Pape émérite? Une aberration
Extrait de l’interview accordée par Giuseppe Sciacca à "Vatican Insider" et publiée le 15 août 2016
D. – Que pensez de la dénomination "pape émérite"?
R. – Il semblerait que l’expression “pape émérite” ou “souverain pontife émérite” configure une sorte de pouvoir pontifical caractérisée par une forme supplémentaire d’exercice. Un exercice non identifié, jamais défini dans quelque document doctrinal que ce soit, et incompréhensible, qui aurait été l’objet d’une renonciation. Si l’on suit cette argumentation, une partie du pouvoir pontifical resterait aux mains du pape émérite, même si, dit-on, il ne lui est pas permis de l’exercer. Mais l’interdiction d’exercer ce qui est, par nature, essentiellement libre dans son exercice (la potestas) est un non-sens. Par conséquent on perçoit l’évidente irrationalité de cette thèse et les possibles erreurs d’interprétation qui en découlent.
D. – Est-ce que vous auriez préféré le titre d’"évêque émérite de Rome" pour le pape qui abdique ?
R. – Non, je pense que cette solution serait tout aussi problématique, même si quelques canonistes faisant autorité l’ont défendue : en effet “pape”, “souverain pontife” ou “évêque de Rome” sont pour l’essentiel des synonymes. Le problème est posé non pas par le substantif, “pape” ou “évêque de Rome”, mais par l’adjectif, “émérite”, qui conduit à une sorte de duplication de l’image du pape.
D. – Quelle est l’hypothèse que vous auriez préférée ou que vous voudriez suggérer ?
R. – Avant tout, je voudrais affirmer ceci : je ne fais pas partie de ceux qui souhaitent que la renonciation au souverain pontificat devienne quelque chose d’habituel. Au contraire ! En guise de pure hypothèse de travail, si nous voulons préfigurer pour le souverain pontife qui abdiquerait un éventuel projet législatif pour l’avenir, il me semble que la solution la plus correcte consisterait à lui conférer le titre d’“ancien souverain pontife”. Une autre solution consisterait à prévoir que le nouveau pape réintègre le pape démissionnaire au sein du collège cardinalice, dans l’ordre des évêques. Et, afin de souligner le “caractère unique” du nouveau titulaire, dans l’hypothèse où tous les diocèses suburbicaires seraient pourvus d’un évêque, le placer – ad personam – parmi les patriarches orientaux qui sont membres du collège cardinalice. "Salvo meliori judicio", comme nous disons toujours, nous autres consulteurs, en conclusion des avis que nous donnons aux dicastères.
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Traduction française par Antoine de Guitaut, Paris, France.chiesa
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