Cher origenius et chers liseurs qui êtes intervenus dans ce fil avant moi,
Vraie ou fausse prophétie que celle de ce "petit prophète colombien"? Pourquoi reconnaît-on si aisément qu'une théophanie catastrophiste est vraie et si malaisément qu'une épiphanie apaisante puisse avoir un degré de vérité aussi probable?
Celle-ci nous décentre de nos faux débats à propos de la sixième demande du "notre Père", dont la traduction française affaiblit plutôt le latin, qui suggère que Dieu puisse nous "inducare in temptationem", donc non seulement nous y soumettre ou nous y faire entrer, mais nous y induire, et nous recentre sur la cinquième demande concernant ce que nous sommes accoutumés à appeler le pardon des offenses.
Elle le fait avec une expression charismatique due peut-être principalement à l'auteur du communiqué, mais avec une rare prudence éclésiastique, Jésus s'adressant aux "hiérarques de son Église" à travers son "petit prophète colombien", et rappelant par là que ce n'est pas aux fidèles de transformer une prière aussi fondamentale et fondatrice que celle du "notre Père", mais que c'est à la hiérarchie de l'Église de mettre sur leurs lèvres la traduction la plus juste.
Jésus a encore raison, si j'ose dire, qu'Il ait parlé de façon spectaculaire ou par locution intérieure, ce que je crois plutôt du niveau de ce message, d'appuyer sur le fait que tout est contenu dans ces trois trésors que sont le credo,le "Pater" et le "magnificat", et que d'adhérer sans réserve aux vérités qui y sont révélées fait plus assurément un catholique que de commenter à l'infini la jurisprudence magistérielle de notre religion antijuridique. Nous avons ces trois chartes de la lex credendi et de la lex orandi, auxquelles on peut ajouter ces trois autres que sont les béatitudes, tout le sermon sur la montagne qui les suit, et le comportement induit par la "parabole(?" du jugement dernier contenue en Mathieu XXV, tout cela donnant l'esprit du décalogue, dont la lettre a été gravé par Moïse sur les tables de la loi.
La notion d'offense n'est guère contenue dans l'Évangile, sinon pour convaincre Pierre qu'il ne doit pas s'inquiéter du nombre de fois qu'il doit les pardonner, pourvu que ce nombre soit infini. En revanche, l'Évangile met souvent l'accent sur la notion de dette, du débiteur insolvable à qui le créancier, son maître, remet tout et qui gâche tout en se montrant lui-même intraitable, ce qui lui vaudra d'être jeté en prison jusqu'à ce qu'il ait tout remboursé, à l'intendant roué qui se paie sur les dettes de son maître et dont celui-ci fait l'éloge, précisément parce qu'il entre dans la logique de la rémission de la dette et des péchés, même pour de mauvaises raisons, puisqu'il commence par remettre pour qu'il lui soit remis, et n'a donc pas ce qu'on a appelé par la suite la contrition parfaite.
Qu'Est-ce qui distingue l'offense de la dette? Quand je parle d'offense, je me place de mon point de vue. C'est mon ego qui est blessé d'avoir offensé; je suis déshonoré et souffre dans mon orgueil. Je demande à être pardonné de mes offenses pour être rétabli dans mon droit d'offenser de rechef.
Quand je parle de dette, je me place du point de vue de l'autre. Je constate que, non pas mon offense à mon orgueuil, mais mon péché contre mon frère, m'a fait contracter à son égard une dette, non d'honneur, mais de cœur, qui demande réparation. Je prie pour lui avant de prier pour moi. Et je prie, non pas pour être rétabli dans mon droit d'offenser de rechef, malgré l'hypocrite ferme propos de ne pas recommencer, mais pour être réparer afin de pouvoir réparer mon frère, car je ne pourrai pas le réparer si mon orgueuil est encore blessé d'avoir pu l'offenser.
Je peux vouloir traiter l'autre comme je voudrais être traité, mais la faiblesse de ma nature fait que je dois commencer par me sentir aimé moi-même pour aimer mon prochain comme je suis aimé, et de là aimer Dieu parce qu'Il est la source de l'amour que je reçois en surcroît d'avoir été créé, et que je veux Lui rendre en gratitude d'être rédimé, par reconnaissance d'être racheté, pour lui rendre grâces de m'avoir libéré, et non pas rétabli dans mes droits d'offenseur.
Donc oui, Seigneur, "remets-nous nos dettes comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs", comme nous-mêmes leur avons pardonné dans notre coeur avant même que d'avoir pu, à tous coups, leur présenter notre solde de tout compte avant de nous présenter à l'Autel. Nous ne réclamons pas contre eux vengeance. Nous ne voulons pas savoir qui a raison. Nous remettons les compteurs à zéro pour un jubilé des relations qui pourront recommencer quand nous pourrons et quand Dieu voudra. Mais notre cœur est prêt pour la sainte Cène de l'amour fraternel.
Merci, Origenius, de m'avoir permis de réfléchir à cela.
Le torrentiel qui vous en sait gré