Sarko a été clair : il n’abrogera pas la loi Taubira.
Il n’y a que les démocrates-crétins pour s’offusquer de ce qu’il considère être sinon un reniement, du moins un revirement. J.-F. Poisson avoue, que l’intervention de l’ex-président auprès des militants de Sens Commun l’avait mis mal à l’aise : « J’ai toujours perçu une réelle forme de malaise dans sa manière d’aborder le sujet, tout particulièrement dans son intervention de l’automne 2014 à l’invitation de Sens Commun. A l’époque, Sens Commun avait considéré sa déclaration (« puisque vous voulez que je dise le mot ‘abrogation’ je vais le dire », ou quelque chose comme ça) comme suffisante pour le soutenir à la présidence de l’UMP. »
Pourquoi ne l’a-t-il pas dit plus tôt ? Pourquoi n’a-t-il pas mis en garde les dirigeants de Sens Commun contre les propos on ne peut plus clairs de Sarko ? Quoiqu’il en soit, peu de temps après, Sarko était élu à la tête de l’ex –UMP ; aujourd’hui un certain nombre de ceux qui l’ont aidé dans sa conquête du parti se sentent cocufiés. Ils ont raison : ils le sont, et ils l’ont bien cherché. Le problème, c’est que la plupart vont rester dans ce parti ; c’est comme dans certains couples, les victimes sont masochistes ; on dénonce le cynisme, pour l’une, le parjure pour l’autre, mais que voulez-vous, on reste… C’est ainsi que Madeleine Bazin de Jessey déclare sur I Télé –on perçoit bien sa déception – qu’elle reste et qu’elle trouvera bien quelqu’un d’autre pour soutenir la cause.
Ludovine de la Rochère peut toujours pleurnicher : elle n’a pas misé sur le bon cheval. La Manif pour tous affirme qu’il « a congédié ses convictions », mais quelles convictions ? A croire que nos petits bourgeois des quartiers favorisés de Paris et de la banlieue Ouest ont de la m. dans les yeux.
En voilà assez pour la comédie de boulevard pitoyable qu’un Robert Lamoureux ou un Michel Roux n’aurait pas osé écrire : « je t’aime, moi non plus ».
Tout cela serait risible, en effet, si le sort de notre pays n’était pas en cause. Le problème crucial auquel nous sommes confrontés, la maladie dont nous sommes atteints, ce n’est pas quelques « folles » qui convolent devant M. le maire pour faire comme les autres, lesquels d’ailleurs finissent, dans la plupart des cas, par divorcer – ce qui veut dire que le mariage hétérosexuel est tombé bien bas ; allez, disons-le, il est proposé depuis longtemps au rabais parce que les êtres qui s’engagent dans cette voie n’ont pas les vertus nécessaires pour y demeurer. Sans éducation digne de ce nom, pas de mariage solide.
Le danger, ce n’est pas non plus ces irresponsables qui veulent avoir un enfant comme les hétérosexuels, bien incapables d’ailleurs d’assumer leur part de paternité ou de maternité, d’assumer tout simplement leurs responsabilités.
On me dira qu’il faut défendre la famille ; je suis d’accord, j’en suis même convaincu. Mais cela ne suffit pas : la famille ne peut rien sans l’aide de la société ; un enfant a besoin d’un papa et d’une maman, certes, mais il a aussi besoin d’une école qui l’instruise et qui continue l’œuvre d’éducation des parents. Or, à qui la plupart de ceux qui défilèrent dans les rues de Paris, ils furent des centaines de milliers, confient-ils leurs enfants ? A l’Education Nationale, qui, comme son nom l’indique, éduque les gamins, les matraque avec le Gender, leur faire perdre très tôt leur innocence par l’enseignement des questions sexuelles et en prônant tout ce qui leur permettra de jouir tout en se préservant des conséquences de l’acte sexuel : la gamme va du préservatif à l’avortement en passant par la pilule du lendemain.
Les bonnes consciences des beaux quartiers espèrent échapper à cet écueil en les mettant dans des établissements privés sous-contrat : hélas, l’enseignement diocésain a depuis bien longtemps rattrapé son retard sur l’enseignement public. Dans un cas comme dans l’autre, les petits jeunes pourront de temps en temps se rouler un joint, faire l’expérience de drogues plus dures, se « murger » le samedi soir, si ce n’est déjà le vendredi soir, pour décompresser du rythme intensif auquel la prépa les soumet toute la semaine… Sans parler de la pornographie. J’arrête là le tableau affligeant d’une jeunesse à la dérive ; il ne faudrait pas croire que les tristes exploits de ce bateau ivre ne sont réservés qu’aux autres, que nous, catholiques de tradition, sommes à l’abri. Je me contente de renvoyer à saint Paul.
Que dire de la culture ? Il suffit de voir quelles sont les préoccupations de nos chères têtes blondes pour comprendre qu’elles ne sont plus nourries : la faute à Wikipedia, Facebook, aux portables toujours plus sophistiqués qu’un jour ou l’autre on finit par leur offrir. Côté musique, le bilan est consternant : le fiston a joué du piano ou du violon pendant des années, mais il est incapable de parler de son instrument avec passion, d’écouter de la musique dite classique.
Marcel de Corte avait donné comme titre à l’un de ses ouvrages : L’intelligence en péril de mort ; il y a pire, c’est la mort de la culture qui est comme la sève irriguant le vivant, la sensibilité de l’intelligence. La disparition de la culture est le signe inquiétant de l’effondrement de la civilisation, phénomène concomitant d’une cité prête à tomber. Me voilà arrivé sur le terrain de la cité (polis en grec, civitas en latin). Ce pourquoi nous devons combattre, où plutôt ce sans quoi nous ne pouvons pas gagner, c’est le politique. Les enjeux particuliers (les biens individuels) doivent être poursuivis, mais ils se trouvent comme fragilisés du fait qu’ils ne sont pas reliés au bien commun, lequel ne peut être atteint, du moins visé, que dans le cadre de la cité. Ce qui veut dire que, sans un gouvernement qui se donne pour mission de rendre les citoyens vertueux – il n’y a pas que la tempérance à pratiquer, les incite à faire le bien et les dissuade de faire le mal, tout cela par un arsenal législatif contraignant, les efforts des uns et des autres seront limités dans le temps et dans l’espace, car incomplets.
Le tout doit entraîner les parties : aussi faut-il remettre à l’honneur la vertu de justice qui remet de l’ordre à tous les niveaux de la société. Justice commutative entre les individus, justice légale qui ordonne les parties au tout ou qui subordonne les biens particuliers au bien commun. Rappelons que le bien commun pour un pays, ce n’est pas autre chose que l’unité, la concorde, la paix : tranquillité de l’ordre selon saint Augustin. Evidemment cet objectif n’est possible que si les individus sont vertueux ou si on les incite à l’être. J’allais oublier la justice distributive, cette partie de la justice qui répartit les fonctions, les charges, attribue des responsabilités et récompense par des honneurs ceux qui les exercent et prennent des risques : honor, le terme au haut Moyen Age désigne aussi bien la charge à remplir que le bien matériel qui accompagne la réception de l’office.
L’ordre est nécessaire pour obtenir la paix, le vice produit du désordre… Je vous renvoie à cette division harmonieuse des sociétés traditionnelles en ordres. Nul besoin de faire appel à cette notion piégée qu’est la « subsidiarité ». La subsidiarité en effet est apparue dans le discours pontifical, sous Pie XI, me semble-t-il ; il s’agit là d’une nouvelle vertu, sociale, exactement contemporaine de l’élaboration de la doctrine sociale de l’Eglise, enseignement qui, prenant en compte les évolutions du monde contemporain, à travers notamment la question sociale, créait une terminologie spécifique destinée à remédier aux différents abus générés par l’ensemble des révolutions ; c’est ainsi que ne pouvant plus parler de justice légale ou distributive en raison de l’impossibilité au sein des sociétés modernes d'un quelconque bien commun, on lui substitue la notion de « justice sociale », expression consacrée par Pie XI pour mettre un terme à la « question sociale ».
Car la société française qui se répartissait jusqu’à l’été 1789 en différents ordres fut, avec le succès que l’on sait, profondément renouvelée. Rousseau triomphe avec le règne de la Terreur qui consacre le règne de l’individu et ouvre une tyrannie d’un nouveau genre, la tyrannie de tous sur tous, puisque déclare Jean-Jacques, ce marginal paranoïaque, « l’homme est un tout parfait et solitaire ». C’en est en fini du caractère social ou politique de l’homme, de sa dépendance à l’égard des autres, d'ailleurs toute forme de dépendance est injuste. La société devient donc à partir de ce moment-là un monde artificiel au sein duquel chacun se sent, sinon plus ou moins disposé à entrer, du moins prêt à tirer profit de son commerce avec l’autre. La subsidiarité doit permettre de mettre de l’huile dans les rouages d’une machine sociale qui, du fait de ses tiraillements centrifuges, a une fâcheuse tendance à tomber en panne.
Au fond, on voit bien quel doit être le rôle de la religion pour régénérer la société, la place qu’elle doit occuper dans la société : si la finalité de l’Etat (polis) est le bien commun temporel, de veiller à ce que chacun accomplisse la tâche qui lui a été assignée (son devoir d'état), celui de l’Eglise est de mener les hommes à la béatitude éternelle ; aussi le premier doit-il être subordonné à la seconde. L’un œuvre pour créer les conditions propices à l’exercice de la vertu, de toutes les vertus, l’autre transforme les hommes de l’intérieur en leur conférant la grâce divine. L'homme se perfectionne ainsi par l'acquisition des vertus cardinales et par l'infusion des vertus surnaturelles. Le changement sera bien sûr politique, il ne pourra pas, cependant, se faire sans l’Eglise. Et les gouvernants, dans cette optique, doivent être eux-mêmes chrétiens, s'efforçant d'être des exemples pour ceux qu'ils gouvernent. A quoi sert de diriger ou de corriger les autres si l'on est soi-même incapable de se corriger? Cela vaut a fortiori pour nos pasteurs.
Haut les cœurs.