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Il est vrai qu'ils le disent, mais ce qu'ils disent n'est pas vrai.
par Scrutator Sapientiæ 2016-05-06 11:10:16
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Bonjour XA,

1. Certains disent, ou semblent dire, à Rome ou ailleurs, et depuis déjà quelques années, que le Concile Vatican II a seulement "ouvert des voies" (comme s'il n'en avait pas avant tout fermé d'autres...), notamment ad extra, d'une manière indicative, ou que le Concile Vatican II, en tant que pastoral, n'a pas été conçu en vue d'une prise en compte, puis d'une mise en oeuvre, à caractère impératif (alors que cela aurait été le cas, s'il s'était agi d'un Concile doctrinal, semble-t-on laisser penser ou dire).

" Et dans les relations que nous avons avec Rome, il y a des choses encore plus étonnantes et que nous relions à cette situation chaotique. Là récemment, pour la première fois, nous avons pu entendre à Rome que nous n’étions plus obligés d’accepter le Concile. Vous vous rendez compte : c’est énorme ! On nous a dit : « Vous avez le droit de maintenir cette opinion ». Ce n’est pas encore : « Nous avons eu tort », ce n’est pas encore : « le Concile était mauvais », mais c’est : « le Concile ne peut pas obliger ». On ne peut pas obliger quelqu’un à accepter le Concile pour être catholique. Alors que c’est ce qu’on nous a dit jusqu’à maintenant. Jusqu’à il y a deux ans en arrière, c’était : « Si vous voulez être catholiques, vous devez accepter le Concile, vous devez accepter la bonté de la nouvelle messe ». Eh bien ! maintenant on nous dit : « Non, vous ne le devez pas, parce que cela n’a pas le degré d’obligation » ; ils utilisent des termes pas assez précis. On nous dit : « Ce n’est pas doctrinal, c’est pastoral ». C’est un peu ce que nous avions dit nous-mêmes : « Ce concile est pastoral et il n’a pas voulu obliger ». Tout d’un coup maintenant, on nous le concède : « C’est vrai, ce concile n’a pas voulu obliger ». "

" Et pour nous, il semble déjà qu’au travers de ces propositions, qui paraissent un peu fortes, en fait il y a déjà une ligne cohérente qui se dessine depuis un an et demi, une ligne vraiment nouvelle par rapport à nous. Encore une fois, nous allons voir comment les choses se développent ; nous avons appris à être plutôt prudents dans toutes ces affaires. N’est-ce qu’un moment ? A notre avis, non ! A partir du moment où on a lâché ce point-là, on ne peut plus le reprendre. Si on a ramené le Concile au niveau de l’opinion, on ne peut plus dire, tout d’un coup après, que non, que c’était quand même obligatoire. Ce sont donc des choses très importantes qui sont en train de se passer. "

2. Il est vrai qu'ils le disent, mais ce qu'ils disent n'est pas vrai ou, si vous préférez : même s'ils pensent, croient et disent sincèrement que c'est vrai, ce qu'ils disent n'est pas vrai, que ce soit par des moyens ou pour des raisons à caractère doctrinal, pastoral, historique ou liturgique.

3. A mon avis, on ne comprend pas grand-chose au caractère pastoral du Concile, tant que l'on considère que pastoral veut dire non doctrinal, comme si pastoral voulait dire "non impératif" "pragmatique" ou "pratique" et comme si doctrinal voulait dire "très impératif" ou "dogmatique" ou "théorique".

4. A mon avis, on comprend quelque chose au spécifique du Concile Vatican II, à la théologie qui a été sa source d'inspiration, à la pastorale dont il a été la source d'inspiration, quand on donne le sens suivant au mot pastoral : consensuel, notamment ad extra, et porteur de conceptions (présentes dans des expressions ou des omissions) propices à des tendances à l'adogmatisme, à l'immanentisme, à l'eudémonisme, à l'oecuménisme, à la décatholicisation du discours et des actes, au changement et au mouvement, fréquents, mais, le plus souvent uni-directionnels, dans l'Eglise catholique.

5. Que je sache, ces caractéristiques fondamentales de ce qu'il y a de spécifique au Concile Vatican II sont constitutives d'une orientation fondamentale,

- qu'il n'est pas question, officiellement, de transformer en option libre, que l'on pourrait accepter ou refuser, ou que l'on pourrait appliquer d'une façon ouvertement réfractaire, notamment, aux actes intrinsèquement mauvais, en matière morale, et aux idées intrinsèquement fausses, en matière religieuse,

ou

- sur lesquelles il n'est pas question, ou en tout cas pas encore question, de revenir, explicitement et officiellement.

6. Même le recentrage auquel il a été procédé, sous Jean-Paul II et sous Benoît XVI, d'ailleurs pas dans tous les domaines concernés, ni avec tous les résultats espérés, n'a pas consisté à aller fréquemment en direction d'un discours catholique en plénitude, "DONC" explicitement et spécifiquement contrapositionnel

- à l'égard des confessions chrétiennes non catholiques, des religions non chrétiennes,

- vis-à-vis de telle conception non chrétienne de l'homme et du monde contemporains, de telle religion séculière, de telle volonté de puissance.

7. Que voulez-vous..."L'Eglise du Concile", si je puis m'exprimer ainsi, n'est pas avant tout contrapositionnelle, sauf par intermittences, mais elle est avant tout diplomatisante, pour ne pas dire irénolâtre, et je n'ai pas l'impression qu'il soit jugé vraiment envisageable ou réalisable de revenir sur cette orientation fondamentale, ou alors je n'ai pas tout compris aux misères qui ont été faites au Pape Benoît XVI.

8. Certains considèrent même que "l'esprit du Concile" n'est pas allé assez loin, en direction de l'émancipation ad intra des catholiques, dans les domaines du croire et de l'agir chrétiens, en direction de l'unification ad extra entre catholiques et non catholiques, entre chrétiens et non chrétiens, entre croyants et non croyants, et qu'il convient donc de faire en sorte que "l'esprit de l'Evangile" "dépasse" "l'esprit du Concile", le remplace, le supplante.

9. On peut d'ailleurs se demander si telle n'est pas l'intention profonde d'au moins une partie de ceux qui souhaitent que diminue, ou que disparaisse, la prise d'appui sur Vatican II, la référence à Vatican II, et on est en droit de se demander ce qu'il adviendrait de l'autorité effective, au sein de l'Eglise, de documents tels que Dei verbum et Lumen gentium, ou de certains décrets conciliaires d'application ad intra, en cas de diminution ou de disparition de la "subordination", certes plus relative que substantielle, mais pas encore résiduelle, du christianisme catholique contemporain, au Concile Vatican II.

10. Il y a une autre manière de dire ce qui précède : au Concile, on s'est rendu compte qu'il y avait asymétrie entre le Credo et le Décalogue, et il est vrai qu'il y a douze articles dans le Credo, et qu'il n'y a que dix articles dans le Décalogue.

On a donc entendu remédier à cette asymétrie, mais pas seulement parce qu'elle est inesthétique.

Et on a ajouté les deux articles suivants, à la fin du Décalogue :

" "Tu t'exposeras le moins possible au risque de déplaire"

"Tu t'exposeras le plus possible à la grâce de plaire"

notamment aux non catholiques, aux non chrétiens, aux non croyants, à l'homme et au monde ce temps, entre autres dans le domaine de la Foi et dans celui des moeurs. "

11. A ma connaissance, il n'est pas encore à l'ordre du jour que l'on retire du duodécalogue "conciliaire" (au sens de : "consensualiste", plus consensuel et dialoguant que dissensuel et confessant), les deux articles que je viens de citer,

- qui n'ont certes pas attendu l'ouverture du Concile Vatican II pour commencer à se manifester, au sein de l'Eglise catholique,

mais

- qui ont obtenu, au Concile, une forme de reconnaissance magistérielle, surtout dans Unitatis redintegratio, dans la première partie de Nostra aetate, dans la première partie de Dignitatis humanae, et dans la deuxième partie de Gaudium et spes.

12. Il ne s'agit pas ici de laisser entendre que tout discours catholique ad extra digne de ce nom est nécessairement et salutairement désagréable, en tous lieux et en tous temps, mais il s'agit ici de laisser entendre que le discours catholique ad extra n'a pas à être systématiquement le plus agréable possible, ou le moins désagréable possible.

13. Et c'est bien cela qui est déplorable, me semble-t-il, dans toute cette affaire : l'incapacité, ou la très grande difficulté, des clercs, à remettre en cause un esprit de système "conciliaire", avant tout, voire, le plus souvent, seulement, diplomatisant ad extra.

14. Il y aurait bien d'autres choses à dire,

a) sur les tendances

- à l'anthropocentrisme akérygmatique, plus "humanitaire" que "biblique",

- à la non dramatisation de la part d'apostasie et d'idolâtrie qui caractérise la "spiritualité" propre au monde contemporain,

b) sur la tendance selon laquelle le monde ne souffre pas avant tout d'un déficit de spiritualité chrétienne, mais souffre avant tout d'un déficit de solidarité humaine,

tendances dont on peut dire qu'elles ne sont pas totalement absentes d'un document tel que Gaudium et spes, ni de la pastorale ad extra que ce document inspire, et qu'elles ne sont donc pas imaginaires.

Or, à ma connaissance, il n'est pas encore envisagé de revenir sur les paroles ET SUR LES SILENCES qui sont générés et structurés par ces tendances.

Mais je m'arrête ici.

Bonne journée.

Scrutator.

     

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      Il est vrai qu'ils le disent, mais ce qu'ils disent n'est pas vrai. par Scrutator Sapientiæ  (2016-05-06 11:10:16)
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