ART. II. Les différentes phases de la contemplation
2° Les épreuves qui accompagnent cette première nuit
1426. Généralement les auteurs spirituels en font une description effrayante, parce qu'ils décrivent ce qui s’est passé dans l'âme des Saints, qui, étant appelés à une haute contemplation, ont eu à porter une croix très lourde. Mais d'autres, appelés à un degré moins élevé, sont moins éprouvés ; il est bon de le savoir, afin de rassurer les âmes craintives que la peur de la croix pourrait empêcher d'entrer dans cette voie. Qu'on se souvienne donc que Dieu proportionne les grâces à la grandeur des épreuves.
A) Outre cette aridité persistante dont nous avons parlé, l'âme souffre aussi de terribles tentations : 1) contre la foi : ne sentant rien, elle s'imagine qu'elle ne croit rien ; 2) contre l'espérance : privée de consolations, elle se croit abandonnée, tentée d'ennui et de découragement ; 3) contre la chasteté : « alors se manifeste l'ange de Satan ou l’esprit de fornication, pour tourmenter par de fortes et abominables tentations, suggérant des pensées honteuses, inquiétant l'imagination par des représentations très vives, ce qui est, pour ceux qui en sont l'objet, une douleur pire que la mort » (Nuit, l. I, ch. XIV) ; 4) contre la patience : au milieu de tous ces ennuis, on est enclin à murmurer contre les autres ou contre soi-même ; et des pensées de blasphème se présentent à l'imagination d'une façon si vive que la langue paraît en prononcer les mots ; 5) contre la paix de l'âme : obsédés de mille scrupules et perplexités, ils s'embrouillent tellement dans leurs idées qu'ils ne peuvent suivre un conseil ni céder à un raisonnement ; et c'est là une des peines les plus vives.
1427. B) Elle est éprouvée aussi du côté des hommes : 1) parfois des mécréants, qui les abreuvent de toutes sortes de persécutions : « Et omnes qui pie volunt vivere in Christo Jesu, persecutionem patientur » (II Tim., III, 12), mais aussi de la part des supérieurs, des amis, qui, ne comprenant pas cet état, sont mal impressionnés par nos insuccès, nos aridités persistantes ; 3) parfois même de la part du directeur, qui tantôt confond cet état avec la tiédeur et tantôt est impuissant à consoler une telle détresse. C) Des maux extérieurs viennent quelquefois augmenter ces souffrances intimes : 1) on est victime de maladies étranges qui déconcertent les médecins ; 2) on ne réussit plus comme auparavant, à cause de l'impuissance dans laquelle on se trouve, ou parce qu'on est absorbé dans ses peines intérieures : on se sent comme hébété, au point que les autres s'en aperçoivent ; 3) on subit quelquefois des pertes temporelles qui mettent dans une situation précaire. En un mot il semble que le ciel et la terre soient conjurés contre ces pauvres âmes. Dans beaucoup de cas, ces épreuves peuvent être naturelles ou ne pas sortir du cadre de celles que Dieu envoie aux âmes ferventes pour les perfectionner. Mais, dans d'autres, elles sont vraiment mystiques : on les reconnaît à leur soudaineté, à leur acuité, et aux heureux effets qu'elles produisent dans l'âme.
Source : Précis de Théologie Ascétique et Mystique de Tanquerey,
Desclée and Co, 1923
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde