La joie de l’amour qui est vécue dans les familles est aussi la joie de l’Église.
La publication intégrale de cette Éructation postsynodale nous permet enfin, nous devenions presque impatients, de connaître le contexte exact de sa première phrase et de son titre mystérieux et bidon en latin (bidon, car une version latine du texte n'existe pas et n'existera sûrement jamais : il n'y a que ces deux mots), deux mots de latin douteux qui avaient déjà tant provoqué inquiétudes et sourcillements.
En effet !
Première phrase que tout latiniste tant soit peu instruit traduirait en connaissance de cause à peu près comme
Dilectionis (ou, plus classique: caritatis, ou pietatis, à la rigueur amoris) gaudium quod in familiis viget, Ecclesiae quoque gaudium exstitit (ou evasit, ou sim.).
... je dis bien en connaissance de cause, car nous le savons maintenant : il s'agirait dans ce texte du mariage chrétien, et non pas de joies amoureuses et bruyantes dont se souviendrait un videur émérite de la Suburre portègne.
De quoi parlons nous? De l'amour ! mais duquel ?
L'amour du coeur, des sentiments, des inclinaisons, de l'instinct, de la passion souvent aveugle ? l'affection parfois sotte ? Ardebat iuvenis
amore puellae,
amor gloriae,
amor consulatus,
amor habendi, aussi parfois
amor patriae ? Le contraire est
odium ;
ou bien plutôt de l'amour qui à sa base est parfois tout cela, mais qui est surtout aussi une vénération, une reconnaissance, une estimation, une piété envers l'être aimé,
caritas civium,
caritas natorum,
caritas parentum,
caritas rei publicae, uxoris
caritas, ou
pietas, pas "piété", mais sentiments d'amour filial ou parental ou conjugal.
Coniugi ex pietate posuit lisons-nous sur une pierre tombale.
Dilectio en est un synonyme tardif.
Nous parlions aussi de la joie. Fort bien. Mais laquelle ?
La joie intérieure, que l'on sent dans son coeur, et qui demeure (
gaudium, le contraire est
dolor) ? ou la joie qui éclate, qui jubile, qui rit, et qui est surtout légère et passagère (
laetitia, le contraire est
luctus) ?
Ainsi on comprend comment l'on peut être
gaudio aliquo laetus: si une joie intérieure s'exprime extérieurement par un éclat passager, et ce que signifie
gaudere alienâ laetitiâ.
La synonymique du latin (au moins pour les concepts fondamentaux, tels sûrement "amour" et "joie") est un sujet à traiter en classe terminale du Collège ou du Lycée, chez nous dédoublée,
Unterprima, ou, une année plus tard,
Oberprima, dans notre terminologie traditionnelle, et donc un élève bien réveillé de 18 ou 19 ans d'une bonne école aurait pu éviter la gaffe énorme de cette "amoris laetitia".
Mais peut-être ce n'était même pas le but, car les gaffes énormes, on ne les compte plus.