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Doctrine sociale, avez-vous dit !
par baudelairec2000 2017-02-05 00:57:08
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bonsoir jejomau, voici ce que m'inspire une partie de votre post, sur la Doctrine sociale de l'Eglise proprement dite. Post un peu long que le mien, je l'avoue, mais il me faut fournir des arguments pour essayer de convaincre...

Sur la notion de "doctrine sociale de l'Eglise

Vous vous félicitez de l'existence de La Doctrine sociale de l'Eglise. Que savez-vous d'elle, de son contenu? Est-elle seulement au sens strict une doctrine? Il me semble que, pour pratiquer depuis longtemps les textes sur lesquels elle s'appuie, je peux vous dire que ce que vous appelez "doctrine" avec d'autres, pour vous rassurer en fait sur sa pérennité et sa légitimité - car ce qui est doctrinal aurait plus de poids que le pastoral - ne relève en rien d'un enseignement sûr reposant sur des principes certains.

Les papes eux-mêmes, cela fait déjà un certain temps, refusent de donner le nom de doctrine à cette partie de leur "magistère": en effet, cet enseignement ne traite pas de la réalité sociale et économique d'un point de vue théorique, de manière abstraite; non, et je cite le Père Jean-Yves Calvez, l'un des meilleurs connaisseurs de la chose, la première référence à la "question sociale" qui est implicitement ou explicitement contenue dans toute la définition de la "doctrine sociale de l'Eglise", comporte encore l'avantage d'indiquer d'emblée que l'enseignement présenté par l'Eglise sous cette rubrique n'est pas une synthèse théorique, indépendante des conditions de son apparition, mais la réponse historique à un problème historique... Tout l'enseignement "social" de l'Eglise vise cette situation proprement moderne dans laquelle certains rapports entre hommes et entre groupes, issus de la vie économique, font l'objet d'une considération particulière, relativement indépendante de la considération des rapports familiaux et politiques. De plus, dans la société moderne qui nous sert de référence, les rapports économiques et sociaux ont pris en réalité une importance exceptionnelle, en quelque sorte dominante en comparaison des rapports familiaux, politiques et internationaux. L'Eglise tient compte de ces conditions imposées à l'homme d'aujourd'hui quand elle formule une "doctrine sociale" (Pie XII, en 1941, dans son message de la Pentecôte pour célébrer l'anniversaire de Rerum novarum de Léon XIII; notons que Pie XII emploie ici l'article indéfini et non le défini: " una dottrina sociale catttolica") ou une "doctrine en matière économique et sociale"(Pie XI, toujours à propos de Rerum Novarum).
Ainsi, poursuit Calvez, en raison même du terme choisi pour le désigner, nous savons qu'il ne s'agira pas d'un enseignement désincarné, détaché de l'histoire, mais au contraire de principes et de directives visant une situation historique déterminée, formulés à l'occasion de cette situation. La "doctrine sociale" de l'Eglise est une prise de position dans le débat historique qu'ont engendré sur le plan social la civilisation industrielle et le capitalisme moderne (Eglise et société économique, l'enseignement social des papes de Léon XIII à Pie XII, Aubier, 1959).

Quelle autorité, alors, a cette "doctrine" face à de valeurs sûres comme Aristote dans l'Ethique à Nicomaque ou la Politique, ou bien encore comme saint Thomas dans ses commentaires du précédent et dans certaines parties de la Somme. Je me limite volontairement à ces deux grands, autorités incontestables qui vécurent à des époques où il était impossible d'envisager une "doctrine sociale"; car l'adjectif "social" est connoté, renvoyant à une période spécifique, celle du XIXe siècle. Et on ne peut donc faire de "social" un synonyme de politique.


Le contenu, l'objet de la DSE

En voilà assez pour le vocabulaire. Passons rapidement au contenu de cet enseignement des papes dans le domaine social. A l'époque de Calvez, en 1959, la "doctrine sociale" s'intéressait, on s'en doute, aux problèmes économiques, plutôt à " la norme de la société économique économique dans son ensemble, à ses structures et ses institutions". Mais le contenu de cet enseignement "s'est étendu à mesure que l'on apercevait davantage l'ampleur et les dimensions de la question sociale, à laquelle elle s'efforçait de répondre depuis Léon XIII." Depuis l'Eglise s'est intéressé au développement des peuples, à la paix dans le monde, à l'écologie, et a intégré dans ce corpus social tout ce qui relève des problèmes posés par les prétentions de la technique, de son développement prométhéen; c'est ainsi que la bio-éthique est devenu une partie de la fameuse "doctrine sociale".


Un détour par Benoît XVI


Jusqu'où ira-t-on? La globalisation, cela intéresse évidemment les papes. A "interdépendance mondiale", "gouvernance mondiale", deux notions flanquées des inévitables principes de "subsidiarité" et de "solidarité". J'en veux pour preuve l'encyclique de Benoît XVI, Caritas in veritate (& 67):

" Face au développement irrésistible de l’interdépendance mondiale, et alors que nous sommes en présence d’une récession également mondiale, l’urgence de la réforme de l’Organisation des Nations Unies comme celle de l’architecture économique et financière internationale en vue de donner une réalité concrète au concept de famille des Nations, trouve un large écho. On ressent également fortement l’urgence de trouver des formes innovantes pour concrétiser le principe de la responsabilité de protéger [146] et pour accorder aux nations les plus pauvres une voix opérante dans les décisions communes. Cela est d’autant plus nécessaire pour la recherche d’un ordre politique, juridique et économique, susceptible d’accroître et d’orienter la collaboration internationale vers le développement solidaire de tous les peuples. Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII. Une telle Autorité devra être réglée par le droit, se conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de solidarité,
être ordonnée à la réalisation du bien commun, s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. Cette Autorité devra en outre être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice et des droits. Elle devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux. En l’absence de ces conditions, le droit international, malgré les grands progrès accomplis dans divers domaines, risquerait en fait d’être conditionné par les équilibres de pouvoir entre les plus puissants. Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation et que soit finalement mis en place un ordre social conforme à l’ordre moral et au lien entre les sphères morale et
sociale, entre le politique et la sphère économique et civile que prévoyait déjà le Statut des Nations Unies."


Retour à François

Rapidement, et pour ne pas abuser de votre temps, quelques références à François sur cet enseignement social (Evangelii gaudium, & 182-184):

L’enseignement de l’Église sur les questions sociales

182. Les enseignements de l’Église sur les situations contingentes sont sujets à d’importants ou de nouveaux développements et peuvent être l’objet de discussion, mais nous ne pouvons éviter d’être concrets – sans prétendre entrer dans les détails – pour que les grands principes sociaux ne restent pas de simples indications générales qui n’interpellent personne.Il faut en tirer les conséquences pratiques afin qu’« ils puissent aussi avoir une incidence efficace sur les situations contemporaines complexes ». Les pasteurs, en accueillant les apports des différentes sciences, ont le droit d’émettre des opinions sur tout ce qui concerne la vie des personnes, du moment que la tâche de l’évangélisation implique et exige une promotion intégrale de chaque être humain. On ne peut plus affirmer que la religion doit se limiter à la sphère privée et qu’elle existe seulement pour préparer les âmes pour le ciel. Nous savons que Dieu désire le bonheur de ses enfants, sur cette terre aussi, bien que ceux-ci soient appelés à la plénitude éternelle, puisqu’il a créé toutes choses « afin que nous en jouissions » (1 Tm 6, 17), pour que tous puissent en jouir. Il en découle que la conversion chrétienne exige de reconsidérer « spécialement tout ce qui concerne l’ordre social et la réalisation du bien commun »...

& 183 Nous aimons cette magnifique planète où Dieu nous a placés,et nous
aimons l’humanité qui l’habite, avec tous ses drames et ses lassitudes, avec ses aspirations et ses espérances, avec ses valeurs et ses fragilités. La terre est notre maison commune et nous sommes tous frères. Bien que « l’ordre juste de la société et de l’État soit un devoir essentiel du politique », l’Église « ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice ». Tous les chrétiens, et aussi les pasteurs, sont appelés à se préoccuper de la construction d’un monde meilleur. Il s’agit de cela, parce que la pensée sociale de l’Église est en premier lieu positive et fait des propositions, oriente une action transformatrice, et en ce sens, ne cesse d’être un signe d’espérance qui jaillit du coeur plein d’amour de Jésus Christ. En même temps, elle unit « ses efforts à ceux que réalisent dans le domaine social les autres Églises et Communautés
ecclésiales, tant au niveau de la réflexion doctrinale qu’au niveau pratique ».

& 184. Ce n’est pas le moment ici de développer toutes les graves questions sociales qui marquent le monde actuel, dont j’ai commenté certaines dans le chapitre deux. Ceci n’est pas un document social, et pour réfléchir sur ces thématiques différentes nous disposons d’un instrument très adapté dans le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, dont je recommande vivement l’utilisation et l’étude. En outre, ni le Pape, ni l’Église ne possèdent le monopole de l’interprétation de la réalité sociale ou de la proposition de solutions aux problèmes contemporains. Je peux répéter ici ce que Paul VI indiquait avec lucidité : « Face à des situations aussi variées, il nous est difficile de prononcer une parole unique, comme de proposer une solution qui ait une valeur universelle. Telle n’est pas notre ambition, ni même notre mission. Il revient aux communautés
chrétiennes d’analyser avec objectivité la situation propre de leur pays ».






     

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