Mettre sur le même plan l’antiliturgie monstrueuse, comme il l’écrit lui-même, imaginée par deux psychopathes islamistes, avec l’éloge du bourreau de Joseph de Maistre, il fallait oser. L’abbé de Tanouärn l’a fait. Le bourreau chez Maistre est le bras de la « justice transcendante », l’agent en quelque sorte du châtiment du « coupable ». Ce n’est pas le bourreau au sens large qui méconnait la sainteté de la victime. Que contresens ! Le bourreau de Joseph de Maistre implique l’acceptation de la peine de mort. Il est chargé de l'exécution du coupable, rétablissant ainsi l'équilibre entre la Justice et la Miséricorde. Il écrit par exemple : « Malheur à la nation qui abolirait les supplices, car la dette de chaque coupable ne cessant de retomber sur la nation, celle-ci serait forcée de payer sans miséricorde, et pourrait même à la fin se voir traiter comme insolvable selon toute la rigueur des lois ».
Pour lutter contre l’islamisme il faudrait déjà réhabiliter l’idée du bourreau au sens où l’entend Maistre, du moins sa théorie pénale.
Voici un extrait du fameux « éloge », tiré des Soirées de Saint-Pétersbourg :
« Je vous crois trop accoutumés à réfléchir, messieurs, pour qu’il ne vous soit pas arrivé souvent de méditer sur le bourreau. Qu’est-ce donc que cet être inexplicable qui a préféré à tous les métiers agréables, lucratifs, honnêtes et même honorables qui se présentent en foule à la force ou à la dextérité humaine, celui de tourmenter et de mettre à mort ses semblables ? Cette tête, ce coeur sont-ils faits comme les nôtres ? ne contiennent-ils rien de particulier et d’étranger à notre nature ?
Pour moi, je n’en sais pas douter. Il est fait comme nous extérieurement ; il naît comme nous ; mais c’est un être extraordinaire, et, pour qu’il existe dans la famille humaine, il faut un décret particulier, un FIAT de la puissance créatrice.
Il est créé comme un monde. Voyez ce qu’il est dans l’opinion des hommes, et comprenez, si vous pouvez, comment il peut ignorer cette opinion ou l’affronter. A peine l’autorité a-t-elle désigné sa demeure, à peine a-t-il pris possession, que les autres habitations reculent jusqu’à ce qu’elles ne voient plus la sienne. C’est au milieu de cette solitude et de cette espèce de vide formé autour de lui qu’il vit seul avec sa femelle et ses petits, qui lui font connaître la voix de l’homme : sans eux il n’en connaîtrait que les gémissements…
Un signal lugubre est donné ; un ministre abject de la justice vient frapper à sa porte et l’avertir qu’on a besoin de lui : il part ; il arrive sur une place publique couverte d’une foule pressée et palpitante. On lui jette un empoisonneur, un parricide, un sacrilège : il le saisit, il l’étend, il le lie sur une croix horizontale, il lève le bras : alors il se fait un silence horrible, et l’on n’entend plus que le cri des os qui éclatent sous la barre, et les hurlements de la victime. Il la détache ; il la porte sur une roue : les membres fracassés s’enlacent dans les rayons ; la tête pend ; les cheveux se hérissent et la bouche, ouverte comme une fournaise, n’envoie plus par intervalles qu’un petit nombre de paroles sanglantes qui appellent la mort.
Il a fini : le coeur lui bat, mais c’est de joie ; il s’applaudit, il dit dans son coeur : Nul ne roue mieux que moi. Il descend : il tend sa main souillée de sang, et la justice y jette de loin quelques pièces d’or qu’il emporte à travers une double haie d’hommes écartés par l’horreur. Il se met à table, et il mange ; au lit ensuite, et il dort. Et le lendemain, en s’éveillant, il songe à tout autre chose qu’à ce qu’il a fait la veille.
Est-ce un homme ? Oui : Dieu le reçoit dans ses temples et lui permet de prier. Il n’est pas criminel ; cependant aucune langue ne consent à dire, par exemple, qu’il est vertueux, qu’il est honnête homme, qu’il est estimable, etc. Nul éloge moral ne peut lui convenir, car tous supposent des rapports avec les hommes, et il n’en a point.
Et cependant toute grandeur, toute puissance, toute subordination repose sur l’exécuteur : il est l’horreur et le lien de l’association humaine. Otez du monde cet agent incompréhensible ; dans l’instant même l’ordre fait place au chaos, les trônes s’abîment et la société disparaît. Dieu, qui est l’auteur de la souveraineté, l’est donc aussi du châtiment : il a jeté notre terre sur ces deux pôles, car Jêhovah est le maître des deux pôles, et sur eux il fait tourner le monde.
Il y a donc dans le cercle temporel une loi divine et visible pour la punition du crime ; et cette loi, aussi stable que la société qu’elle fait subsister, est exécutée invariablement depuis l’origine des choses : le mal étant sur la terre, il agit constamment ; et par une conséquence nécessaire, il doit être constamment réprimé par le châtiment ; et, en effet, nous voyons sur toute la surface du globe une action constante de tous les gouvernements pour arrêter ou punir les attentats du crime : le glaive de la justice n’a point de fourreau ; toujours il doit menacer ou frapper.
Qu’est-ce donc qu’on veut dire lorsqu’on se plaint de l’impunité du crime ? Pour qui sont le knout, les gibets, les roues et les bûchers ? Pour le crime apparemment. Les erreurs des tribunaux sont des exceptions qui n’ébranlent point la règle : j’ai d’ailleurs plusieurs réflexions à vous proposer sur ce point. En premier lieu, ces erreurs fatales sont bien moins fréquentes qu’on ne l’imagine : l’opinion étant, pour peu qu’il soit permis de douter, toujours contraire à l’autorité, l’oreille du public accueille avec avidité les moindres bruits qui supposent un meurtre judiciaire ; mille passions individuelles peuvent se joindre à cette inclination générale ; mais, j’en atteste votre longue expérience, M. le sénateur, c’est une chose excessivement rare qu’un tribunal homicide par passion ou par erreur.