Cela étant, la meilleure analyse de « l’ Église conciliaire » a été faite en 1969 par l’abbé Louis Coache (1920-1994) (cf. Abbé Louis Coache, Évêques … restez catholiques ! conférence donnée à la Mutualité à Paris, en France, le 24 octobre 1969 sur la crise tragique de l’Église ; Imprimé par Imprimerie Ferrey à Paris 14e).
D’une manière générale cependant, les fidèles catholiques, pris entre leur doctrine, les apparences, l’autorité, et la médiocrité de leur culture tant intellectuelle que religieuse, n’ont rien compris à la révolution néo-moderniste qui a renversé l’antique Église catholique au Concile Vatican II. On en a, parmi d’autres, le plus bel exemple avec Mgr Marcel Lefebvre : le prélat a été convoqué en 1975 à Rome dans le but de le contraindre à se convertir à la nouvelle religion et à mettre un terme à la forme traditionnelle de sa congrégation nouvellement créée, qui contrevenait à la nouvelle idéologie imposée par les révolutionnaires (Cf. Roland Gaucher, Monseigneur Lefebvre, Combat pour l’Église ; Éditions Albatros, Paris 1976) ; dans ses entretiens, l’ancien archevêque de Dakar parlait de l’Église fondée par le Christ alors que ses interlocuteurs lui signifiaient que sa vision des choses était archaïque et dépassée. Il croyait toujours être dans l’Église fondée par le Christ sur terre alors que ses interlocuteurs évoquaient la révolution dogmatique de Vatican II qui avait anéanti ses croyances et créé une nouvelle religion et une nouvelle « Église » qui n’avaient plus aucun rapport avec son monde. Le dialogue était un dialogue de sourds. Mgr Lefebvre ne comprenait pas ses interlocuteurs et ceux-ci avaient du mal à saisir sa confusion intellectuelle, qu’il puisse ne pas appréhender le fait que le monde auquel il croyait, que la religion et l’Église en lesquelles il croyait avaient volé en éclats, été balayés et jetés dans les poubelles de l’Histoire par le Concile Vatican II, et avaient été remplacés. Le prélat aveuglé par les apparences, même s’il pressentait l’existence de changements fondamentaux qui modifiaient l’ordre établi jusque-là, avait du mal à comprendre que l’occupation des murs de “l’Église de la terre” et plus particulièrement du Nouveau Grand Temple de Jérusalem et du Siège de Pierre par les fils de Bélial avait porté un coup violent non seulement à la religion catholique mais aussi à l’Église catholique universelle (non seulement les révolutionnaires avaient substitué dans “l’Église de la terre” leur religion à l’antique religion catholique et leur « Église » à l’antique Église mais ils leur avaient aussi volé leur nom de catholique et le qualificatif d‘universel). L’ancien Supérieur général des Pères du Saint Esprit n’a à aucun moment compris au cours des entretiens ce qu’on attendait de lui. Aussi c’est avec un profond étonnement qu’il a vu dissoudre ses œuvres et appris sa censure visant à l’empêcher de continuer à faire vivre la Tradition et l’antique Ėglise catholique. Cela n’a pas pour autant décillé les yeux du prélat. Les années passant, Mgr Lefebvre a choisi de rester dans le déni qui l’empêchait de discerner le faux du vrai et d’agir en conséquence. Il en est ainsi venu, par un raisonnement des plus simplistes, à admettre qu’il ne pouvait y avoir d’autre Pape que celui qui était assis sur le siège de Pierre, que l’évêque de Rome. Le Pape était Pape parce qu’il était évêque de Rome. Il était le successeur de Pierre et donc le pasteur de l’Église catholique universelle. Selon lui, si l’on devait se pencher sur la question de savoir si un Pape pouvait être hérétique, le problème à résoudre n’était pas des plus simples. La chose était pour lui au-dessus de ses moyens. Soumis à diverses pressions, il a dû affirmer qu’il n’était pas question pour lui de nier aux Papes « conciliaires », aussi hérétiques et apostats fussent-ils, leur état de Papes authentiques de l’Église catholique universelle, sous-entendu leur état de Vicaire du Christ. Ne pas reconnaître le Pape en tant que Vicaire du Christ (aussi hérétique et apostat fût-il, aussi fils de Bélial fût-il) et ne pas prier pour lui c’était être schismatique et hérétique. « Ou bien, dira-t-il, nous nous nous rangeons à la révolution dans l’Église, nous participons à la destruction de l’Église, nous partons avec les Progressistes… Ou bien nous quittons complètement l’Église et nous nous trouvons où ? avec qui ? avec quoi ? reliés comment aux apôtres, reliés comment aux origines de l’Église ? Partis … et alors, ça va durer combien de temps ? Alors s’il ne faut plus considérer les trois derniers conclaves, (…) qu’il n’y a plus de pape, il n’y a plus de cardinaux. On ne voit plus comment même faire revenir un pape légitime… Non ! C’est le désordre complet ! », « Nous avons besoin d’un lien, ajoutera-t-il pour justifier sa position, avec Rome. Rome, c’est quand même là que se trouve la succession de Pierre, la succession des Apôtres, de l’Apôtre Pierre, de la primauté de Pierre et de l’Église ; si on coupe avec ce lien, on est vraiment comme une embarcation qui est larguée sur des flots sans plus savoir à quel lieu nous sommes attachés et à qui nous sommes rattachés ». Et pour étayer sa position il s’est rallié à la voie « pyrrhoniste » (du nom de Pyrrhon, le philosophe sceptique le plus important de l’âge hellénistique, où l’être est le non-être) développée dès 1969 par l’abbé Coache qui préconisait de rester uni au Siège de Pierre dans la Foi « de toujours » mais en exerçant un droit d’inventaire dans le Magistère des nouveaux maîtres de Rome, doctrine ensuite reprise par le R.P. Roger-Thomas Calmel O.P. (1914-1975) qui a justifié théologiquement cette attitude dans sa Brève Apologie pour l’Église de toujours écrite en 1973 pour la revue Itinéraires et republiée en 1987 aux éditions Difralivre. Le seul problème, et il était de taille, est qu’on demandait d’avoir à se soumettre en tout illogisme à la fois à Dieu et à son Évangile et à Satan par l’intermédiaire de son « Église conciliaire » qui prônait un autre Évangile, celui-là anathème, autrement dit d’être à la fois de Dieu (l’être) et de Satan (le non-être). Mais pire encore, cette vue des choses était blasphématoire, voire hérétique, condamnée en son temps par Pie X.
Ce discours défaitiste où n’était évoqué aucun combat pour rétablir le Christ dans ses droits sur “l’Église de la terre” et ramener le Pape et les Cardinaux dans le droit chemin, dans les pas du Christ, organisera la perte de nombreux fidèles et prêtres. Ils iront, en se ralliant à la « Rome conciliaire », vendre leur âme aux fils de Satan qui leur feront perdre la foi. Pour maints observateurs, Mgr Lefebvre, en adhérant au discours « pyrrhoniste », a mené à la division du mouvement traditionaliste qui était jusque-là uni et faisait peur aux révolutionnaires ; aussi lui impute-ton une très grande responsabilité dans la fracture du mouvement traditionaliste et du naufrage de l’immense majorité des fidèles qui voulaient rester catholiques et qu’il a poussés (en croyant agir en Catholique) vers Bélial et vers l’enfer. Et cette responsabilité est d’autant plus grande que le prélat a adhéré au discours « pyrrhoniste » après une savoureuse manipulation des nouveaux maîtres du Nouveau Grand Temple de Jérusalem qui lui ont fait miroiter un statut canonique pour son œuvre au sein de leur « Église conciliaire », sous réserve toutefois qu’il se convertisse à la nouvelle religion conciliaire. Il s’imaginait s’en tirer ainsi par une pirouette, en ne pensant pas un seul instant aux énormes dégâts que sa position allait engendrer sur son salut et celui des autres. Les seuls au final à se réjouir de ses faiblesses ont été ses ennemis et les ennemis de l’authentique religion catholique.