuses coordonnées (dogmatiques, liturgiques, etc.) consubstantielles au catholicisme, en amont et en vue de la transformation de la substance même du catholicisme, jusqu'à la mutation de ses modalités voire de sa finalité.

Je me demande d'ailleurs parfois jusqu'à quel point le "recentrage", sous Jean-Paul II et Benoît XVI, à tout le moins dans le domaine de la morale, n'aura pas permis de faire illusion, alors que je suis de plus en plus convaincu que le problème auquel nous sommes confrontés est avant tout à caractère religieux, au sens de théologal et trinitaire.

" Si tu déplais, en quoi que ce soit, à "l'individu contemporain" non catholique, si tu le déranges en quoi que ce soit, en lui précisant ou en lui rappelant, même discrètement, qu'il est trompé, dans le domaine de la foi, alors cela veut dire que tu n'es pas chrétien mais "intégriste" ou "légaliste" "...

Mon Dieu, qu'il est à la fois consensuel ad extra et facile ad intra de recourir à un tel "argument"...

Bonne journée.

Scrutator.
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