II. Part de Dieu dans la contemplation
1387. 1° C'est Dieu qui appelle l’âme à la contemplation ; car de l'aveu de tous les mystiques, c'est là un don essentiellement gratuit. C'est ce qu’enseigne Ste Thérese ; souvent elle appelle cette oraison surnaturelle ; or, dans sa seconde relation au P.Rodrigue Alvarez, elle explique ainsi ce mot : « J'appelle surnaturel ce qui ne peut s’acquérir ni par industrie, ni par effort, quelque peine que l'on prenne pour cela. Quant à s'y disposer, oui, on le peut, et c'est sans doute un grand point » (Œuvres, t. II, Relation LIV, p. 295). Elle le fait mieux comprendre encore par cette gracieuse comparaison : « Dieu se plaît d’abord à faire monter l'âme vers lui de degré en degré ; ensuite il prend cette petite colombe et la met dans le nid afin qu'elle s'y repose » (Vie, ch. XVIII). Tel est aussi l'enseignement de S. Jean de la Croix. Il distingue deux méthodes, l'une active et l'autre passive ; celle-ci, qui n'est autre que la contemplation, est, dit-il, « celle où l'âme n'a ni initiative, ni activité propres. C'est Dieu qui opère en elle pendant qu'elle se tient passivement » (Montée du carmel, l. I, ch. 13). Il revient souvent sur cette distinction : « Et entre les deux états il y a toute la différence qui existe entre l'œuvre humaine et l'œuvre divine, entre le mode d'action naturel et surnaturel. De telles âmes n'agissent pas par elles-mêmes, mais sont sous l'action du Saint Esprit ; il est le principal agent, le guide, le moteur en cet état, et ne cesse de veiller sur elles, simples instruments qu'il mène vers la perfection selon la Foi et la loi divine, selon l'esprit que Dieu départit à chacune » (Vive flamme, str. III, v. 3, n. 8-9). (...) Or, si c'est Dieu qui a toute l’initiative, lui qui meut les âmes, le principal agent, tandis que l'âme n'est qu'un instrument, il est clair que l'âme ne peut ni s'ingérer elle-même en cet état, ni le mériter au sens propre, de condigno ; on ne peut en effet mériter de la sorte que ce que Dieu a bien voulu faire rentrer dans l'objet du mérite, c'est-à-dire, la grâce sanctifiante et la gloire éternelle.
Cette gratuité est admise même par l'Ecole qui pense que toutes les âmes sont appelées à la contemplation ; après avoir dit que la méditation n'est pas au dessus de nos efforts, M. Saudreau ajoute : « On ne peut entrer de même dans l'oraison mystique ; quelque effort que l'on fasse, on n'y atteindra pas, si on n'a pas été élevé par la faveur divine à un état si méritoire » (L’état mystique, 2e éd. 1921, p. 19-20). Sans doute quelques-uns pensent qu'on peut le mériter de congruo, mais ce mérite de simple convenance n'enlève pas son essentielle gratuité.
1388. 2° C'est encore Dieu qui choisit le moment et le mode de contemplation, de même que sa durée. C'est lui seul en effet qui met l'âme dans l'état passif ou mystique, en s'emparant de ses facultés pour agir en elles et par elles, avec le libre consentement de la volonté : c'est une sorte de possession divine ; et, comme Dieu est le souverain maître de ses dons, il intervient quand il le veut et comme il le veut.
1389. 3° Dans la contemplation Dieu agit surtout dans ce que les mystiques appellent la fine pointe de l'âme ; la cime de l'âme, la cime de la volonté ou le fond intime de l'âme. Ce qu'il faut entendre par là, c'est tout ce qu'il y a de plus élevé dans l'intelligence et la volonté ; c'est l'intelligence, non en tant qu'elle raisonne, mais en tant qu'elle perçoit la vérité par un simple regard, sous l'influence des dons supérieurs d'intelligence et de sagesse ; c'est la volonté, dans son acte le plus simple, qui est d'aimer et de goûter les choses divmes.
Le Vén. L. de Blois pense que ce centre de l'âme, où s'opère la contemplation, est beaucoup plus intime et élevé que les trois facultés maîtresses, étant la source de ces facultés mêmes... En lui, ajoute-t-il, les facultés supérieures elles-mêmes sont une seule chose ; là règnent une souveraine tranquillité et un parfait silence, car jamais une image n'y peut atteindre. C'est dans ce centre où se cache l'image divine que nous revêtons la forme divine... O noble centre, temple divin d'où le Seigneur ne se retire jamais ! Retraite admirable, demeure de la Trinité Sainte, source dès ici-bas des délices éternelles ! » (L’institution spirit., ch. XII, t. II des Œuvres, p. 101-103).
Source : Précis de Théologie Ascétique et Mystique de Tanquerey,
Desclée and Co, 1923
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde