BENOÎT XVI, LE DERNIER PAPE? "TOUT EST POSSIBLE, REPOND-IL. CE QU’ON NE VOUS A PAS DIT A PROPOS DU LIVRE DE RATZINGER
Mais qui est Pape aujourd'hui et précisément combien y-en-a t-il? La confusion règne en maître et la nouvelle sortie de Benoît XVI - le livre-entretien "Derniers conversations" - au lieu de dissoudre les doutes les multiplie.
Je pars du détail le plus curieux.
Peter Seewald demande à Benoît XVI: «Vous connaissez la prophétie de Malachie, qui au Moyen Age a compilé une liste des papes futurs, tout en prévoyant la fin du monde, ou tout au moins la fin de l'Église. Selon cette liste, la papauté se terminerait avec votre pontificat. ET si vous étiez effectivement le dernier à représenter la figure du pape comme nous l’avons connu jusqu’à ce jour? ".
La réponse de Ratzinger est surprenante: «Pourquoi pas ». Puis, il ajoute même: "Probablement cette prophétie est né dans l’entourage de Saint Philippe Neri" (notez bien qu’il l'appelle «prophétie» et lui donne la caution d’un grand saint et mystique de l'Eglise). Il conclut par une plaisanterie pour alléger, mais ce fut sa réponse.
La RUPTURE
Donc Benoît XVI estime être le dernier pape (pour la fin du monde ou la fin de l'Eglise)? Probablement pas. Alors il envisage - du moins selon la version de l'enquêteur – être le dernier à avoir exercé la papauté comme nous l'avons connu depuis deux mille ans? Peut-être.
Et même cette seconde hypothèse fait sursauter, car il est de foi que la papauté - institution divine- pour l'Eglise ne peut être modifiée par la volonté humaine.
D’ailleurs de quel changement parle-t-on? Y-aurait-il une rupture dans la tradition constante de l'Eglise?
Un autre flash du livre porte dans ce sens. « Vous vous voyez comme le dernier pape du monde ancien » demande de Seewald « ou comme le premier du nouveau?". Réponse: "Je dirais les deux."
Mais qu'est-ce à dire? Que signifient «ancien» et «nouveau» surtout pour quelqu'un comme Benoît XVI, qui a toujours combattu l'interprétation du Concile comme "rupture" d’avec la tradition et a toujours affirmé la continuité comme nécessaire dans l'histoire de l'Église?
À la page 31, Seewald affirme (et le texte a été examiné et approuvé par Benoît XVI) que Ratzinger a posé un «acte révolutionnaire» qui «a changé la papauté comme aucun autre pape des temps modernes."
Cette thèse - qui fait évidemment allusion à l'institution du «pape émérite» - a un lien avec les choses qu'a dit Ratzinger dans ce livre? Oui, à la page 39.
ENIGME
Avant de résumer ce que le Pape Benoît XVI a dit ici, cependant, je dois mentionner que aucun " pape émérite " n'a un jour existé dans l'histoire de l'Eglise et les canonistes ont toujours prétendu qu'il ne peut pas exister, puisque la «papauté» n’est pas un sacrement, comme, au contraire, l'ordination épiscopale. En fait, en deux mille ans, tous ceux qui ont renoncé à la papauté sont retournés à leur état précédent, tandis que les évêques restent évêques, même quand ils n’ont plus la charge d'un diocèse.
Néanmoins, Benoît XVI, dans les derniers jours de son pontificat, allant à l'encontre de tout ce que les canonistes avaient toujours soutenu, a annoncé qu'il allait devenir simplement «pape émérite."
Il n'en a pas expliqué le profile théologie, mais dans son dernier discours, il déclara: «Ma décision de renoncer à l'exercice actif du ministère, et non pas de le révoquer."
Benoît accompagne ces mots d’actes symboliques comme la décision de rester au Vatican, de continuer à s’habiller avec la soutane et la calotte blanches, de garder les armoiries pontificales avec les clefs de saint Pierre et le titre de «Sa Sainteté Benoît XVI".
Tout cela suffisait pour se demander ce qui se passait et s’il avait vraiment renoncé à la papauté. Ce que je fis dans ces colonnes, parce que dans l'intervalle, le canoniste Stefano Violi avait étudié la «Déclaration» de renonciation et était venu à ces conclusions: "(Benoît XVI) renonce au ministerium. Non à la Papauté, selon le libellé de la règle de Boniface VIII; non au munus selon les préceptes du canon 332 § 2, mais au ministerium, ou, comme il le spécifia lors de sa dernière audience, à l’exercice actif du ministère. "
Suite à mes articles, en Février 2014, le correspondant au Vatican Andrea Tornielli, très proche de François, est allé demander à Benoît XVI pourquoi il est devenu pape émérite et la réponse tant attendu fut celle-ci: «Garder la robe blanche et le nom de Benoît est une chose pratique tout simplement. Au moment de la renonciation il n’y avait pas d'autres vêtements disponibles ".
Tornielli claironnat hardiment sur tous les toits le « scoop » qui, cependant, après observation sérieuse, se révélât être une plaisanterie élégante (car n’y avait-il pas de soutanes noires au Vatican?) pour échapper à une question dont Benoît XVI, de toute évidence, ne pouvait pas parler à ce moment.
Et en fait, il en parle aujourd'hui, après trois ans, en expliquant les raisons de ce choix qui n’ont évidemment rien à voir avec les questions vestimentaires.
PÈRE TOUJOURS, TOUJOURS PAPE
Ainsi, dans ce livre récemment publié le pape Ratzinger part d’une réflexion sur les évêques. Quand on décida leur démission à 75 ans, fut établi la figure «d’évêque émérite» parce que – dirent-ils - «Je suis« père »et le reste pour l'éternité. »
Benoît XVI a noté que, même si "un père cesse d'être un père", parce que les enfants sont grands, "il ne cesse pas de l’être, mais il laisse les responsabilités concrètes. Il continue d'être un père dans un sens plus profond, plus intime ".
Par analogie pape Ratzinger fait le même raisonnement à propos du Pape: "s'il a démissionné, il conserve la responsabilité qu’il a recouvert d’une manière plus intérieure, mais pas dans la fonction institutionnelle ».
Ce raisonnement poétique, cependant, est explosif sur le plan théologique, car cela signifie qu'il est et reste lui aussi pape.
Pour comprendre le cadre théologique qui sous-tend la révolutionnaire page de Ratzinger il faut lire le texte retentissant de la conférence que son secrétaire, Mgr. Georg Gaenswein, tenue le 21 mai dernier à l'Université pontificale grégorienne.
SENSATIONNEL
Dans ce discours - "censuré" par les médias, mais que la Curie a accueilli comme une bombe atomique - Don Georg a dit que "après le 11 Février 2013, le ministère du pape ne n’est plus le même que précédemment. Il est et reste le fondement de l'Eglise catholique; et pourtant il est une fondation que Benoît XVI a profondément et durablement transformé durant son pontificat exceptionnel ».
Sa décision a été un «un pas bien pesé, de portée historique millénaire", un "pas que jusqu'alors personne n’avait franchi."
Parce que Benoît XVI "n'a pas abandonné l'Office de Pierre", mais au contraire"l’a renouvelé."
En fait, « il a ajouté à la charge personnelle de succeseur de Pierre, une dimension collégiale et synodale, presque un ministère en commun» et «comprend sa tâche en tant que participation à un tel« ministère pétrinien »... il n'y a donc pas deux papes, mais de facto un ministère élargi – avec un membre actif et un membre contemplatif ».
Jusqu'à cette conférence du 21 mai Bergoglio - qui doit avoir entendu ces choses de Benoît XVI (mais sans bien les comprendre) – expliquait la papauté émérite sur la même ligne: il disait que Benoît avait posé un «acte de gouvernement», il avait seulement renoncé à l'exercice actif et faisait l'analogie avec les évêques émérites.
Mais après le discours de Gaenswein, la court bergoglienne a compris l'ampleur du problème et l'alarme a été déclenchée. Donc, en Juin, de retour d'Arménie, Bergoglio a rejeté l'idée d'un ministère pontifical «partagé».
TORPILLES SUR BENOÎT
Puis, en plein moi d’août, sur "Vatican Insider" (thermomètre de la Curie) est apparue une interview de Tornielli à un important canoniste et ecclésiastique de la Curie qui délégitimait totalement la figure de «pape émérite» parce que «l'unicité de la succession pétrinienne ne reconnaît pas en son sein d’autre distinction ou duplication de rôle ou d’appellation simplement de nature «honorifique» ou «nominaliste». De plus "il ne peut en aucune sorte y avoir de distinction entre le munus et son exercice."
Mais Benoît XVI, dans la plénitude de ses pouvoirs, décidât tout simplement de rester pape et de renoncer seulement à l'exercice actif du ministère. Si sa décision est inacceptable et nulle, cela signifie-t-il que sa démission est nulle aussi ?
Antonio Socci
Poser la question c'est y répondre(NDT)