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A propos "d'Assise", voici quelques remarques, qui vont dans le même sens.
par Scrutator Sapientiæ 2016-11-25 23:35:02
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Bonsoir et merci à La Porte Latine.

1. Ce qui est ou, en tout cas, me semble vraiment tout à fait incontestable, et qui va dans le même sens, c'est ceci :

- de même que les catholiques et les non catholiques ont plus ou moins perdu de vue la différence de nature qui existe entre la confession catholique et les autres confessions chrétiennes, à cause de la conception et de la pratique actuellement dominantes du "dialogue oecuménique" et non malgré elles,

- de même, les chrétiens et les non chrétiens ont quelque peu perdu de vue la différence de nature qui existe entre la religion chrétienne et les autres religions, bien plus du fait de la conception et de la pratique actuellement dominantes du dialogue interreligieux que malgré elles.

2. A mon avis, toute cette affaire repose sur un mensonge par omission, ou sur une restriction mentale fallacieuse ou tendancieuse : c'est à cause de ce mensonge par omission ou de cette restriction mentale que l'on dit ce que l'on dit, et que l'on tait ce que l'on tait, pour faire en sorte que les catholiques perdent de vue le point suivant : ce n'est pas parce que des croyants non chrétiens sont très altruistes, bien intentionnés, subjectivement sincères, que leur religion, ou leur tradition croyante, est objectivement vraie, comme si cette religion ou cette tradition croyante était presque "co-dépositaire" de la plénitude de la révélation divine.

3. Je formule sans doute très mal la question suivante, mais je fais comme je peux : si une religion à la fois monothéiste et non théocratique est vraiment dépositaire de la plénitude de la révélation divine, à qui donc fera-t-on croire qu'une religion ou une tradition croyante dont l'architecture fondamentale découle de l'animisme ou du panthéisme, ou relève du polythéisme ou du théocratisme, est à peu près, ou plus ou moins, de même nature ?

4. Je pense aussi à deux autres idées qui ont amplement prospéré, dans le sillage de l'esprit d'Assise, celui-ci n'ayant certes pas attendu Assise 1986 pour commencer à souffler, puisque l'on en trouve des signes annonciateurs ou avant-coureurs, en théologie, dès les années 1970, et à l'intérieur de la pastorale de Jean-Paul II, dès la fin des années 1970, même s'il est vrai que le milieu des années 1980 constitue un tournant décisif, voire fondateur.

D'une part, il y a globalement l'idée selon laquelle les catholiques sont, pour ainsi dire, "dispensés" d'annonce explicite et spécifique de Jésus-Christ, en tant que Fils unique du seul vrai Dieu, Père, Fils, Esprit, et en tant que seul Médiateur et seul Rédempteur, ou en tant que seul Seigneur et seul Sauveur, et "dispensés" d'exhortation explicite et spécifique à la conversion chrétienne, au bénéfice et à destination des croyants non chrétiens.

D'autre part, il y a grosso modo l'idée selon laquelle les croyants non chrétiens sont "dispensés" de conversion, sous la conduite et en direction de Jésus-Christ, "dispensés" d'ouverture de leur esprit et de leur vie sur une perspective de conversion chrétienne, et sur une perspective d'éloignement de leur esprit et de leur vie vis-à-vis de la religion ou de la tradition croyante non chrétienne à l'égard de laquelle ils sont en situation d'adhésion ou de soumission.

(Quatre ans après Assise 1986, nous avons eu droit à Redemptoris missio, en 1990 ; c'est à la lecture de ce texte que j'ai compris dans quelle mesure Jean-Paul II raisonnait parfois comme quelqu'un qui considère que tant deux positions contradictoires ne sont pas contradictoires de son propre point de vue, elles ne sont pas contradictoires du tout, mais articulables ou complémentaires...)

5. Je vois aussi dans tout cela une conséquence de la déverticalisation ou de l'horizontalisation du christianisme catholique, cette dynamique étant un phénomène dont nous pouvons analyser les causes et observer les effets depuis qu'il sévit, c'est-à-dire depuis 1945, dans le monde européen et/ou occidental.

6. Mais je vois surtout dans tout cela une conséquence du fait que, pour bien des théologiens et des évêques, l'Ecriture, la Tradition, le Magistère, y compris, en un sens, Nostra aetate ou, en tout cas, Evangelii nuntiandi, qui n'a jamais prescrit ni prévu Assise, ont moins d'autorité que le courant philosophique, notamment d'inspiration postmoderne, et le courant théologique, notamment d'inspiration protestante, qui ont rendu possible Assise.

7. La vérité oblige à dire que, dans bien des cas, nous sommes en présence d'un stratagème, qui tend à doter les croyances non chrétiennes de presque toutes les valeurs, ou à les parer de quasiment toutes les vertus, en laissant entendre qu'il y a un lien de causalité particulier entre l'adhésion ou la soumission des croyants concernés à ces croyances, et le fait que ces croyants souscrivent à ces valeurs ou pratiquent ces vertus...alors que certaines de ces valeurs peuvent aussi bien être souscrites et que certaines de ces vertus peuvent aussi bien être pratiquées par des non croyants un tant soit peu humanistes.

8. La vérité éclaire et libère, et c'est parfois, en réalité, très dur.

Le consensus aveugle et asservit, et c'est souvent, en apparence, très doux.

Nous sommes confrontés à un état d'esprit qui est situé à proximité du néo-fidéisme post-moderne et du modalisme pluraliste, et ceux qui n'ont pas encore été rendus à la fois amnésiques et acritiques sont tout à fait en mesure de prendre conscience de cette mentalité.

9. On peut aussi faire remarquer que que bon nombre de conflits sont causés pour des raisons non religieuses et réglés par des moyens non religieux ; dans cet ordre d'idées, le dialogue religieux peut constituer un moyen parmi d'autres, mais ne peut être le premier moyen ou le seul moyen utilisé, pour maintenir ou restaurer la paix.

10. Rien de ce qui précède n'est synonyme d'une appréhension ou d'une détestation de la coexistence pacifique interreligieuse ; ce n'est pas cela que je pointe ici du doigt, mais c'est l'autocensure pacifiste intracatholique, qui semble vraiment être considérée par certains comme une figure imposée, imposée par la "nécessité" de ne pas contrarier, déplaire, déranger, ou par celle de se modeler sur l'esprit du moment ou du monde présent.

Merci beaucoup pour toute remarque ou suggestion, car ce que je viens d'essayer de résumer est certainement imprécis ou incomplet, et bien sûr bonne soirée.

Scrutator.

     

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