Vous soulevez un vaste débat, cher Nemo, maintes fois abordé aussi dans ce forum, p.ex. dans ce message d'Eucher (et quelques autres qui suivent), ICI.
Personnellement je ne suis pas opposé radicalement à un maintien des prononciations nationales ; je ne dirais pas "prononciation vulgaire", pour l'opposer à la romaine, car celle-ci est tout aussi vulgaire, vis-à-vis de la prononciation classique, antique, du premier siècle avant et après, qu'on a pu restituer scientifiquement presque dans son intégralité. (Voir certains messages dans le fil relayé).
Mais le latin n'est pas l'apanage exclusif des peuples romans, même si le latin est leur "mère" linguistiquement ; aussi en Allemagne et en Angleterre le latin, encore langue vivante, quoique érudite, sans avoir été langue du peuple, s'est prononcé presque pendant un millénaire et demi, le plus souvent à la nationale, et donc en quelque sorte de façon "authentique" aussi.
Toutefois je comprends aussi le souci de Saint-Pie X (dans une lettre à l'archevêque de Bourges, reprise dans la version française, que je n'ai pas sous la main, des Acta Pii X, tome VII, 168) de vouloir romaniser et uniformiser la prononciation liturgique. À ma connaissance jamais un décret formel avalisant ce souhait n'a été imposé, dans les décrets authentiques je n'ai rien pu trouver.
C'est aussi un peu illusoire, car qu'est-ce qu'on gagnerait à faire prononcer un Allemand le latin à l'italienne au lieu de le faire à l'allemande (pareil pour un Anglais ou Français) ?
Le substrat de l'accent allemand (ou anglais, français) ne disparaîtrait de toutes façons jamais - à moins d'avoir affaire à un génie linguistique, un prêtre doublé de phonologue, ça existe, mais c'est rare, et ce n'est pas obligatoire pour un prêtre - et l'on aura donc toujours un Allemand soit prononçant un latin d'abord italianisé puis germanisé, soit un latin germanisé sans plus. Et pour les Anglais et Français et d'autres, c'est pareil.
À quoi bon d'en rajouter une couche ?
Débuter radicalement avec une prononciation à l'italienne ne se justifie que dans les cas où il n'y a pas de substrat de pratique latine, donc pas de tradition latine du tout, dans les missions, p.ex., et encore. Là on partirait de zéro de toute façon.
En Allemagne, dans le Tradistan, ce n'est que la FSSPX et dérivés affligés qui ont suivi le mouvement de l'italianisation dans la prononciation liturgique, c'est l'héritage d'Écône ; mais le plus souvent le peuple, sûrement ma génération et avant, ne suit pas. Les autres prêtres, ceux qui ont gardé la messe de leur ordination (ils deviennent rares), et les plus jeunes, "indépendants" du sillage lefebvriste (pour ne pas entrer dans le détail ici), continuent la coutume ancestrale de prononcer à l'allemande.
En Pologne on prononce carrément à la polonaise, je l'ai toujours trouvé touchant.