Huitième avis
Comment, dans ce saint exercice, il faut joindre la méditation à la contemplation.
(...)De là on tire une conclusion fort commune, qui est enseignée par tous les maîtres de la vie spirituelle, et qui cependant est peu entendue de ceux qui la lisent. La voici : de même que les moyens cessent dès que la fin est obtenue, et que la navigation se termine dès que le vaisseau est arrivé au port ; de même aussi, quand l'homme, au moyen du travail de la méditation, est une fois arrivé au repos et au goût de la contemplation, il doit pour lors cesser cette pieuse, mais laborieuse recherche. Se contentant d'une simple vue et de la pensée de Dieu, comme s'il le voyait présent, il doit jouir en repos du sentiment d'amour, ou d'admiration, ou de joie, ou de quelque autre sentiment semblable, qu'il plaît à Dieu de lui donner. La raison de ce conseil et de cette conduite, la voici : Comme la fin du commerce de l'âme avec Dieu dans l'oraison consiste bien plus dans l'amour et dans les affections de la volonté, que dans la spéculation de l'entendement ; lorsque la volonté est déjà prise et possédée de cette affection, nous devons, autant qu'il nous est possible, éviter tous les discours et toutes les spéculations de l'entendement, afin que notre âme s'emploie tout entière à goûter ce sentiment dont nous venons de parler, sans se déterminer par les actes des autres puissances. C'est pourquoi un docteur s'exprime ainsi à ce sujet : « Dès que l'homme se sentira enflammé de l'amour de Dieu, qu'il laisse aussitôt toutes ces spéculations et toutes ces pensées, quelque sublimes qu'elles paraissent ; non pas qu'elles soient mauvaises en soi, mais parce qu'alors elles empêchent un plus grand bien. Agir de la sorte, ce n'est point autre chose que cesser le mouvement, parce qu'on est arrivé au terme, et laisser la méditation pour l'amour de la contemplation. » Or, cela peut se faire à la fin de tout l'exercice de l’oraison, c'est-à-dire après la demande de l'amour de Dieu, qui termine l'exercice, et dont nous avons parlé plus haut. En voici deux raisons : la première, parce qu'on présuppose alors que le travail de l'exercice passé aura produit quelque affection et quelque sentiment de Dieu, attendu que, comme dit le Sage, la fin de l'oraison vaut mieux que le commencement (1) ; la seconde, parce qu'après le travail de la méditation et de l'oraison, il est juste que l'homme donne un peu de relâche à l'entendement, et le laisse reposer dans les bras de la contemplation. Ainsi donc, que durant ce temps il rejette toutes les imaginations qui s'offrent à lui, qu'il apaise l'entendement, qu'il calme la mémoire et la fixe en Notre-Seigneur, considérant qu'il est en sa présence. Qu'il laisse de côté pour lors toute considération particulière des choses de Dieu, et qu'il se contente de la connaissance que la foi lui donne de lui, qu'il applique la volonté et l'amour, puisque c'est l'amour seul qui s'embrase, et qu'en lui seul est le fruit de toute la méditation. Car ce que l'entendement peut connaître de Dieu n'est presque rien, tandis que la volonté peut beaucoup aimer. Que l'homme s'enferme au dedans de lui-même dans le centre de son âme, où est l'image de Dieu, et que là il soit attentif à ce grand Dieu, comme s'il écoutait quelqu'un qui lui parlerait du haut d'une tour, ou comme s'il le possédait au dedans de son cœur, ou comme si, dans tout cet univers, il n'y avait que son âme seule avec Dieu seul. Il devrait même perdre le souvenir de soi et de ce qu'il fait, parce que, comme le disait un Père : « La parfaite oraison est celle dans laquelle celui qui prie ne se souvient pas qu'il est en prière. »(...)
Source : Œuvres Spirituelles de Saint Pierre d'Alcantara (livres-mystiques.com)
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde