PATRIMOINE Sous l'Orangerie, l'enceinte des Tuileries est à moitié détruite
Le mur de Charles IX a rétréci

Anne-Marie Romero
[28 janvier 2005-Le Figaro]
Ce ne seront plus 41 mètres de la longue enceinte de Charles IX, découverte sous le musée de l'Orangerie, à Paris, qui seront conservés, comme l'avait promis Jean-Jacques Aillagon il y a un an tout juste, mais seulement 19. Sans permis de construire modificatif, par simple concertation entre la direction de l'Architecture et du Patrimoine et celle des Musées de France. En sourdine. Comme on avait mutilé l'enceinte de Charles V sous le Louvre. Le moins qu'on puisse dire est que l'archéologie semble réellement une gêne pour le ministère de la Culture.


La modification du projet a été dénoncée par Le Canard Enchaîné, dans son édition du 26 janvier, qui précise même que seuls «70 blocs de pierre seront remontés» de ce magnifique mur d'escarpe de 55 mètres, monté en grand appareil et qui avait été commandé à son fils par Catherine de Médicis pour protéger son château des Tuileries.


La «découverte» de cette enceinte, à l'occasion de l'agrandissement en sous-sol du Musée de l'Orangerie, avait fait grand bruit, l'an dernier. Du bruit pour rien, du reste, car, comme le dit Pierre Pinon, professeur d'architecture à Paris-Belleville, membre de la commission nommée pour gérer cette affaire, «ce bastion était connu depuis le XIXe siècle, longtemps visible et il aurait suffi de superposer une carte archéologique à un plan de Paris pour le faire apparaître». Malgré tout, lorsque le service régional de l'archéologie avait été averti du projet, il avait dit tout ignorer de cette fortification et donné son blanc-seing aux travaux.


De l'enceinte, commencée par Charles IX et poursuivie par Louis XIII, les travaux avaient permis, en 2003, de retrouver une hauteur de 6 mètres, plus que la hauteur de la salle en construction. L'hypothèse d'une crypte archéologique permettant de la voir dans son intégralité ayant été écartée d'emblée, on a cherché quel traitement lui réserver. Une commission composée de spécialistes avait donc été nommée, à laquelle participent notamment Nicolas Faucherre et Claude Mignot, spécialistes des fortifications. La commission du Vieux Paris avait aussi été alertée. Elle avait recommandé que «le plus grand soin soit apporté à la conservation et au traitement de ce mur».


Aujourd'hui, le directeur de l'Architecture et du Patrimoine, Michel Clément, affirme que cette réduction du projet initial «est l'aboutissement d'un affinement progressif du projet au cours de réunions, dans un partenariat exemplaire, entre la direction du Patrimoine et la direction des Musées de France». D'après lui, Jean-Jacques Aillagon n'avait pas toutes les données du problème lorsqu'il a assuré la conservation de 41 mètres et c'est l'«évolution technique du projet qui a mené à cette décision».


De son côté, la direction des Musées de France assure qu'il n'était pas nécessaire de demander un permis de cons truire modificatif. L'article L- 421-1 du Code de l'urbanisme, dit-on à la DMF, précise que «le permis est exigé pour les travaux exécutés sur les constructions existantes lorsqu'ils ont pour effet d'en changer la destination, de modifier leur aspect extérieur ou leur volume ou de créer des niveaux supplémentaires», ce qui n'est pas le cas. En outre, «le 28 mai 2004, les architectes ont présenté le projet quasi finalisé à la commission d'experts qui était donc parfaitement informée de cette version finale».


Mais l'article L- 421-6 oblige, lui, à demander un PCM lorsque l'ouvrage est en co-visibilité avec un monument historique, ce qui est le cas. Qui a tort ? Qui a raison ? Quoi qu'il en soit, le mur traversera donc, en biais, une des salles du sous-sol, et sera coupé par un passage de 1,40 m de large. Haut d'un mètre sur la plus grande partie de sa longueur, il s'élèvera progressivement jusqu'à trois mètres en allant vers la Seine. Ce n'est pas là un choix d'architecte, mais bel et bien l'état dans lequel l'enceinte a été retrouvée. On devra s'en contenter