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Comment François prépare la place à son successeur
par Jean Kinzler 2017-07-02 17:10:34
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Comment François prépare la place à son successeur

François n’a aucune envie de passer à la postérité comme ayant été un pape de « transition ». Il veut que tout ce qu’il fait survive à son départ. Et pour en s’en assurer, il institutionnalise les choses qui lui sont les plus chères, il leur confère une stabilité de sorte qu’elles puissent poursuivre d’elles-mêmes.

La Journée Mondiale des Pauvres est l’une de ses créatures, officiellement canonisée il y a quelques semaines.

L’idée si chère à Jorge Mario Bergoglio que l’Eglise est comme un « hôpital de campagne » se concrétisera donc chaque année, en novembre, par une fête des œuvres de miséricorde en faveur de ceux qui ont faim, de ceux qui sont nus, des sans-abris, des étrangers et des prisonniers.

Avec un pape tel que lui qui ira manger à Rome avec des centaines de pauvres, il sera difficile à son successeur de ne pas faire pareil. François a prévu que la répétition générale se déroule à Bologne le premier octobre et le programme mentionne déjà qu’à midi le pape « déjeunera avec les pauvres dans la basilique San Petronio ».

Et puis il y a les « Scholas Occurentes », un réseau inter-écoles né à Buenos Aires quand Bergoglio y était archevêque et qui connecte aujourd’hui plus de 400.000 instituts dans le monde entier, qu’ils soient catholiques ou laïcs.

Il n’y a rien de religieux dans les rencontres entre ces écoles. Les maîtres-mots de ces rencontres sont des termes et des concepts tels que « dialogue », « écoute », « rencontre », « ponts », « paix », « intégration » qui se répandent jusque dans les nombreux discours désormais adressés par François aux « Scholas ». Par contre, sur le Dieu chrétien, sur Jésus et sur l’Evangile, c’est presque un silence de plomb.

Malgré cela, Bergoglio a érigé les « Scholas Occurentes » en tant que « fondation pieuse » de droit pontifical et organise leurs congrès mondiaux au Vatican. Il y a trois semaines, le 9 juin, il leur a inauguré un siège à l’intérieur des palais pontificaux, un siège duquel il sera compliqué de les déloger à l’avenir.

Ce changement de cap n’est pas anodin. Pendant des siècles, les écoles de la Compagnie de Jésus ont été la figure de proue de l’enseignement catholique. Par contre, ces « Scholas » si chères au pape jésuite font davantage parler d’elles pour leurs fréquentes parties de foot « pour la paix » qu’il parraine aux côtés de Maradona, de Messi ou de Ronaldinho, tout comme ce curieux combat il y a un an sur le ring de Las Vegas – elle aussi placée par le pape sous le signe du dialogue – entre un boxeur catholique et un boxeur musulman qui ont ensuite été tous les deux reçus à Sainte-Marthe après que le musulman, qui a fini KO à la sixième reprise, ait pu sortir de l’hôpital.

Il en va de même dans le domaine politique. Il ne se passe pas un an sans que François ne convoque autour de lui une rencontre mondiale de ce qu’il appelle les « mouvements populaires ».

Ce réseau de mouvements n’existait pas avant lui, bien au contraire. Il s’agit d’une autre de ses inventions. Il en a confié le tri à un syndicaliste argentin de ses amis, Juan Grabois, qui va systématiquement pêcher parmi les irréductibles des manifs anticapitalistes et altermondialistes de Seattle et de Porte Alegre avec leur clique de défense des indigènes et d’écologistes avec des invités de marque tels que le président bolivien Evo Morales en sa qualité de cultivateur de feuilles de coca ou l’ex-président uruguayen José « Pepe » Mujica en tant qu’ex-guérillero à présent retiré dans une ferme à la campagne où il mène une vie frugale.

A ceux-là, le pape Bergoglio adresse à chaque fois des discours enflammés d’une trentaine de pages et plus, qui constituent la quintessence de sa vision politique générale fondée sur le peuple en tant que « catégorie mystique » appelée à racheter le monde.

A l’heure actuelle, ces rassemblement sont déjà au nombre de quatre : la première à Rome en 2014, la seconde en Bolivie en 2015, la troisième à nouveau à Rome en 2016, la quatrième, à l’échelle régionale, à Modesto aux Etats-Unis, en février dernier, avec le pape connecté en vidéoconférence. D’autres vont suivre.

Mais ce n’est pas tout. François a réservé d’autres surprises à son successeur. Il a congédié tous les membres de l’Académie Pontificale pour la vie et en a nommé de nouveaux.

A la différence que tandis que que les premiers étaient unanimes en bloc contre l’avortement, la procréation artificielle et l’euthanasie, ce n’est plus le cas aujourd’hui, chaque membre a sa propre opinion. Parce que ce qui importe avant tout, c’est le dialogue.

*

Cet article a été publiée dans le numéro 27 de 2017 de L’Espresso, en librairie le 28 mai dans la rubrique d’opinion intitulée « Settimo Cielo » confiée à Sandro Magister.

Voici l’index des notes précédentes :

> « L’Espresso » al settimo cielo

*

La volonté de Jorge Mario Bergoglio d’institutionnaliser les choses qui lui sont chères n’a pas échappé au vaticaniste américain John Allen :

> We’re watching Pope Francis institutionalize his vision

*

POST-SCRIPTUM – Cette note était déjà rédigée et publiée quand l’affaire du petit Charlie Gard a atteint son apogée avec un pape François silencieux malgré la vague universelle et spontanée d’appel à ce qu’il intervienne en personne pour défendre la vie de ce bébé.

> Il piccolo Charlie e noi

Et ce malgré le sérieux des objections juridiques contre la sentence qui a de fait condamné Charlie à mort:

> In nome della legge: Isacco, Charlie Gard e gli affanni della modernità

Il s’agit là d’une affaire qui ne pourra pas rester sans impact sur les « chances » de ce pontificat. Surtout si l’on se met à comparer les énergies dépensées par le pape François pour ces « Scholas Occurentes » avec les autres initiatives du genre qui lui sont si chères et ses réticences incompréhensibles sur des questions capitales comme celle vécues par Charlie Gard.
S.Magister

     

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