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Races et nations.
par le torrentiel 2016-08-13 21:36:34
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Cher Maître,

Dans ce message, seul le titre est provocateur, car je trouve que vous employez la bonne méthode en posant des définitions préalables. J'ai essayé de le faire moi-même par un autre biais.


Vos deux premiers points sont justes, mais ils ne contribuent pas bien à dissiper la confusion entre nation et patrie. Ou, si j’essaie de développer votre raisonement, on pourrait dire que la nation est la famille des patriotes. J'ai été planté sur la terre de mes pères par une longue lignée (premier sens de la nation) de laquelle je suis né (nation vient de nascor, je ne l'ignorais pas). La nation est mon lignage et la patrie ma terre. Ma nation peut très bien n'être pas restée dans ma patrie, avoir été contrainte à l'exil, il y a tant de tribulations politiques…

La patrie renvoie aussi au patriarcat, la nation inclut la mère. Pour vous, cette inclusion est preque fortuite. C’est une additionqui fait partie de la famille. Pour moi, elle fonde (ou peu s'en faut) la différence entre patrie et nation.

J'avais coutume de dire il fut un temps que la patrie était aussi paternaliste et clanique que la nation était maternante et clinique.

Votre nation où est comme accidentellement incluse la mère forme une ethnie, on disait autrefois une "race", même pour une famille, ce n'est pas à vous que je l'apprendrai. Et je cite à nouveau Mauriac : "L'individu est le moment d'une race", le rejeton d'une famille, un héritier.

Convoquons encore Maurras dont je crois avoir compris que vous l'aimez moins que moi, bien que je ne sois pas maurrassien: nous naissons débiteurs et héritiers, l'Etat moderne veut faire de nous des déshérités.

L’opposition que je fais entre la patrie-patriarcat et la nation-matriarcat accorde une faveur à la mère, qui veut toujours étendre les droits de la naissance. Elle veut toujours donner naissance à plus d'enfants qu'elle n'en a mis au monde. Elle veut garder les enfants des autres. Elle veut en adopter.

Sous ce chef maternel, la nation n'est donc plus familiale ni raciale. La mère ne conserve pas volontiers le patrimoine, non qu'elle soit dépensière, mais elle dépense son amour. La nation naturalise, adopte. Elle l'a fait, même lorsque le père de famille était le chef incontesté de sa domesticité. Aristote parle de "naturalisation" dans le contexte, non de la maison du citoyen père de famille, mais de la cité, précurseur de la nation. Car les grecs avaient une conscience nationale. Ils se savaient appartenir à à l'Achaïe, par opposition aux aux barbares plus encore qu’aux métèques.

Mais c'est assez sur ces deux premiers points. Poursuivons votre raisonnement.




3. Votre manière d'imbriquer la nation dans un espace plus vaste était présentée d’une façon qui m’a suggéré, je ne sais pourquoi, un autre cas de figure. penser à un autre problème.

Supposons qu'au lieu d'appartenir à un espace plus vaste dans lequel la nation trouve plus ou moins harmonieusement à poser ses limites et à établir ses limes, la nation lute pour la terre avec d'autres nations qui se la disputent. Il en résulte un autre ensemble. Cet ensemble est binational. La binationalité est impossible dans le citoyen, possible pour fixer le partage d’une patrie. Possible, bien que fort incommode.

Ce cas de figure est celui que j'ai vu en Israël-Palestine, où toute solution qui proposerait une partition est vouée à l'échec. Ce territoire n'a d'avenir que par un Etat binational.

Mais vous allez m’objecter que l’Etat n’est pas la seule solution. Vous allez regretter la prééminence de l'Etat, et vous aurez raison.


4. Raison de dire que les problèmes commencent avec l'Etat-nation, alors que la plupart des souverainistes ont tout dit quand ils ont porté ce modèle au pinacle, dans lequel devrait se réaliser la souveraineté partout dans le monde.

L'Etat-nation est étranger à bien des ères de civilisation, au premier rang desquelles l'islamet son agitation, mais l’islam est en partie agité parce que nous voulons lui importer un modèle qui n'est pas fait pour lui, et que le kalifat n'unifiera jamais la nation musulmane.

-RAison de rappeler que " L'Etat est une forme parmi d'autres d'autorité civile", qui voudrait devenir légitimatrice, sous prétexte que l'Etat est protecteur. La féodalité était protectrice ele aussi, mais je ne crois pas que l'on puisse en faire un terme générique come de l'Etat. Dans la féodalité, on se recomandait à quelqu'un. Autant de féodaux, autant de relations. Le papisme remplaçant le césarisme faisait l'unité spirituelle d'une chrétienté qui n'était pas un Empire, mais un ensemble de féodalités, puis de nations se reconnaissant une dette envers l'autorité spirituelle, une sorte de féodalité dont le pape était le suzerain bien qu’il ne portât pas les armes, on les portait pour lui. Princes chrétiens et chevaliers combattaient pour celui qui combattait pourla foi.

Cet équilibre, l'Etat moderne l’a bouleversé, et est venu le remplacer par un nouveau césarisme. J'aimais bien la pirrouette de Jean Madiran, disant que, de son point de vue, le "Rendez à César" devait s'interpréter par: "Tout est à Dieu", alors que l’Etat moderne croit que tout est à César.

Je reconstitue le syllogisme, car il est drôle:

-Le chrétien hostile à une laïcité de séparation des pouvoirs dit: "Rendez à César ce qui est à césar et à Dieu ce qui est à Dieu. Or César est à Dieu. Donc tout est à Dieu." Donc rendez tout à dieu, n’ajoutait pas Jean Madiran.

Le moderne ne peut pas dire que Dieu est à césar, il est coincé. Alors César confisque les biens de Dieu et s'en fait le gestionnaire inflexible.

Un mot sur les deux césarismes, l'ancien et le moderne, le romain et l'étatique. Ils sont plus parents qu'on ne veut bien le voir.

Souvent notre bonapartisme conscient ou inconscient se borne à faire consister l'Empire dans la fonction militaire de son chef, "le général en chef". C'est voir l'Empire par l'Empereur, c'est-à-dire par le petit côté personnel, ou par le côté du petit personnel, fût-il empereur. Comme disait encore Maurras, si le prince n'est pas le principe, il cesse de nous intéresser.

L'Empire venait de la république romaine, comme l'Etat se pose comme la base de la domination démocratique mondiale, visant en principe à "égaliser les conditions", le socialisme apportant à cette égalisation une touche de légalisation souvent difficile à supporter. L'empire vient de la république, et l'Etat moderne et républiqain crée un nouvel empire.

L’empire est une passion républicaine. Cela s’est vérifié de la République romaine à l’Etat moderne, en passant par Bonaparte qui a sincèrement voulu répandre les idées de la révolution et qui comença par en être un bon serviteur avant de vouloir créer une nouvelle féodalité sans foi, mais avec beaucoup de lois et de code civil.


5. Il ne faut pas confondre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel,concluez-vous. L’humanité aspire à faire monde, mais seule l’Église peut faire corps. Mon premier poste le montre, je suis indécis sur le sujet. Je présenterai sur ce dernier point un argument contre votre position et un argument en sa faveur, qui me paraît d’ailleurs plus décisif.

Mon argument contre reprend l’idée de Benoît XVI ou la reformule : les nations sont la conséquence du péché des hommes. Or on peut et même on doit réparer un péché. Donc on doit instituer une autorité mondiale pour assurer plus de justice entre les nations.

Et maintenant, mon argument favorable à votre position : le monde ne peut s’unifier que sous un empire. Or le système d’unification impériale est paressence antichrétien, ou plus exactement contraire au mode d’unification chrétienne. Le christianisme unifie de façon monarchique. Le christianisme est une royauté, le monde est impérial.

Je vois cela, mais ne suis pas certain de vouloir en tirer les conséquences intellectuelles et politiques. Je ne sais pas si vous-même le voyez, ni quelles conséquences vous en tirez.

Je vous remercie pour votre message, qui m’a permis de clarifier mes idées pour mieux les porter au débat.


Le torrentiel

     

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