et n'a rien empêché, mais elle a tout décrit.
C'est en la lisant que j'ai découvert que j'étais moderniste sans le savoir, alors que j'avais toujours trouvé cette catégorie indigente (comme "le politiquement correct" sur lequel je n'ai pas changé d'avis), jusqu'à ce que je fasse mienne l'explication qu'en donnait Yves-Marie Adeline dans Le pouvoir légitime: le modernisme est à relier, non pas à la modernité, mais à la subjectivité et à son "modus", qui devient la mesure de croyances millénaires, y compris le dépôt de la foi, en quoi il y a bien eu une révolution moderniste.
Saint Pie X a très bien montré que "l'immanence vitale" était capable de produire des formulations et des propositions religieuses, non pas en fonction de l'objectivité d'un "proposé à croire" résumant le dépôt de la foi, mais en fonction du besoin de croire qu'avait le peuple de Dieu, le "sensus fidei" devenant un "sensus religiosus".
Dès lors, il faut rappeler que, dans l'entretien accordé par François à la "civilita catholica", et où il indiquait à la revue jésuite quel serait l'esprit de son pontificat, le pape proposait un transfert de l'infaillibilité pontificale de sa personne au "sensus fidei" du peuple de Dieu, moins instance de contrôle de la conformité doctrinale qu'instance permettant de favoriser le développement interne du dogme en fonction des besoins de croire du peuple de Dieu: je ne crois pas beaucoup forcer la pensée du pape.
On peut légitimement se demander si la libre appréciation laissée à la créativité spirituel du peuple de Dieu et à sa capacité de sécréter ses propres croyances est un développement interne du dogme ou une trahison de celui-ci. Les traditionalistes penchent pour la seconde hypothèse. En lisant "Pascendi", j'ai compris pourquoi ils m'intéressaient. Ils m'expliquent d'où je viens.
Et ils sont fondés à dire qu'on leur a changé la religion, ou qu'ils ne peuvent se reconnaître dans une Église qui avait réalisé le modernisme pourtant condamné par un pape, preuve que le magistère évolue en théorie ou en pratique. Ils sont même fondés à se demander s'ils peuvent réintégrer la pleine communion d'une Église qui n'a peut-être plus la même foi qu'eux. ET si le combat est si rude entre les traditionalistes et la majorité de l'Église (ou "l'Église bolchévique" dont je fais partie), c'est que celle-ci ne veut pas affronter la question que lui renvoient les traditionalistes: a-t-on changé la religion et, si oui, avait-on le droit de le faire?
Je verserai encore deux idées à ce message.
-Comment comprendre que la créativité spirituelle amenée par le modernisme, ou la liquéfaction des relations du croyant avec un dieu liquide (certains d'entre vous diraient "la liquidation de la foi") soit alée de paire avec un assèchement théologique, déconnectant si bien "le Jésus de l'histoire" du "Christ de la foi", malgré l'interdiction de saint Pie X de faire cette distinction, que les historiens seraient des témoins plus fiables de la véracité des Paroles du Christ que les évangélistes qui les ont compilées ou que ceux qui les ont reçues par tradition orale? (C'est également vrai de l'exégèse de l'Ancien Testament).
La théologie issue du modernisme n'est pas beaucoup plus attirante qu'un catéchisme positiviste. y a-t-il un lien entre l'assèchement de la théologie par la science et l'humidification de la foi par un recours à l'immanence vitale?
-Chaque fois que j'ai conseillé la lecture de "Pascendi" à tel de mes amis prêtres lettré, je me suis aperçu qu'il ne connaissait pas l'encyclique et que sa lecture le rebutait. Comment expliquer la conspiration du silence qui entoure "Pascendi", alors même que cette encyclique permet d'observer comment la résistance à un phénomène bien décrit ne permet pas de l'endiguer, et permet aux croyants d'hier et d'aujourd'hui de se conaître ? Les prêtres que rebute la lecture de "Pascendi" savent-ils seulement que cette encyclique leur faisait un devoir de prêter un "serment antimoderniste"? Quand, par qui et pourquoi cette prestation de serment a-t-elle été abrogée?
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