Loin de moi l'intention de justifier les divers gestes ou propos aberrants ou scandaleux qui depuis le Concile nous viennent de Rome ou de l'épiscopat de France ou d'ailleurs, mais il me semble que des mises au point s'imposent de plus en plus.

Vous ne savez pas sur quelle planète vivent ceux qui "occupent Rome", écrivez-vous, et c'est bien compréhensible.

Cependant, on peut se demander également sur quelle planète nous vivons, nous autres traditionalistes.
Il suffit ici de donner quelques exemples.

On aime, dans nos milieux, à se référer à l'époque révolutionnaire, à regarder les prêtres traditionalistes comme les dignes héritiers des prêtres réfractaires de 1791 ; et certainement il existe un certain nombre d'analogies qui justifient en partie un tel rapprochement. Mais il existe un autre fait qu'il faut rappeler. Si les prêtres réfractaires ont refusé le serment, c'est parce qu'ils refusaient un acte qui les aurait soustraits à la juridiction du pontife romain et des évêques légitimes.
Les prêtres réfractaires savaient, eux, tous fils de l'Eglise gallicane qu'ils étaient, ce que c'est que la communion de l'Eglise romaine et la primauté de juridiction du pape, et c'est pour elle qu'ils ont été prêts à tout perdre ; ils savaient encore ce que c'est que de vivre dans l'obéissance aux pasteurs légitimes établis par Dieu sur son troupeau.
Ils savaient ce que c'est que l'Eglise hiérarchique fondée par Jésus-Christ, ce que sont un évêque, un diocèse, une paroisse.

Le XIXe siècle est passé par-là, l'ultramontanisme frénétique et souvent mal éclairé de polémistes en délicatesse avec l'autorité épiscopale n'a sans doute pas peu contribué à faire peu à peu oublier ce qu'est un évêque au profit du seul successeur de Pierre. Le dernier Concile, avec les scandales, les violences, les injustices qui l'ont accompagné et suivi, se sont chargés de nous faire perdre de vue ce que c'est que le pontife romain, centre de l'unité catholique.

C'est au point que certains déclarent sans rire que Mgr Lefebvre en 1988 a sauvé l'épiscopat traditionnel. On ne saurait faire plus parfait aveu d'ignorance de l'esprit de l'Eglise. Mgr Lefebvre en 1988 a procédé à des sacres dictés par la nécessité, pour le bien de l'Eglise. Mais on ne peut certainement pas appeler épiscopat traditionnel un épiscopat dont la fonction unique est d'assurer la collation des saints ordres et de la confirmation : épiscopat d'évêques sans diocèses, sans mission et sans troupeau.
C'était, précisément, ce que les réfractaires reprochaient aux constitutionnels. Cela nous plaît ou cela ne nous plaît pas, mais c'est ainsi.

La reconnaissance canonique (dès lors qu'elle est possible bien entendu) ne réglerait pas tout, parce que la crise de l'esprit de l'Eglise est générale, à tous les niveaux et dans toutes les parties de l'Eglise terrestre ; cependant elle contribuerait au moins à nous réapprendre quelque peu, en observant l'ordre hiérarchique de l'Eglise quoique d'une manière très originale, ce que signifie concrètement être fils de l'Eglise.

Nous ne savons pas sur quelle planète vivent le pape et une bonne part des évêques actuels. Ce n'est pas une raison suffisante pour nous réfugier sur une autre planète que celle que Dieu a choisie pour être le lieu de notre salut et de notre sanctification.

Peregrinus

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