Bonjour Aigle,
Avant comme après Nice, je (me) pose souvent les questions suivantes :
1. Qu'est-ce que le dialogue ? Quels sont ses fondements, son contenu, ses dimensions, sa direction ? A quoi est-il subordonné ou, en d'autres termes, par quoi est-il supervisé ? Qu'est-ce qui, à la fois au-dessus et au-dedans de lui, est régulateur du dialogue ?
2. Est-il permis, ou proscrit, de distinguer
- entre le dialogue interreligieux, en ce qu'il peut avoir de plus attentif, mais aussi de plus clarifiant et de plus exigeant,
- et la conception ou la pratique dominante du dialogue interreligieux, à tendances confusionnistes et consensualistes ?
3. Le dialogue interreligieux consiste à dire quoi, mais aussi à taire quoi, non seulement dans le cadre de ce dialogue lui-même, mais aussi dans celui du dialogue ou, en tout cas, des relations, entre les catholiques ?
4. En effet, qui ne voit que la polarisation contemporaine, dans l'acception chronologique et dans l'acception axiologique de ce terme, sur le dialogue, n'est pas dépourvue d'une alimentation en retour, d'une boucle de rétroaction intra-ecclésiale, porteuse d'un effet d'éviction ou d'omission, qui aboutit à ce que plus on parle du dialogue, plus on recourt au dialogue, et moins on parle d'autres choses, entre catholiques, ou moins on recourt à d'autres choses, en direction des non chrétiens ?
5. A force de dialoguer, n'allons-nous finir par perdre de vue le fait
- que le seul vrai Dieu est Père, Fils, Esprit,
- que la religion chrétienne est la seule dépositaire de la plénitude de la révélation divine,
- que les croyants chrétiens ont vocation à annoncer Jésus-Christ en tant que seul Médiateur et seul Rédempteur, en tant que seul Seigneur et seul Sauveur, et ne sont nullement dispensés d'annonce, sous prétexte qu'ils dialoguent,
- que les croyants non chrétiens ont vocation, si je puis m'exprimer ainsi, à ne pas faire entrave, à ne faire obstacle, à l'ouverture de leur âme, de leur coeur, de leur esprit, de leur vie, sur une perspective de conversion, par et vers Jésus-Christ, et ne sont nullement dispensés de conversion, sous prétexte qu'ils sont croyants ?
6. Quand les catholiques pratiquants, quand les fidèles catholiques, auront-ils droit, au sein-même de l'Eglise, à un dialogue sur le dialogue, à un dialogue, entre eux et les clercs, sur les mérites et les limites du dialogue ? Quand les catholiques auront-ils la possibilité de faire remarquer, sans se faire traiter de pélagiens, de pharisiens, de docteurs de la foi ou de la loi, que si nous continuons à évoluer, à nous orienter, comme nous avons commencé à le faire, bien plus, d'ailleurs, depuis le début ou le milieu des années 1980 que depuis le début ou le milieu des années 1960, en ce qui concerne le dialogue interreligieux, nous allons finir par transformer ce qu'il est convenu d'appeler le dialogue en une fin en soi, susceptible de s'auto-alimenter et de s'auto-légitimer, à grands renforts de commémorations actualisatrices de telles ou telles journées de dialogue, de prière, ou de rencontres ?
Bonne journée.
Scrutator.