Vous dites qu'il ne faut pas raisonner sur des cas particuliers, et il me semble que vous justifiez le "par coeur (=par mémoire à remplir)" par les cas particuliers de ceux qui ne peuvent avori accès à autre chose.
Un inspecteur de l'éducation nationale nous avait parlé (Congrès des apprentissages précoces - Bruxelles 1987) de ses expériences en banlieu parisienne, dans les classes à majorité d'enfants non francophones en famille. Elle concluait, nombreux cas à l'appui, que 50 % des enfants étaient capables de lire, couramment lire, à 5 ans. Il se trouve qu'une expérience d'ordinateurs en jardin d'enfants avait conduit à un apprentissage non "par listes (de lettres, de mot, de global ou autres)", mais par intérêt, par initiatives des enfants qui avaient employé les claviers d'une manière non prévue par le protocole pédagogique.
Alors, prétendre mettre un âge de cursus scolaire est idiot.
Il y a une facilité qui dit que 80 % des enfants sont capables de lire à 6 ans, donc on interdit aux autres d'apprendre avant. Cela change, heureusement. Je ne dis pas pour autant que tout va pour le mieux, ni vers un meilleur général.
J'ai aussi connue une surdouée évidente qui ne savait pas lire à 8 ans, alors que son frère jumeau lisait couramment à 4 ans.
- Papa, puis-je aller en voyage scolaire avec James ?
- Non ma fille, tu ne sais pas lire, ce ne serait pas prudent.
- Mais Papa, si je savais lire ?
- Alors, oui,, mais c'est demain votre voyage...
- Eh bien je saurais demain.
Elle tint son frère éveillé la majeure partie de la nuit... et elle savait lire le lendemain. Constat ahuri du père de voir combien sa gamine avait une tête de mule ! Elle alla donc au voyage. Je tiens l'anecdote de la dame en question.
Vous soulevez ensuite une autre question : qui est celle de ne pas sous-alimenter les enfants, de leur donner assez pour leur capacité. Il est criminel de les dénutrir autant que de les gaver. Si les enfants qui démarrent les classes en dessous de leurs aptitudes réelles sont bloquées en fonction de "normes" (qui ne sont pas droites, mais juste des moyennes de grands nombres), ils apprennent à ne pas s'exercer, car tout est trop simple, déjà possédé par eux. Vient un jour où leur incapacité à étudier se fait rattraper, et là , ils commencent à perdre des résultats. Ce n'est pas d'avoir été "en avance" qui cause cela, c'est de ne pas les avoir cultivés assez.
Oui, ils ont besoin de rejoindre peu à peu leur besoin, le niveau du moment, qui n'est pas linéaire... Mais quelle école sera capable de cela ? Les pédagogies "différentes" du mammouth, certainement ! Et persécutées par le même mammouth en jalousie des réussites...
Passons...
Ensuite vous parlez de tête bien pleine...
Savez-vous que la capacité de la-dite tête varie en fonction de ce qu'elle aime à com-prendre et à ad-prendre ?
Ouvrir une petite graine d'amour d'apprendre, arroser cette graine, l'aider à pousser, à agrandir la connaissance, à structurer les cases où remplir d'autres savoirs, etc. Ensuite, c'est l'aider à construire d'autres modes de structures, pour y ranger d'autres modes de savoirs.
Alors, bien faite ou bien pleine ?
On plante un pépin... et on conduit l'arbre (en taille raisonnée, respectueuse) pour qu'il donne des fruits. On n'accroche pas un sac de fruits aux branches pour espérer que cela fera une récolte.
Si vous stipendez les cloisonnements, je vous suis tout à fait. On a fait de même en religion : c'était de la morale à tout crin, de la morale d'abord, et de la morale seulement. Peut des mystique, peur des envolées. St François de Sales, Ste Thérèse d'Avila, se sont élevés contre ces méthodes, ces mémoires obligées, comme seul mode de prière. "Si vous n'y arrivez pas seul, prenez un livre, mais si l'Esprit vous porte, vous soulève, lâchez ces béquilles et volez avec lui ; on n'empêche pas Dieu, on ne le bloque pas ; ce serait idolâtrie du moyen, et non obéissance libre et donnée à ce que Dieu fait en nous." Mais pour guider une âme de cette sorte, il faut être doué, Ste Thérèse de Lisieux a failli mourir de ses livres jansénistes, à mérites à gagner et autres mesures comptables envers Dieu.
Apprendre une langue à grammaire très éloignée de sa première langue demande aussi une autre liberté : ne pas étudier la grammaire arabe avec notre armoire grammaticale française. Mais écouter, et enregistrer "par coeur" au vrai sens du mot, des phrases, et quand on en connaît assez, on peut décoder la logique propre à cette langue inconnue de nous. Alors de quel "par coeur" parliez-vous ? Celui des listes de conjugaisons ou d'accords de syntaxe, ou celui d'aimer écouter un autre langage pour l'assimiler ?
Adapter cela au catéchisme...
Aux mathématiques,
A la poésie,
à la musique
ou à tout autre transmission de savoirs...
Oui, Marie a joué avec Jésus.
Elle lui a ouvert peu à peu l'âme et le coeur.
Joseph lui a appris les gestes justes.
Marie comprenait les écritures.
Joseph aussi.
Chacun a transmis.
Pas en infligeant une restitution mémorisée d'abord !
Il me semble que votre question porte, non sur l'utilité du "par coeur (au sens mémorisé pour remplir)" dans l'absolu, mais sur l'intérêt de d'abord mémoriser, et ensuite aimer ce qu'on a ingéré.
Je vous réponds, il faut les deux, mais aimer d'abord...
et ensuite alterner, comme on avance le pied gauche, puis le droit... Ã condition de voir qu'on est capable de tenir debout.
L'agilité viendra après le nombre de pas, et le type de parcours pratiqués.
Réciter comme Bernadette, par coeur, des mots qu'on ne comprend pas, mais qu'on aime à dire à la personne qu'on veut honorer, comme on ferait plaisir à sa marraine de lui chanter une petite chanson japonaise ou autre javanaise, est signe qu'on peut soumettre sa cervelle à son coeur. Mais Bernadette ne le faisait pas pour étudier l'exégèse des prières, mais pour parler au Dieu qu'elle aimait servir. Amour d'abord. Recette de mémoire ensuite, pour se dispenser d'emporter des livres, ou des pense-malins dans sa poche.
Je ne sais si j'ai répondu à vos objections.
Mais en tout cas, j'ai été contente de préciser un peu ces choses.
Avec mes bonnes salutations
Glycéra