I. Nature de l'union transformante
Signalons : 1° ses principaux caractères ; 2° la description qu'en fait Ste Thérèse.
1470. 1° Ses principaux caractères sont l'intimité, la sérénité, l'indissolubilité.
A) L'intimité. C'est parce que cette union est plus intime que les autres qu'elle s'appelle mariage spirituel ; entre époux plus de secrets : c'est la fusion de deux vies en une seule. Or telle est l'union qui existe entre l'âme et Dieu ; Ste Thérèse l'explique par une comparaison : « On dirait l'eau du ciel qui tombe dans une rivière... et qui se confond tellement avec elle qu'on ne peut plus ni les diviser, ni distinguer quelle est l'eau de la rivière et quelle est l'eau du ciel » (Château, 7e Dem., ch. II,p. 287). B) La sérénité : en cet état, plus d'extases ni de ravissements, ou du moins fort peu ; c'étaient là des faiblesses, des défaillances qui ont disparu presque totalement, pour faire place à cet état d'âme paisible et calme dans lequel se trouvent deux époux assurés désormais de leur amour mutuel. C) L'indissolubilité : les autres unions n'étaient que transitoires ; celle-ci devient de sa nature permanente comme l'est le mariage chrétien.
1471. Est-ce que cette indissolubilité entraîne l'impeccabilité ? Il y a là-dessus une différence de vues entre S. Jean de la Croix et Ste Thérèse. Le premier pense que l'âme est alors confirmée en grâce : « A mon avis, l'âme ne peut jamais être mise en possession de cet état, sans se trouver en même temps confirmée en grâce… Elle n'a plus à redouter ni tentations, ni troubles, ni chagrins, et oublie toutes ses sollicitudes et ses soucis » (Cantique spirituel, str. XXII). Ste Thérèse est loin d'être aussi affirmative : « Toutes les fois que je dis que l'âme est en assurance, cela doit s'entendre : aussi longtemps que la divine Majesté la tiendra dans la main et qu'elle-même ne l'offensera pas. Je sais du moins, à n'en point douter, que la personne en question, bien qu'arrivée à cet état et y persévérant depuis des années, ne se croit pas en assurance » (Château, 7e Dem., ch. II, p. 290-291). Il nous semble que le langage de ste Thérèse est plus conforme à celui de la théologie, qui nous enseigne que la grâce de la persévérance finale ne peut se mériter ; pour être assuré de son salut, il faudrait donc une révélation spéciale portant non seulement sur l’état de grâce présent, mais encore sur la persévérance en cet état jusqu'à la mort.
1472. 2° La description de Ste Thérèse contient deux apparitions, l'une de Notre Seigneur et l’autre de la Sainte Trinité.
A) C'est Jésus qui introduit l'âme dans cette dernière demeure par une double vision : l’une imaginaire, l'autre intellectuelle. a) Dans une vision imaginaire, qui eut lieu après la communion, il apparut à la Sainte « dans une splendeur, une beauté, une majesté admirables, tel qu'il était après sa résurrection » (Château, 7e Dem., ch. II, p. 284). « Il lui dit qu'il était temps qu'elle fît de ses intérêts à lui ses intérêts propres, et qu'Il prendrait soin de ce qui la concernait » ... « Désormais tu auras soin de mon honneur, non seulement parce que je suis ton Créateur, ton Roi et ton Dieu, mais encore parce que tu es ma véritable épouse. Mon honneur est le tien, et ton honneur est le mien » (Relation XXV, t. II des Œuvres, p. 246). b) Vient ensuite la vision intellectuelle : « Ce que Dieu communique alors à l'âme en un moment est un si grand secret, une faveur si sublime, et inonde l'âme de si excessives délices, que je ne sais à quoi les comparer. Je dirai seulement qu'en cet instant le Seigneur daigne lui manifester la béatitude du ciel, par un mode dont la sublimité dépasse celle de toutes les visions et de tous les goûts spirituels. Tout ce que l'on peut dire, c'est que l'âme ou plutôt l'esprit de l'âme, devient, selon qu'on en peut juger, une même chose avec Dieu » (Château, ibid., p. 286).
Source : Précis de Théologie Ascétique et Mystique de Tanquerey,
Desclée and Co, 1923
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde