Bonjour jejomau,

1. D'une part, je ne sais pas si la Tradition est source de divisions, mais j'espère que la conception selon laquelle la composante tridentine de la Tradition n'est pas la seule composante de la Tradition n'est pas, elle, source de divisions.

D'autre part, il me semble vraiment que ce qui est source de divisions, depuis le Concile lui-même, c'est le Concile en tant que facteur et vecteur de renouveau, et non le Concile en tant que continuateur ou générateur d'une tradition, d'autant plus que, compte tenu de ce qu'a été, voire de ce qu'est toujours, l'après-Concile, le mot tradition me semble vraiment trop beau pour désigner la chose.

2. En gros,

- pour les uns, appelons-les les réformateurs ou les rénovateurs, le renouveau conciliaire ne doit être qu'une adaptation des formes, avec conservation, et sans dépassement, du fond, notamment sur la Foi et les moeurs,

- pour les autres, appelons-les les déconstructeurs ou les démanteleurs, les émancipateurs ou les fragilisateurs, le renouveau conciliaire doit être bien plus qu'une adaptation des formes, car il doit être aussi une "libération", méthodique, progressive, vis-à-vis du fond, sinon une "liquidation".

3. Pour les uns, le Concile est avant tout un dispositif magistériel, globalement solide et valide, certes actualisateur du langage, mais au moyen ou à partir duquel on peut continuer à avoir un positionnement orthodoxe, voire intransigeant, dans le message.

Pour les autres, le Concile est avant tout un événement historique, qui a donné naissance à une inspiration et à une orientation dialectiques, dans le cadre desquelles, par exemple, la vérité, à laquelle on a été fidèle jusqu'à hier, est considérée aujourd'hui, avant tout, voire seulement, comme l'ennemie du consensus, ou l'obstacle au consensus, que l'on espère établir pour demain.

4. Ce qui est acté, depuis l'élection du Pape François, c'est la renaissance ou le retour, au plus haut niveau de la hiérarchie, de l'institution, du "septantisme", id est l'état d'esprit, surtout propre aux années 1969 à 1978, dans le cadre duquel bien des évêques ont vraiment cru, fait croire, ou laissé croire, que la dynamique de déconstruction, de démantèlement, d'émancipation, vis-à-vis du Credo, du Notre Père, du Décalogue, de la liturgie, et de fragilisation de la Foi, de l'Espérance, de la Charité, des sacrements, était vraiment d'inspiration "conciliaire".

5. L'état d'esprit "septantiste", c'est l'état d'esprit selon lequel un synode, soi-disant conformément à l'esprit du Concile,

- ne doit pas avoir lieu pour réaffirmer ce qui est à la fois désagréable à (faire) entendre et profitable à (faire) écouter puis appliquer,

mais

- doit avoir lieu pour désaffirmer ou neutraliser ce qui est à la fois éclairant et exigeant, et est fait pour expliciter et pour optimiser une attitude qui relève du modérantisme ou du tolérantisme.

6. Je sais déjà que certains disent que ce n'est pas du démantèlement, mais de l'assouplissement, que ce n'est pas de la fragilisation, mais de la contextualisation, et que nul n'a le droit de contester, de critiquer, cet assouplissement et cette contextualisation, puisque l'un et l'autre sont, on nous l'a dit et répété, "é-van-gé-li-ques".

Ceux, parmi nous, qui savent ce que cet état d'esprit a donné, ou plutôt a détruit, au cours de la deuxième partie du pontificat de Paul VI, peuvent être légitimement inquiets sur la suite des opérations, au cours du pontificat du Pape François, mais il se trouvera bien des théologiens et des évêques pour légitimer l'approfondissement et le renouvellement de toute cette entreprise d'auto-décatholicisation interne, si j'ose dire, en disant que, de même que les fidèles n'ont pas eu le droit de résister à "l'Eglise conciliaire", hier, de même, ils n'auront pas davantage celui de résister à "l'Eglise synodale", demain.

Bonne journée.

Scrutator.

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