Dans l'article de Stageirites, j'ai été frappé par l'assertion selon laquelle la vie éternelle ne constituait pas l'unique fin ultime de l'homme. Je me suis dit "flûte alors, je suis moderniste", mais je ne vois pas en quoi il serait moderniste d'aspirer à la vie éternelle qui nous a été promise par Notre Seigneur.
Alors j'ai creusé. Quelle est la fin ultime de l'homme ?
Je suis d'abord tombé là-dessus, dans le catéchisme de Benoït XVI :
"[les Béatitudes] révèlent à l’homme la fin ultime de sa conduite : la béatitude éternelle." (n° 360)
Puis plus loin (n° 362) : [la béatitude éternelle] est la vision de Dieu dans la vie éternelle, où nous serons pleinement « participants de la nature divine » (2 P 1,4), de la gloire du Christ et de la jouissance de la vie trinitaire. La béatitude dépasse les capacités humaines. Elle est un don surnaturel et gratuit de Dieu, comme la grâce qui y conduit. La béatitude promise nous place devant des choix moraux décisifs concernant les biens terrestres, nous incitant à aimer Dieu par-dessus tout.
On y retrouve la notion de gratuité des dons surnaturels, en cohérence avec les papes précédents, mais on y trouve quand même qu'il s'agit de notre fin ultime, ce que les papes n'ont d'ailleurs pas condamné. L'ex-abbé Ratzinger étant considéré comme "moderniste" à l'époque, je suis allé voir ailleurs.
Or que trouve-t-on chez Saint Thomas d'Aquin ?
La fin ultime est-elle la même pour tous les hommes?
Saint Thomas cite saint Augustin : "Tous les hommes se rejoignent dans le désir d'une fin ultime, qui est la béatitude."
La béatitude consiste-t-elle dans la vision de l'essence divine?
Réponse : La béatitude ultime et parfaite ne peut être que dans la vision de l'essence divine. (...) Donc, si l'intellect humain, connaissant l'essence d'un effet créé, ne connaît de Dieu rien d'autre que son existence, il n'est pas assez parfait pour atteindre véritablement à la cause première; mais il garde le désir naturel de découvrir cette cause. Aussi n'est-il pas encore parfaitement heureux. Il est donc requis pour la parfaite béatitude que l'intellect atteigne à l'essence même de la cause première. Et ainsi il possédera la perfection en s'unissant à Dieu comme à son objet, en qui seul consiste la béatitude, comme nous l'avons dit récemment.
Enfin : L'homme peut-il acquérir la béatitude par ses forces naturelles?
"La béatitude imparfaite que l'on peut avoir ici-bas peut être acquise par l'homme avec ses seules forces naturelles, de la même manière que la vertu dont l'opération constitue cette béatitude, ce dont nous aurons à parler plus loin. Mais la béatitude parfaite de l'hommè consiste, comme il a été dit dans la vision de l'essence divine. Or, voir Dieu dans son essence dépasse non seulement la nature de l'homme, mais celle de toute créature, comme nous l'avons montré dans la première Partie. En effet, la connaissance naturelle de chaque créature est conforme à la modalité de sa substance, ce qui a fait dire de l'intelligence, dans le livre Des Causes, "qu'elle connaît ce qui est au-dessus d'elle Selon le mode de sa substance". Or toute connaissance réduite au mode de la substance créée est impuissante à voir l'essence divine, puisque celle-ci dépasse infiniment toute substance créée. Donc ni l'homme ni aucune créature ne peut acquérir la suprême béatitude par ses forces naturelles."
Mes questions sont donc les suivantes :
- Comment peut-on affirmer que la fin ultime de l'homme ne réside pas dans la vie éternelle ?
- Quelles serait cette fameuse "double finalité" de l'homme ?
- Par surnaturalisme, de quelle hérésie parle donc l'auteur et quel est le rapport entre tout cela et la "paraysie politique des catholiques" ?
Je crois deviner qu'il doit y avoir une subtilité du genre le distingo fin première/fin seconde, et qu'il est condamnable de ne se focaliser que sur l'au-delà si l'on néglige les choses de la terre, ce qui serait exact puisque la vie éternelle commence dès ici bas. J'aurais aimé que l'auteur qualifiât plus précisément ce qu'il condamne et, surtout, en quoi il serait moderniste de n'avoir pour seule fin ultime que la vie éternelle, alors que l'on observerait plutôt le contraire de nos jours, y compris chez nos clercs : il y a un souci de la paix sociale et du vivre-ensemble et un oubli total du salut des âmes.
Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel.
Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici.
D'avance, merci !