CHAPITRE III
Phénomènes mystiques extraordinaires
B) Règles concernant l'objet des révélations.
1501. C'est de ce côté surtout qu'il faut faire porter son attention : car toute révélation contraire à la foi ou aux bonnes mœurs, doit être impitoyablement rejetée, d'après l'enseignement unanime des Docteurs, fondé sur cette paroles de S. Paul : « Quand nous-mêmes, quand un ange venu du ciel vous annoncerait un autre Evangile que celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème » (Galat. I, 8). Dieu ne peut en effet se contredire, ni révéler des choses contraires à ce qu'il nous enseigne par son Eglise. De là un certain nombre de règles que nous allons rappeler. a) Il faut regarder comme fausse toute révélation privée en contradiction avec une vérité de foi : telles sont, par exemple, les prétendues révélations spirites qui nient plusieurs de nos dogmes, en particulier l'éternité des peines de l'enfer. Il en est de même, si elles sont opposées à l'enseignement unanime des Pères et Théologiens, qui est une des formes du magistère ordinaire de l'Eglise. S'il s'agit d'une opinion controversée entre théologiens, il faut tenir en suspicion toute révélation qui prétendrait en donner la solution, par exemple, qui trancherait la controverse entre thomistes et molinistes : Dieu n'a pas coutume de se prononcer sur des questions de ce genre.
1502. b) On doit rejeter aussi toute vision qui serait contraire aux lois de la morale ou de la décence : par exemple, des apparitions de formes humaines sans vêtements, un langage trivial ou immodeste, des descriptions minutieuses ou détaillées de vices honteux, qui ne peuvent qu'offenser la pudeur . Dieu, qui ne fait de révélations que pour le bien des âmes, ne peut évidemment être l'auteur de celles qui sont de nature à porter au vice. C'est en vertu du même principe que sont suspectes les apparitions qui manquent de dignité, de réserve, à plus forte raison toutes celles où éclate le ridicule ; ce dernier trait est la marque des contrefaçons humaines ou diaboliques : telles furent les manifestations du cimetière de Saint-Médard. c) On ne peut admettre non plus comme venant de Dieu des requêtes impossibles à réaliser, en tenant compte des lois providentielles et des miracles que Dieu a coutume de faire : Dieu ne demande pas en effet l'impossible .
C) Règles concernant les effets produits par les révélations.
1503. On juge l’arbre à ses fruits ; on peut donc juger des révélations par les effets qu'elles produisent dans l'âme. a) D'après S. Ignace et Ste Thérèse, la vision divine produit au début un sentiment d'étonnement et de crainte,bientôt suivi d'un sentiment profond et durable de paix, de joie et de sécurité. C'est le contraire pour les visions diaboliques ; si d'abord elles causent de la joie, elles produisent vite du trouble, de la tristesse, du découragement ; c'est par là en effet que le démon fait tomber les âmes.
1504. b) Les vraies révélations affermissent l'âme dans les vertus d'humilité, d'obéissance, de patience, de conformité à la volonté divine ; les fausses engendrent l'orgueil, la présomption, la désobéissance. Écoutons Ste Thérèse : « Cette grâce apporte avec elle, en un très haut degré, la confusion et l'humilité ; tandis que l'action du démon laisserait des effets tout contraires. Il est si manifeste qu'elle vient de Dieu… que l'âme ainsi favorisée se trouve dans l'impossibilité absolue d'y voir un bien qui lui soit propre : il est clair pour elle que c'est un don divin... Les trésors dont cette grâce enrichit l'âme, et les effets intérieurs qu'elle produit ne permettent pas de l'attribuer à la mélancolie. Le démon non plus ne pourrait procurer un si grand bien ; l'âme ne sentirait pas une paix si profonde, des désirs si constants de plaire à Dieu, un si grand mépris de tout ce qui ne la mène pas à lui ». (Château, 6e Dem., ch. VIII, p. 242-243).
Source : Précis de Théologie Ascétique et Mystique de Tanquerey,
Desclée and Co, 1923
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde