Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Pas un mot sur Gaudium et Spes ou contre le gaudium-et-spisme ?
par Scrutator Sapientiæ 2016-07-02 09:22:50
Imprimer Imprimer

Bonjour Jean Kinzler,

A tort ou à raison, je ne parlerai pas, ici, de la collégialité, ne serait-ce que parce que je ne souhaite pas que ce qui suit soit trop long ; que l'on ne compte donc pas sur moi pour rappeler dans quelle mesure, plus constatable que contestable, le Concile Vatican II a amplement contribué à faire perdre aux catholiques la connaissance et la compréhension de l'articulation entre l'autorité pontificale, en ce qu'elle a de légitime, et l'autonomie épiscopale, en ce qu'elle est relative.

A. Je peux comprendre que l'on continue, à juste titre, à expliquer en substance que ce que j'appelle le spécifique du Concile (DH, UR, NA, GS) a amplement contribué à faire que bien des catholiques perdent de vue

1 - le sens chrétien de l'articulation entre la liberté humaine dans le domaine religieux et la vérité divine en matière religieuse, alors que l'acception dominante de la liberté religieuse a fait perdre de vue

a) la différence de nature entre liberté et licence, ou entre bon usage et mauvais usage de la liberté, dans le domaine religieux,

b) la primauté de l'autorité de la Parole de Dieu sur l'autonomie de la conscience de l'homme, en matière religieuse,

c) le fait qu'il est incohérent et inconséquent d'être à la fois partisan de la liberté religieuse et non résistant ou non réticent face à un régime athéocratique ou face à un système théocratique ;

2 - la différence de nature entre le véritable oecuménisme et son assimilation ou sa subordination à un unanimisme artificiel, convergentiel, superficiel, qui fonctionne au consensus, à l'émotion, à l'opinion, au sentiment, bien plus qu'à la conversion surnaturelle et théologale des uns et des autres, dans la charité ET la vérité,

3 - la différence de nature entre la coexistence pacifique (la compréhension, la coopération) entre personnes croyantes, qui adhérent à des religions différentes, et sa réduction ou sa soumission à la conception dominante du "dialogue", dans le cadre de laquelle

a) l'Eglise catholique est pour ainsi dire considérée comme "dispensée d'annonce" de Jésus-Christ, en tant que Fils unique du SEUL VRAI Dieu,

b) les croyants non chrétiens sont en quelque sorte considérés comme "dispensés de conversion", sous la conduite et en direction de Jésus-Christ,

c) bien des clercs font ou laissent entendre qu'il existe un principe général d'égalisation axiologique, d'équivaluation éthico-morale, interreligieuse.

B. Je ne comprends pas, en revanche, que Mgr FELLAY ne dise pas un mot sur Gaudium et Spes, ou pas un mot contre le gaudium-et-spisme, c'est-à-dire pas un mot sur et contre les tendances contemporaines

- à la conception puis au déploiement d'une "mystique" de l'accueil inconditionnel, de l'accompagnement humanisateur du monde contemporain, ou de la fraternisation avec le monde contemporain,

- à la déchristianisation, c'est-à-dire à la "naturalisation" ou à la sécularisation du regard et du discours de l'Eglise catholique sur le monde contemporain,

- à la transformation du regard et du discours de l'Eglise catholique sur le monde contemporain en un horizontalisme humanitariste,

- à la transformation du rôle ou du statut de l'Eglise catholique, qui n'est plus Mater et Magistra, mais Soror et Ancilla, et qui n'est plus debout, mais qui est assise, face au monde contemporain.

C. Ce n'est pas la première fois que je suis, que nous sommes, en présence d'un texte de Mgr FELLAY, dans lequel il parle, comme il le fait souvent, de la liberté religieuse, de la collégialité épiscopale, de l'oecuménisme, au sens strict ou au sens large, mais ce n'est pas non plus la première fois que, dans ce type de texte, la dénonciation des limites présentes dans Gaudium et Spes ou des tendances présentes dans le gaudium-et-spisme est absente des réflexions, des remarques, de Mgr FELLAY, ce que je trouve dommageable.

D. J'ai peut-être une approche ou une conception erronée de ce qu'il y a de moins bon, dans les documents du Concile, mais enfin il me semble que ce qu'il y a de massivement moins bon, dans ces documents, réside dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes, notamment et surtout dans la deuxième partie de ce texte, qu'un agnostique humaniste aurait pu écrire, notamment en ce qui concerne "l'essor de la culture" et "la vie de la communauté politique".

E. Il est bon de préciser, de rappeler, le plus clairement et le plus fréquemment possible, en quoi la conception dominante (qui s'efforce d'être plus ou moins à la fois catholique et postmoderne)

- de la liberté dans le domaine religieux,

- de la vérité en matière religieuse,

- du dialogue oecuménique, entre chrétiens,

- du dialogue interreligieuse, entre croyants,

s'inscrit bien plus dans la continuité à l'égard du spécifique du Concile qu'en contradiction avec les textes qui comportent ce spécifique, même si, évidemment, cette continuité est souvent une "continuité dynamique", dans le cadre de laquelle le dépassement, dans l'esprit, l'emporte fréquemment sur la fidélité à la lettre.

F. Mais il est tout aussi bon de préciser, de rappeler, en quoi la conception dominante de ce que doivent ou peuvent être le discours et le regard de l'Eglise catholique sur le monde contemporain découle, même incomplètement ou indirectement, du mode de conception du monde et du mode de relation avec le monde qui ont bénéficié, au sein de Gaudium et Spes, d'une certaine forme de consécration magistérielle.

G. Or, encore une fois, je me trompe peut-être, mais j'ai vraiment l'impression que Mgr FELLAY parle bien moins souvent de Gaudium et Spes, ou du gaudium-et-spisme, que des autres composantes, non "diaboliques", mais déficientes, ou non "hérétiques", mais équivoques, ou encore non "libérales", mais irénistes et lénifiantes, du Concile Vatican II.

H. Je me demande pour terminer jusqu'à quel point la vision selon laquelle le triptyque "Liberté, Egalité, Fraternité" se retrouve à l'intérieur du triptyque "liberté religieuse, collégialité, oecuménisme", ne fait pas passer à côté du quatrième pied de la chaise sur laquelle l'Eglise catholique est assise ou, en tout cas, sur laquelle bien des hommes d'Eglise sont assis, non avant tout depuis Vatican II, mais avant tout depuis 1945, sinon avant, si l'on veut bien se souvenir du fait que toute une théologie ante-conciliaire a précédé au moins une partie du Magistère conciliaire, au moins vingt ans avant la clôture du Concile Vatican II.

I. Je trouve cela d'autant plus dommageable que le problème de la collégialité, au sein de l'Eglise catholique, n'est pas de même gravité, ou pas de même nature, que la "mystique" de la fraternisation avec le monde contemporain dont je parle ci-dessus : il me semble en effet que d'un côté, nous sommes en présence d'un problème d'organisation ou de fonctionnement ad intra, alors que, de l'autre côté, nous sommes en présence d'un problème d'orientation fondamentale ad extra.

J. Que l'on ne me dise pas, enfin, que le gaudium-et-spisme est un mythe inventé par des catholiques, "intransigeants" ou "traditionnels", pour salir ou ternir la réputation du Concile, et non une notion réaliste, alors que c'est la notion de gaudium-et-spisme qui permet de faire comprendre le mieux et le plus en quoi et pourquoi le positionnement "contra-positionnel" du Magistère et de la pastorale de Jean-Paul II et de Benoît XVI, à l'égard du monde contemporain, n'a pas été amplifié ou intégré, en plénitude...au sein même de l'Eglise catholique.

Merci beaucoup pour tout complément ou pour toute correction de ce qui précède, et bien sûr bonne journée.

Scrutator.

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 L’Eglise catholique est la seule vraie,selon mgr Fellay par Jean Kinzler  (2016-07-01 10:22:07)
      Et aussi selon la foi catholique par Jean-Paul PARFU  (2016-07-01 11:27:49)
          Subsistit in - où en est le débat ? par Regnum Galliae  (2016-07-01 14:36:56)
              Note étymologique sur l’expression « subsistit in » par Paterculus  (2016-07-01 21:23:35)
                  Merci pour ces intéressantes précisions par Regnum Galliae  (2016-07-04 09:56:11)
      J'aimerais tant pouvoir.... par Pol  (2016-07-01 11:56:30)
      Sur l'indifférence de l'Etat par PEB  (2016-07-01 19:50:01)
      Pas un mot sur Gaudium et Spes ou contre le gaudium-et-spisme ? par Scrutator Sapientiæ  (2016-07-02 09:22:50)
      "L’Eglise catholique est la seule vraie religion" : mal dit ? par Scrutator Sapientiæ  (2016-07-03 10:30:57)


210 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]