Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Le rêve de la République française:laïciser la Pologne
par Jean Kinzler 2016-04-07 11:19:04
Imprimer Imprimer

L’Eglise polonaise entre exigence et perte d’influence
LE MONDE | 07.04.2016 à 10h21



« Give me my money back », ce principe n’appartient pas qu’à la seule feu Mme Thatcher. L’épiscopat polonais le pratique depuis toujours.

Si le parti de Jaroslaw Kaczynski, Droit et Justice, dispose de la majorité absolue au Parlement, c’est en raison du soutien indéfectible de l’Eglise. Celle-ci demande aujourd’hui sa rétribution sous forme d’une loi interdisant l’avortement de manière absolue. Les Polonaises seraient tenues d’accepter une grossesse consécutive à un viol, de continuer celle dont la médecine leur prédit qu’elles accoucheront d’un enfant non viable et, cerise sur le gâteau, d’accepter de mourir lorsque la grossesse s’avère un danger mortel.

Silencieuse pendant quelques mois, l’Eglise a pu donner l’impression de vouloir se retirer de la scène politique. Erreur, elle a simplement attendu son tour, que l’affaire du blocage du Tribunal constitutionnel n’occupe plus le devant de l’actualité. Aujourd’hui, elle hausse la voix et réclame son dû. On la découvre non seulement exigeante mais plus arrogante que jamais.

L’abbé Stanislaw Malkowski a déclaré le 4 avril à la télévision que celui ou celle qui se réclame de la Plateforme civique (parti précédemment au pouvoir) ou du Comité de défense de la démocratie (mouvement créé pour réclamer la restauration du Tribunal constitutionnel) et l’exprime publiquement en manifestant sur la voie publique s’exclut d’office de l’Eglise, jusqu’au moment où il ou elle viendra à résipiscence par une confession publique.

En viendra-t-on à élever des bûchers sur les bords de la Vistule ? Le Pape est attendu en juillet sur ces mêmes rives, à Cracovie. Mais on sait d’avance qu’aucun pape n’a de prise sur l’Eglise polonaise depuis que Jean-Paul II, qui en procédait (ceci explique cela), l’a laissée, avec une réelle connivence, à ses délices de puissance temporelle soucieuse avant tout de préserver sa force matérielle et morale. Sa réforme n’est pas à l’ordre du jour, ni aujourd’hui ni demain.

Peut-être n’est-ce pas nécessaire : les jeunes générations, que dopent les excès et abus de l’Eglise (comme ceux de Droit et Justice), s’en éloignent beaucoup plus vite qu’on ne l’envisageait il y a peu : les réseaux sociaux révèlent une inventivité qui n’est pas sans rappeler l’efflorescence de mai 68, y compris par la disparition des signes de respect envers les puissants. Pour preuve, de nombreuses femmes (et de rares hommes) ont ostensiblement quitté les églises au moment où les curés ont lu en chaire, le 3 avril, la lettre pastorale exigeant une nouvelle loi sur l’avortement. Du jamais vu à ce jour en Pologne. Sur les chaînes de télévision privée, les seules épargnées par la censure et la propagande, des journalistes femmes interviewent des ecclésiastiques en leur affirmant qu’elles ne veulent pas mourir volontairement pour cause de grossesse ; au curé qui lui cite en exemple la Polonaise canonisée il y a quelques années pour avoir accepté pareil sort, la journaliste (trente ans, belle, professionnelle) répond : je ne veux pas être sainte.

L’Eglise polonaise reste confite dans ses convictions et s’abrite derrière son capital moral (mais déjà, insensiblement, les églises sont moins fréquentées), institutionnel (ne détient-elle la main jusque sur la gestion des cimetières et que n’a-t-il fallu d’astuces à ma femme pour faire enterrer son père de 95 ans coupables de ne pas pratiquer) et matériel (la nouvelle loi sur les transactions en milieu rural vient de lui donner de nouveaux passe-droits). Elle se conforme à l’image la plus archaïque du catholicisme : « Le catholicisme a pour lui l’autorité des faits : les pensées philosophiques les plus belles sont impuissantes à comprimer le vol, et les discussions sur le libre arbitre le conseillent peut-être, quand la vue d’une croix, quand Jésus-Christ et la Vierge, sublimes images du dévouement nécessaire à l’existence des sociétés, retiennent des populations entières dans leur voie du malheur et leur font accepter l’indigence ». Cette citation est du Balzac légitimiste de 1832.

Ce qui manque aux hiérarques polonais, c’est de se rendre compte qu’ils vivent au XXIe siècle et que, faute d’accomplir leur aggiornamento aux conditions de vie actuelle des Polonais, ils vont irrémédiablement perdre leurs fidèles. Oui, même en Pologne.
Droit et Justice en appelle constamment au patriotisme des Polonais, tout en insultant journellement ses opposants politiques convaincus d’être des « personnes de la dernière sorte, des voleurs ou des communistes ». L’Eglise fait de même en postulant l’identité incontournable : patriote = catholique. Les deux institutions ne voient pas ce à quoi elles travaillent : le schisme, politique d’un côté, religieux de l’autre. Sic transit gloria mundi.

Patrick Monod-Gayraud est ancien conseiller pour les affaires sociales à l’ambassade de France en Pologne


En savoir plus sur LM

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 Le rêve de la République française:laïciser la Pologne par Jean Kinzler  (2016-04-07 11:19:04)
      Vive la Pologne, monsieur. par gégé81  (2016-04-07 13:20:32)


182 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]