ART. II. Les différentes phases de la contemplation
1° Les éléments constitutifs de cette épreuve
1424. Mais il importe de distinguer cette sécheresse purificatrice de la sécheresse causée par la négligence et la tiédeur. S. Jean de la Croix nous donne trois signes pour faire cette distinction : 1) On ne trouve pas plus de goût dans les créatures qu'en Dieu ; on en trouve même moins, tandis que les tièdes, qui n'ont pas de goût pour les choses divines, en ont pour les plaisirs de la terre. Il se peut cependant, ajoute le Saint, que ce dégoût général provienne d'une indisposition ou tristesse naturelle ; il est donc nécessaire qu'à ce premier signe s'adjoigne le second. 2) On garde habituellement le souvenir de Dieu, accompagné d'anxiété, de sollicitude, de malaise : on craint de ne pas le servir assez bien, d'aller même à reculons à cause du manque de saveur dans les choses divines ; dans la tiédeur au contraire on n'a aucune sollicitude intérieure pour les choses divines ; de même quand la sécheresse vient de la faiblesse physique, tout se traduit en dégoût naturel, et on ne voit aucune trace de ce désir de servir Dieu qui caractérise la sécheresse purificatrice, et que la contemplation obscure met dans l'âme. 3) Enfin on est dans l'incapacité de méditer d'une façon discursive, si bien que, si on veut le faire, l’effort reste stérile. « La raison en est que Dieu commence alors a se communiquer, non plus par le sens comme avant, au moyen du raisonnement qui évoquait et classait les connaissances, mais au moyen du pur esprit qui ignore l'enchaînement discursif, et où Dieu se communique en acte de simple contemplation » (Nuit, l. I, ch. X). Il remarque cependant que cette incapacité n'est pas toujours régulière, et que parfois on peut revenir à la méditation ordinaire. Notons aussi que cette impuissance n'existe généralement que pour les choses spirituelles : on peut s'occuper activement de ses études ou de ses affaires.
1425. C) A cette aridité se joint un besoin douloureux et persistant d'une union plus intime avec Dieu. C'est tout d'abord un désir non senti, mais qui se développe peu à peu et inspire une affection grandissante et plus vive, sans que l'âme comprenne ni d'où ni comment cela lui est venu ; elle ne se rend compte que d'une chose, c'est que cette flamme, cette ardeur augmentent parfois au point qu'elle aspire à Dieu avec des angoisses d'amour... Or c'est par cette sollicitude et ce souci que la secrète contemplation entre dans l'âme, et, avec le temps, lorsqu'elle a purifié partiellement le sens, c'est-à-dire la partie sensitive des forces et des affections naturelles par les sécheresses qu'elle lui applique, l'Amour divin commence à enflammer l'esprit. Avant cette heure, l'âme est un malade soumis à un traitement ; la nuit obscure n'est pour elle que souffrance et sèche purification de l'appétit » (Nuit, l. I, ch. XI). L'âme est donc orientée vers Dieu et ne veut plus des créatures ; mais cette orientation est encore vague et confuse, c'est comme la nostalgie de Dieu absent : elle veut s'unir à lui, le posséder. Si elle n'a pas eu encore l'expérience de la quiétude suave, c'est un attrait confus, un besoin sourd,un malaise indéfinissable ; si elle a déjà goûté l'union mystique, c'est un désir précis de revenir à cette union (Dom Lehodey, Les voies de l’oraison, p. 260).
Source : Précis de Théologie Ascétique et Mystique de Tanquerey,
Desclée and Co, 1923
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde