§ I. Nature de l'oraison de simplicité
1366. b) Plus tard une autre simplification se réalise : les quelques minutes de réflexion sont remplacées par un regard intuitif de l'intelligence. Nous connaissons sans difficulté
et par une sorte d'intuition les premiers principes. Or, quand nous avons longtemps médité sur les vérités fondamentales de la vie spirituelle, elles deviennent pour nous aussi certaines et lumineuses que les premiers principes, et nous les saisissons d'un coup d'œil synthétique avec facilité et complaisance, sans avoir besoin de les analyser d'une façon minutieuse. Ainsi l'idée de père appliquée à Dieu, qui au début avait besoin de longues réflexions pour nous livrer son contenu, nous apparaît d'un seul coup d'œil comme si riche, si féconde, que nous nous y arrêtons longuement et avec amour pour en savourer les multiples éléments. c) Il arrive même parfois que l'âme se contente d'un regard confus sur Dieu ou les choses divines, qui la maintient cependant doucement et affectueusement en la présence de Dieu et la rend de plus en plus docile à l'action du Saint Esprit ; alors sans multiplier les actes d'intelligence ou de volonté, elle s'abandonne à Dieu pour exécuter ses ordres.
1367. 2° Une simplification analogue s'opère dans les affections. Au début, elles étaient nombreuses, variées, et se succédaient avec rapidité : amour, reconnaissance, joie, compassion, douleur de ses fautes, désir de mieux faire, demande de secours, etc. a) Mais bientôt une seule et même affection se prolonge pendant cinq, dix minutes : l'idée de Dieu notre Père, par exemple, excite dans le cœur un amour intense qui, sans s'exprimer par de multiples paroles, alimente pendant quelques minutes l'âme tout entière, la pénètre et y produit des dispositions généreuses. Sans doute elle ne suffira pas à remplir tout le temps de l'oraison, et il faudra passer à d'autres affections pour ne pas tomber dans les distractions ou une sorte d'oisiveté ; mais chacune tiendra une place si large qu'il ne sera pas nécessaire d'en multiplier le nombre comme autrefois.
1368. b) Parmi ces affections, l'une finit par dominer et revenir sans cesse à l'esprit et au cœur : son objet devient comme celui d'une idée fixe, autour de laquelle gravitent d'autres idées sans doute, mais en petit nombre et qui se subordonnent à la première. Pour quelques-uns, ce sera la Passion de Notre Seigneur, avec les sentiments d’amour et de sacrifice qu’elle suscite (Galat., II, 20). Pour d’autres, ce sera Jésus vivant dans l'Eucharistie qui deviendra le centre de leurs pensées et de leurs affections, et sans cesse, ils rediront : Adoro te, devote, latens Deitas. Il en est qui sont saisis par la pensée de Dieu présent dans l'âme et qui ne songent qu'à le glorifier tout le long du jour (Joan., XIV, 23 ; I Cor., III, 17 ; VI, 20). C'est ce qu'explique fort bien le P.Massoulié : Quand l'âme vient à considérer que non seulement elle a l'honneur d'être en la présence de Dieu, mais encore le bonheur de le posséder en elle-même, cette pensée la pénètre vivement, et la fait entrer dans un recueillement profond. (...)
Source : Précis de Théologie Ascétique et Mystique de Tanquerey,
Desclée and Co, 1923
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde