Le téléphone s’est mis à sonner. Je somnolais devant Capital. Ces combats de concepteurs de barbecues ne me passionnaient guère, je l’avoue, même si la remontée de camping-électricité face au géant wert me semblait sympathique. J’ai fébrilement secoué les coussins du canapé à la recherche de mon portable. Au bout de quelques longues secondes, j’avais enfin mon iPhone en main. Trop tard. « Appel manqué ».

Comme toujours, il s’agissait d’un « appel inconnu ». Tu parles... Un dimanche, à cette heure, ce ne pouvait être que lui. Je me dis mentalement que cela n’était pas grave et qu’il me rappellerait s’il s’agissait d’une urgence.

A peine mes scrupules envolés, le doux « cling ! » de ma messagerie a retenti. Le choix s’offrait à moi : écouter ou ne pas écouter. Ramper jusqu’à ce qui me servait de lit ou m’asservir à l’entendre me donner ses consignes. Vous finissez par me connaitre, et savez quel fut mon choix. Je vous épargne les préliminaires. Venons-en au message.

_ Lawrence, c’est moi. J’ai, comment dire... ? J’ai une mission pour vous. Je veux que vous lui fassiez comprendre qu’il m’agace. Je voudrais que vous agissiez discrètement. Le mieux serait que vous preniez un train de nuit pour aller le voir dès potron-minet. Cela m’ennuie car c’est un Provincial. Du genre fragile... Je sais bien qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs. Mais de là à vous comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, il n’y a qu’un pas, que je vous sais capable de franchir. Je vous fais parvenir prochainement deux billets de trains. J’ai regardé sur voyages-sncf.com, c’est environ trois heures et demie. Cela vous laissera le temps de réfléchir au mode opératoire.
Je vous le redis, je ne vous demande pas d’agir tout de suite mais de lui faire comprendre mon agacement. Ni plus ni moins. En cas de besoin, appelez-moi une fois sur place, d’accord ? Ah ! et puis, ensuite, j’aurai une autre mission à vous donner. Je crois que ce sera une première. On parle beaucoup de l’équité homme-femme. Quand je repense à vos missions passées, je m’aperçois que je me suis montré bien peu civique dans ce domaine. Je crois venu le temps de me rattraper. Je n’en peux plus, Wargrave. Il faut vraiment que nous fassions quelque chose... Allez, je vous laisse. J’espère que je ne vous ai pas réveillé. Appelez-moi quand vous serez sur place. Plus j’y pense, plus je me dis que ce serait mieux. Je ne veux pas que vous alliez trop loin... A plus tard.

J’ai bu un verre d’eau, et je suis allé me coucher. Je déteste la Province. Surtout quand elle est profonde comme celle-ci. Ma journée s’achevait grossièrement sur le mot controversé de Cambronne.

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