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Le pharisien et le pharisien
par Sabaoth 2016-05-23 10:47:34
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Dans une église parisienne, deux hommes priaient. Ils ne se connaissaient pas ; le destin les avait conduit là par hasard.

Le premier se tenait debout, du côté gauche du transept, appuyé au dossier d’une chaise. Il semblait fort las et priait ainsi en lui-même : « Mon Dieu je te rends grâce de n’être pas comme ces chrétiens sclérosés, qui n’ont plus bougé depuis le concile de Trente, s’accrochent à des symboles dépassés, moralisent à tout crin et fuient la révolution permanente qu’est l’Evangile.
Seigneur Jésus, merci de m’avoir éloigné de ces tradis en loden, bon chic bon genre, accrochés à leur latin, égarés dans leur moyen âge spirituel… Ce sont de pauvres gens qui n’ont pas compris que ton évangile est vivant, comme toi tu es vivant ! Avec ces poids morts, ton Eglise regarde en arrière, s’alourdit d’un fatras de préceptes éculés, et surtout elle rate le train du présent.
Je repense aux promesses extraordinaires du concile de Vatican II… J’étais jeune à l’époque… Quel enthousiasme ! Nous avons tout fait pour renouveler l’Eglise ! L’Esprit Saint a soufflé comme jamais ; il fallait une vraie rupture, elle a eu lieu et nous en sommes aujourd’hui les acteurs essoufflés... Nos intuitions étaient justes et bonnes, qu’en reste-t-il ?
Certains jeunes me regardent comme un vieil anarchiste ringard, alors que j’ai sincèrement recherché ton royaume... Nous savons que l’aujourd’hui de Dieu ne s’encombre pas de colifichets, de code vestimentaire ni de théologie surannée.
- Père très bon, veux-tu faire de nous des esclaves obéissants ou des enfants émerveillés ? Il faut vivre au cœur du monde, parler aux masses et épouser son époque comme Jésus l’a fait ! Seigneur, tu es la vie, donc tu es spontané, inventif, joyeux ! Nous, nous sommes le vrai peuple de Dieu ! Aie pitié de tous ces coincés qui pleurnichent en latin et processionnent dans les fumées d’encens, comme il a un siècle ! Ils font fuir les incroyants ! Ils choquent les gens normaux ! Est-ce vraiment ça que tu veux ? Et je ne te parle pas de la hiérarchie, toujours en retard d’une réforme... Heureusement que notre bon pape François est là !
- D’accord, je ne vais pas à la messe tous les dimanches, mais je prie pendant la journée, je pense souvent à toi. N’est-ce pas l’essentiel ? D’ailleurs pour moi, l’eucharistie est une prière qui n’a pas besoin de rite magique ni de formules rigides ; je prie avec mon cœur, quand j’en ai le temps, et je sais que tu me comprends. D’ailleurs toute ma vie est orientée vers toi : je dirige l’équipe liturgique paroissiale, ma femme donne le catéchisme deux fois par semaine, je suis visiteur de prison, membre actif d’Amnesty international et responsable local du magasin Oxfam, j’étais encore engagé dans mon syndicat jusqu’avant mon infarctus… Chaque mois, je distribue le journal paroissial dans les boîtes aux lettres et je viens de renouveler mon abonnement à La Croix… Je fais vraiment tout ce que je peux, tu le sais ; je me dépense sans compter mon temps ni mon argent. Me voici septuagénaire et je commence à sentir la fatigue ; je pense avoir bien mérité le repos éternel dans ta paix. »

Le deuxième homme, à genou sous la chaire de vérité, du côté droit du transept, priait ainsi en lui-même : « Mon Dieu, je vous rends grâce de n’être pas comme ces chrétiens post-conciliaires qui trahissent le dépôt sacré, détruisent la sainte liturgie, inventent de nouveaux rites, suivent l’esprit du monde et minent la sainte Eglise de l’intérieur, il vaudrait mieux qu’ils fondent leur propre secte au lieu de subsister comme des tumeurs malignes au sein de l’institution divine !
Je vous remercie, mon Dieu, de n’être pas comme ces malappris qui ne s’agenouillent même pas pendant la consécration, communient dans la main et organisent des cocktails au fond de l’église. Pendant la sainte messe, les chants grégoriens m’émeuvent, le son des guitares m’irrite, le bruit des tamtams me rend fou. En cinquante ans, ces renégats ont vidé les églises, détruit le scoutisme de mon enfance, répandu le relativisme et entraîné des millions d’âmes en enfer !
Dieu tout puissant, comment pouvez-vous supporter tout ce mal ? Pourquoi tardez-vous à punir ceux qui vous trahissent ? Je sais que vous êtes un Dieu patient et miséricordieux, mais là je ne vous comprends plus… Regardez vos vrais fidèles, ayez pitié de ceux qui forment la maigre cohorte de vos élus, le petit troupeau rescapé des horreurs de la modernité !
Ainsi, moi, je jeûne deux fois par semaine, je récite mon chapelet tous les jours et je donne volontiers de l’argent aux fraternités sacerdotales fidèles à Rome. Je fais l’aumône à quelques pauvres sympathiques et je soutiens financièrement un séminariste sud-américain qui porte le col romain. Chaque année, pendant mes vacances, je vais en pèlerinage dans un site marial ou dans un lieu d’apparition reconnu par l’Eglise. Mes enfants ont été scolarisés dans le réseau de l’enseignement catholique, je suis abonné à Famille chrétienne et je fais du bénévolat dans une maison de retraite gérée par des religieuses voilées. Chaque jour, devant mon ordinateur, sur le Forum catholique, je traque le suspect, je dénonce le tiède, je chasse le troll... Les hérétiques et les hérétodoxes sont partout ! Partout ils se sont infiltrés ! L'Eglise est en danger ! Merci mon Dieu de m’avoir donné le discernement et aussi le courage de combattre l’ennemi en votre nom !
Toute ma vie, je suis resté fidèle à vos préceptes. Me voici au soir de ma vie. Le monde me dégoûte, la corruption est partout, la tiédeur universelle. Je suis las et découragé. Donnez-moi, Dieu très bon, la récompense que vous avez promise à vos élus. »

Soudain, une pyramide de lumière apparu au fond de l’église, puis se dressa silencieusement sur les murs, accompagnée d’une brise légère : la porte d’entrée venait de s’ouvrir, poussée par une jeune femme qui s’affaissa sur une chaise, juste à côté du bénitier. Elle s’appelait Aïcha ; depuis une semaine, elle tournait autour de l’église sans oser y entrer. Là, elle venait d’oser...
Le samedi précédent, il lui était arrivé quelque chose qu'elle n'avait raconté à personne, surtout pas à son mari : la Vierge Marie lui était apparue dans un songe, elle tenait un bébé dans ses bras - c'était Jésus ! - elle souriait à Aïcha en lui montrant son petit. Il sortait d’eux une lumière pleine d’amour et de miséricorde. Une puissance bouleversante et douce. Aïcha s’était réveillée, régénérée : elle était devenue chrétienne ! C’était si beau, si simple. Mais que faire ? A qui parler ?
Et elle restait là, à regarder la petite lumière rouge qui vacillait entre les deux hommes qu’elle apercevait au loin, dans l’ombre.
Elle priait ainsi, de tout son coeur : « Père très bon, tout puissant et miséricordieux, doux Jésus, Vierge Marie : prends pitié de moi ! Apprends-moi à prier ! Apprends-moi à aimer! Pitié, sauve-moi !»

     

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