Lourdes cherche sa voie pour compenser la baisse constante du nombre de pèlerins et de malades, son fondement même depuis la première apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous, dont le sanctuaire fête jeudi le 158e anniversaire.

Dans la majestueuse basilique souterraine Pie X, quelque 10.000 personnes se sont massées pour cette première fête de la saison. "Une fête patronale et la fête mondiale des malades", a souligné Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes, qui a célébré une messe en six langues au cours de laquelle il a appelé "à regarder la misère en face".

La cérémonie a été ouverte par la procession des pèlerinages présents à Lourdes, une trentaine venus de toute l'Europe, suivis de 500 prêtres.

"On est habituellement plus nombreux", ont relevé Christall et Lebeau, deux clowns-pèlerins dans des costumes multicolores.

La baisse de fréquentation n'est pas nouvelle. "Depuis des années, on disait: +On a cinq millions de visiteurs, c'est extraordinaire!+ Lourdes ne s'est pas vu descendre, n'a pas réagi. Elle a gardé son image désuète", juge Josette Bourdeu, maire PRG de Lourdes depuis 2014, après 25 ans à droite.

Une note récente de la sous-préfecture, dont l'AFP a obtenu une copie, dresse un bilan sévère: entre 2009 et 2014, elle observe une "diminution concomitante" des arrivées (-24%), des nuitées (-23%) et du nombre d'établissements (-25%).

Dans cette ville de 15.000 habitants, qui compte 220 magasins de souvenirs et 159 hôtels (4.600 emplois saisonniers), les entreprises touristiques se portent "de plus en plus en plus mal", relève l'étude qui déplore la "spirale déflationniste" avec un prix des nuitées "le plus bas de France".

La baisse des pèlerinages et la diminution de la durée des séjours sont sans aucun doute liées à la crise économique, notamment en Espagne et Italie qui apportaient le plus fort contingent d'étrangers. Mais elles s'expliquent aussi par les comportements des touristes. Ils délaissent souvent les groupes, privilégiant les voyages individuels plus axés sur la découverte que sur le religieux.

- Saint-Valentin au sanctuaire -

Les difficultés sont également la conséquence de la nouvelle concurrence cultuelle. A Medjugorje (Bosnie-Herzégovine) par exemple, les apparitions de la Vierge attirent de plus en plus d'Italiens.

Douzième cité touristique française, Lourdes a décidé de réagir. A terme, l'ambition est de transformer la ville en "référence européenne" du tourisme spirituel, qui peut amener une clientèle plus aisée, selon la directrice de l'office de tourisme Pascale Fourticq.

"On avait des clients low-cost qui ne permettaient plus de travailler. Il faut suivre l'évolution des goûts", explique Benoît Casterot, président de l'Union des métiers de l'industrie hôtelière, dont l'établissement va monter de 3 à 4 étoiles.

Début octobre, Lourdes organise le premier salon sur ce thème avec des tour-opérateurs mondiaux. Tous les acteurs français du secteur (Mont-Saint-Michel, Lisieux...) sont conviés.

La cité mariale veut également devenir plus accueillante et faire sortir les gens du sanctuaire. "Il ne faut pas qu'on visite le sanctuaire comme les pyramides d'Egypte", remarque l'économe Thierry Castillo, soulignant "l'attachement" toujours fort pour Lourdes, dont les messes sont très suivies à la télévision ou sur internet.

Selon M. Castillo, il y a bien une baisse des pèlerinages traditionnels. Mais à l'inverse, il relève la progression des pèlerinages thématiques: motards, anciens combattants...

Pour Mme Bourdeu, "l'ADN de la ville doit" cependant "rester le malade". Aussi vise-t-elle le label "destination pour tous" qui pourrait relancer fortement la fréquentation, selon les experts. Il s'agit de faciliter la circulation des handicapés en fauteuil, des familles avec poussettes...

Mais la réforme et les travaux nécessaires ne seront pas faciles à faire accepter. L'été dernier, la maire avait été critiquée par les cafetiers et marchands du temple en exigeant de l'espace sur les trottoirs. Or, dans sa note, l'État juge aussi que Lourdes "pâtit" d'une présence "excessive" des commerces religieux.

Le recteur du sanctuaire, le Père André Cabes, qui organise vendredi un atelier "comment renouveler notre pèlerinage", est également conscient de la nécessité de s'ouvrir à de nouveaux publics. C'est ainsi que pour la Saint-Valentin, le sanctuaire a invité tous les couples à se "dire je t'aime". Au programme: dîner en amoureux, prières, renouvellement de l'engagement...

11/02/2016 18:14:45 - Lourdes (AFP)LP

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