connaissez-vous exactement le contenu de l'exhortation (que j'ai lue) et l'interprétation que l'on doit y donner, mais alors vous devriez nous expliquer pourquoi même les cardinaux ne s'entendent pas à ce sujet ?

Le Cardinal Burke dit que "l’exhortation apostolique post-synodale n’est pas un acte du magistère", que c'est une simple « réflexion du Saint-Père », qui propose « ce qu’il croit personnellement être la volonté du Christ pour son Église, mais n’entend pas imposer son point de vue, ni condamner ceux qui insistent pour ce qu’il appelle une ‘pastorale plus rigide’».

Le Cardinal Kasper, quant à lui, dit que l'exhortation constitue "la première étape d’une réforme qui tournera une page dans l’Église".

Qui a raison ?

J'aimerais bien que ce soit le Cardinal Burke. Mais, est-ce vraiment le cas ?

Si c'était si clair que vous le prétendez, pourquoi alors même aux plus hauts échelons de l'Église on ne semble pas être sur la même longueur d'ondes concernant l'importance à accorder à ce document ?

En ce qui me concerne, je ne condamne pas l'exhortation, je me permets de la questionner. As-t-on encore le droit d'exercer sa raison au sein de l'Église ?

Je suis conscient que le document papal traite de discernement pastoral, qu'il distingue le for interne et le for externe, qu'il parle aussi de conversion, et qu'il traite, en arrière-fond, de toute la question de la morale objective (la loi naturelle et la vérité révélée) versus la morale subjective (connaissance de la matière morale, facteurs psychologiques qui conditionnent, plein consentement, formation de la conscience, etc.), et de la jonction entre les deux. Il est possible dans l'enseignement de l'Église de faire ces distinctions.

Je comprends l'intention du Pape de faire un accompagnement personnalisé, de dire que toutes les situations ne sont pas équivalentes, de vouloir aider les personnes à ne pas être rejetées de l'Église, etc. Toutefois, il semble y avoir une ligne mince entre ce souci pastoral (qui a toujours été exercé par les bons pasteurs) et la complaisance (qui est malheureusement de plus en plus fréquente). Il y a actuellement, au sein de l'Église, une mauvaise compréhension de la miséricorde qui consiste à ne plus faire de différence entre le bien et la mal, sous prétexte de non jugement ou d'accompagnement, et je crains que l'exhortation ne devienne pour certains une pièce justificative.

La véritable miséricorde spirituelle c'est d'avoir une compassion inconditionnelle pour les pécheurs et de leur donner tous les moyens nécessaires pour se sortir des ténèbres, du péché, de la misère dans laquelle ils se trouvent. Cela passe aussi par l'enseignement, le rappel de la vérité, la formation de la conscience, mais toujours dans une attitude d'amour fraternel (car sans cette charité, il y a aussi le risque de tomber dans une certaine attitude de fidélité à la vérité qui peut être pharisaïque). Et inversement, la véritable charité ne peut s'exercer sans la vérité.

Actuellement, est-ce vraiment d'ambiguïté et d'équivoque que les gens ont besoin pour se convertir ? Relisez le chapitre 8 de l'exhortation et dites-moi que c'est clair la question de la communion pour les divorcés-remariés. Et puis, l'exhortation insiste-t-elle vraiment sur le rappel de la vérité dont notre monde a tant besoin ?

Certes, on doit agir selon notre conscience mais nous avons aussi le devoir de la former, de l'éclairer. Sinon, la paresse spirituelle (le manque de volonté de conversion) peut facilement nous faire entrer dans un mécanisme d'auto-justification et de rationalisation. Et c'est le danger que je vois dans Amoris Laetitia : une sorte de pastorale subjectiviste qui n'aide plus vraiment les personnes parce qu'elle ne donne pas l'énergie nécessaire pour faire des changements de vie positifs.

Imaginez un médecin oncologue qui ne voudrait plus faire de chimiothérapie ou de radiothérapie sous prétexte qu'il a peur que ses patients se sentent traités comme des malades, qu'il ne faut pas juger les états des personnes, etc. Ce serait le comble de l'absurde! Pourtant, au niveau spirituel, c'est exactement cela qui risque de se passer. Je ne suis pas contre l'accompagnement pastoral, mais cela doit se faire dans la vérité, et à ce sujet on ne peut pas dire que le Pape François est aussi clair que l'a été le grand et saint Jean-Paul II.

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