Conclusion du livre III : direction des contemplatifs
1576. D) Ce serait une illusion plus grave ençore de s'imaginer que la contemplation confère le privilège de l'impeccabilité. L'histoire montre que les faux mystiques qui, comme les Béghards et les Quiétistes, se croyaient impeccables, sont tombés dans les vices les plus grossiers. Ste Thérèse insiste constamment sur la nécessité de la vigilance pour éviter le péché, même quand on est arrivé aux plus hauts degrés de la contemplation ; et S. Philippe de Néri disait souvent : « Mon Dieu, méfiez-vous de Philippe, autrement il vous trahirait ». Nous ne pouvons en effet persévérer longtemps sans une grâce spéciale ; or cette grâce est accordée aux humbles qui se défient d'eux-mêmes et mettent toute leur confiance en Dieu.
1577. 3° Il faut donc prévoir le cas où des âmes contemplatives tomberaient dans le péché. Ces chutes peuvent provenir de plusieurs causes : a) L'âme avait été élevée à la contemplation avant d'avoir suffisamment maîtrisé ses passions ; au lieu de continuer vigoureusement la lutte, elle s'est endormie dans un doux repos ; de violentes tentations ont surgi, et, trop confiante en elle-même, elle a succombé. Le remède, c'est la componction, c'est le retour à Dieu avec un cœur contrit et humilié, c'est une longue et laborieuse pénitence : plus on est tombé de haut, et plus il faut d' « efforts humbles et constants pour remonter la pente et revenir aux sommets. Il appartient au directeur de le lui rappeler sans cesse avec bonté et fermeté. b) Il est des contemplatifs qui avaient lutté vigoureusement pour dominer leurs tendances mauvaises ; ils y avaient réussi ; mais s'imaginant que la lutte est finie, ils ralentissent leurs efforts, manquent de générosité dans l'accomplissement de certains devoirs considérés comme moins importants ; c'est une sorte de relâchement progressif, qui pourrait engendrer la tiédeur. Il importe d'enrayer ce mouvement rétrograde, en leur rappelant que plus le Bon Dieu se montre généreux à leur égard, et plus ils doivent redoubler de ferveur ; que les moindres négligences dans les amis de Dieu blessent au vif Celui qui leur prodigue ses faveurs. Qu'on lise dans l'auto-biographie de Ste Marguerite-Marie les reproches sévères que Notre Seigneur lui adressait pour la corriger de ses moindres infidélités, de ses manques de respect et d'attention dans le temps de l'office et de l'oraison, des défauts de droiture et de pureté en ses intentions, de la vaine curiosité, des moindres manquements à l'obéissance, même en vue de s'infliger plus d'austérités ; et qu'on s'inspire de ces reproches pour ramener ces âmes à la ferveur.
1578. c) D'autres s'attendaient à ne trouver dans la contemplation, après les premières épreuves passives, que suavité et goûts divins. Or en réalité Dieu continue de leur envoyer alternativement des désolations et des consolations, afin de les sanctifier d'une façon plus efficace. Elles se découragent et sont exposées au relâchement et à ses suites. Le grand remède, c'est de leur inculquer sans cesse l' amour de la croix, non que la croix soit aimable en elle-même, mais parce qu'elle nous rend plus conformes à Jésus crucifié. D'ailleurs, disait le Bx Curé d'Ars, « la croix est le don que Dieu fait à ses amis. Il faut demander l'amour des croix, alors elles deviennent douces. J'en ai fait l'expérience... oh ! j'avais bien des croix, j'en avais presque plus que je n'en pouvais porter ! Je me mis à demander l'amour des croix ; alors je fus heureux... Vraiment il n'y a de bonheur que là » (Monnin, Le Curé d’Ars, l. III, ch. III). Pour tout résumer en un mot, ce que le directeur des âmes contemplatives doit faire, c'est d'étudier les ouvrages et les biographies des mystiques, et de demander le don de conseil, pour ne rien dire à ces âmes qu'après avoir consulté le Saint Esprit.
Source : Précis de Théologie Ascétique et Mystique de Tanquerey,
Desclée and Co, 1923
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde