Etrange cette dénomination "d'acteurs de l’économie de communion", ces entrepreneurs qui mettent en avant « la communion des biens, des talents et des profits », la "communion entre personnes", précise François.
Le pape semble méconnaître une des caractéristiques de l'activité économique qui est d'individualiser et de diviser plutôt que de réunir. L'économie ne sera jamais autre chose que le domaine qui permet aux hommes de vivre et de survivre - je vous renvoie au premier livre de la Politique d'Aristote. Un monde qui au fil du temps devient celui de la concurrence... Comment des acteurs économiques pourraient-ils "partager l'argent avec les autres"? A moins de cesser d'être des agents économiques. Quant au bien commun, on ne doit pas le chercher dans la sphère de production des biens matériels et de l'accroissement des richesses, mais dans la sphère du politique ou de la cité: c'est au sein de la cité, c'est au plan politique seulement que peut se réaliser le bien commun dont saint Augustin, et bien d'autres après lui, nous dit qu'il consiste dans la paix (tranquillité de l'ordre). Le politique, c'est la sphère du bien commun.
François essaie de réconcilier les inconciliables: bien particulier/ bien commun, économie/politique, "en faisant l'économie" du politique et de l'Etat qu'il a contribué à discréditer dans l'encyclique écologique Laudato si. Il est vrai que la critique de l'Etat est une entreprise ancienne; François se contente de suivre la route ouverte par Pie XI quand celui-ci affirmait que la "société est faite pour l'homme" (Divini Redemptoris), ce qui implique que toute société ou Etat qui voudrait ramener les hommes à elle serait d'office totalitaire. Est totalitaire en effet la proposition suivante: l'homme est fait pour la société comme la partie pour le tout - c'est pourtant saint Thomas qui est l'auteur de cette affirmation. Il faut donc favoriser les personnes au détriment de l'Etat. Laudato si encourage en effet les mouvements citoyens contre l'inaction ou les excès du pouvoir. Ce qui revient à justifier implicitement l'individualisme. Sauf que, pour sauver la société, on fait appel à la charité qui vient se substituer à la justice, permettant ainsi aux "personnes humaines" (sacrée personne humaine et tous ses droits!) de rentrer à nouveau en relation, de communier ou si voulez de communiquer à nouveau. La charité ne peut être efficace que si l'homme se montre juste, rende à chacun ce qui lui est dû.
Etrange également cette récupération de la parabole du Bon Samaritain:
là ou il n'est question que de charité - le Christ étant le prochain par excellence, le voyageur tombé aux mains des brigands représentant l'homme blessé par le péché et l'auberge, la sainte Eglise - François oppose bizarrement, reliquat d'une théologie de la libération qui essaie peut-être de refaire surface, d'une part les victimes du système tombés aux mains des brigands de la finance, et d'autre part le marché, l'aubergiste. Dans la parabole, le Bon Samaritain installe la victime dans une auberge de référence, un endroit dans lequel il sait que le voyageur pourra refaire ses force, car on sait que l'Eglise a reçu sa mission du Sauveur; chez François, au contraire, l'aubergiste est du côté des truands, en ce sens que c'est lui qui produit les victimes.
Une question: si l'Eglise est une auberge - ce que m'inspire la parabole - que peut-on dire du comportement de l'aubergiste dans la lecture de la parabole par François? Que, solidaire du marché et de ses injustices, il a un comportement contraire à celui de l'entrepreneur de communion. Que l'aubergiste n'a plus grand chose en commun avec l'auberge qu'il était, dans la parabole, censé tenir. Allez comprendre...
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